Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quinze jours, Jean-Michel Jolion, président du Comité de suivi du master, remettait à Valérie Pécresse son rapport d’étape sur la mastérisation, qui constitue la clé de voûte de la réforme de la formation des enseignants.
L’éducation de nos enfants constitue un élément fondamental de l’avenir de notre nation. C’est pourquoi l’école de la République se doit d’offrir les mêmes chances à tous. La formation des enseignants est bien évidemment la clef de voûte de cette réussite.
Je veux tout d’abord saluer le formidable travail de nos enseignants, et ce à quel que niveau que ce soit. Ils sont les garants d’une éducation complète de nos enfants, je tiens à le souligner. Il est vrai que leur tâche est ardue. C’est un métier de vocation, et quelle plus belle vocation que la transmission du savoir à nos jeunes !
L’enseignement connaît aujourd’hui de nombreuses difficultés, que nous nous efforçons d’atténuer.
Je prendrai un exemple pour illustrer mes propos. Au regard du paradoxe français, si l’investissement de la France dans l’éducation nationale se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, les résultats obtenus sont cependant insuffisants et ne sont pas toujours en corrélation avec les moyens mis en œuvre. En effet, aujourd’hui, 15 % au moins des élèves sortant du primaire ne savent pas lire. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce résultat.
On voit ici l’importance de l’école primaire dans le parcours scolaire. Si la lecture et l’écriture ne sont pas maîtrisées à l’arrivée au collège, comment espérer que la scolarité des élèves se déroule sans problème par la suite ?
La réforme de la formation des enseignants, qui nous réunit aujourd’hui, a pour ambition de pallier ces difficultés.
Elle tend à élever le niveau de qualification des personnels au moment de leur recrutement, à intégrer la formation des maîtres dans le dispositif licence-master-doctorat, ou LMD, à préserver les possibilités de réorientation pour les étudiants qui ne seront pas recrutés, à préparer progressivement au métier avant les concours et à offrir des mécanismes d’encouragement et de promotion sociale pour ceux qui se destinent à l’enseignement.
Cette réforme, engagée en 2008, n’a été mise en œuvre qu’à la rentrée dernière. Il faut laisser le temps à ce nouveau système de se mettre en place et éviter l’écueil des conclusions trop hâtives. Je pense qu’il est important de prendre le temps de la réflexion.
Je tiens également à faire un point sur la formation des professeurs des écoles.
L’intégration des IUFM dans les universités était l’occasion de modifier la formation des maîtres, dans une meilleure articulation des volets académique et professionnel. Le Comité de suivi du master avait d’ailleurs rappelé l’importance de l’implication personnelle des formateurs, enseignants et enseignants-chercheurs de ces instituts dans un processus de recherche. S’il nous faut revoir le plan de restructuration de cette formation, il est primordial que cela se fasse en concertation avec toutes les parties concernées et en prenant en compte les recommandations les plus pertinentes.
Encore une fois, je suis prudente quand il s’agit d’évaluer les effets de cette politique ; nous ne sommes pas en mesure, à ce jour, me semble-t-il, d’avoir le recul nécessaire pour en apprécier tous les effets.
Monsieur le ministre, je souhaite toutefois souligner les questionnements légitimes que peut soulever la réforme elle-même, ainsi que les propositions d’ajustement, qui méritent d’être étudiées.
Il semble que le contenu trop fortement théorique et disciplinaire du concours et de la formation puisse poser problème. La pédagogie et l’expérience pratique sont absolument indispensables ; il est donc primordial que cet aspect ne soit pas négligé.
Il est nécessaire que la mastérisation entraîne une approche du métier d’enseignant qui soit non pas trop académique, mais didactique et pédagogique. Il s’agit là de la clef de la réussite des élèves. En ce sens, un réajustement doit être opéré, en corrélation avec la professionnalisation.
Il est indispensable que les professeurs appréhendent à la fois l’aspect théorique et pratique de leur mission, avec une compréhension des problématiques de terrain. La transmission du savoir ne peut se cantonner à une simple approche théorique.
L’autre point que je souhaite soulever concerne justement la nécessaire professionnalisation des enseignants, avant qu’ils ne débutent leur carrière.
Là encore, l’IUFM permettait, grâce à une année « en classe », de prendre pied dans l’univers scolaire, d’observer, d’avoir une approche quant aux méthodes déployées, et ce afin de maîtriser l’application des outils pédagogiques, la gestion de la discipline, dans le cadre de la formation à l’enseignement.
Le fait que la mastérisation donne une priorité aux acquis théoriques des différentes disciplines ne me semble pas suffisant, n’étant pas assez professionnalisant pour les futurs enseignants.
Ce qui fait défaut ici, c’est non pas leur savoir, mais plutôt leurs difficultés à le mettre en pratique.
Il est indispensable que les jeunes professeurs maîtrisent les différents aspects de leur métier, afin que chacun puisse appréhender au mieux ses fonctions. C’est pourquoi j’accueille favorablement les expérimentations qui vont avoir lieu dans quelques rectorats, permettant de mettre en place une formation en alternance.
En d’autres termes, au lieu de concentrer l’essentiel des périodes de stage à la fin des deux dernières années de master, il s’agira de mener en parallèle la formation théorique et, à raison d’une journée par semaine, « l’immersion » pratique dans une classe.
Si le volume horaire des stages doit être équivalent, la répartition tout au long de la formation permet un apprentissage pratique et théorique en douceur et de manière proportionnée.
Bien évidemment, ces expérimentations, qui s’étendront, je l’espère, à un plus grand nombre de rectorats, ne doivent en aucun cas être un palliatif au manque d’enseignants. L’alternance qui est proposée se doit d’être au service de la formation des enseignants et leur permettre de découvrir différents types de cadres, d’écoles et de niveaux, de diversifier leur connaissance pratique de l’éducation nationale, tout en étant opérationnels dans les classes.
Monsieur le ministre, j’espère, que ces pistes seront soutenues et qu’elles permettront de stopper le mouvement de désaffection des étudiants pour la formation d’enseignant. En effet, en septembre 2010, le nombre de candidats présents aux épreuves des concours a chuté de près de moitié par rapport à l’année 2009.
Nous sommes à un moment charnière de cette réforme. Il est indispensable non seulement de donner de l’attractivité au « plus beau métier du monde », mais surtout d’assurer, par la formation, sa qualité au service de l’éducation de nos jeunes.