Je vous fais tout le crédit du monde, monsieur le sénateur, mais je le répète : ni vous ni moi ne pouvons répondre à cette question. D'ailleurs, vous avez fait la démonstration très claire que, y compris dans une commune où le foncier manque, il est possible, par la préemption d'immeubles, par l'achat de propriétés bâties, de transformer du logement existant en logement social et que d'autres communes qui s'opposent à toute construction peuvent utilement tirer des leçons de votre expérience.
Certains souhaiteraient rendre automatiques les sanctions, considérant qu'à partir du moment où le constat de carence est établi une sanction doit être infligée. Des amendements ont été déposés dans ce sens et nous pourrons donc débattre de manière approfondie de ce point. Sur les cent cinquante communes qui étaient en situation de carence pour la période 2008-2010, pour dix-huit d’entre elles, les préfets n'ont pas procédé à une majoration du prélèvement, et ce pour des raisons qui peuvent être parfaitement objectives, par exemple des retards dans les opérations de construction liés à des découvertes archéologiques ou à des recours contre les permis.
C'est le deuxième élément de pragmatisme de ce projet de loi : je souhaite, parce que je pense qu’elle est utile, maintenir cette possibilité, dont on voit bien qu'elle est utilisée avec discernement, de dispenser de sanction les communes qui sont manifestement de bonne foi, qui font preuve d'une réelle bonne volonté pour résoudre ces difficultés.
Je dis à M. Collomb et à M. Fouché, qui ont évoqué cette question – M. Fouché dans des termes un peu plus brutaux –, qu’il s’agit, avec ce projet de loi, d’avoir non pas une vision univoque, mais, au contraire, une vision politique, volontariste, pragmatique, qui tienne compte de la réalité des situations. J'assume parfaitement cette position.
S’agissant de la question du partage et des équilibres entre PLUS, PLAI et PLS, le débat porte notamment sur le stock des logements existants – sont-ils évalués de manière différente ? Il est très délicat de classer rétrospectivement dans les catégories actuelles du logement social des logements issus soit d'un parc comme celui de l'EPINORPA, l’établissement public de gestion immobilière du Nord – Pas-de-Calais, soit des constructions HBM, ces habitations à bon marché des années vingt et trente.
En revanche, je pense qu'il est tout à fait normal que le Parlement débatte des équilibres à respecter dans les critères de rattrapage entre le PLS, le PLUS et le PLAI. Là encore, l'histoire nous montre que, en l’absence de toute obligation de rattrapage, de façon curieuse, certaines communes font 100 % de PLS. Aussi, la voie de la contrainte, qui n'était pas celle qu’avait choisie le législateur voilà douze ans, semble assez naturelle et normale si l'on veut que ces communes participent elles aussi à la réalisation de logements à caractère très social que sont les PLAI.
J'en profite pour signaler que nous travaillons avec la Caisse des dépôts et consignations pour pouvoir disposer, dans les zones particulièrement tendues, d'un financement bonifié et donc mettre à disposition des logements à loyers encore plus bas afin de loger ces personnes dont j'ai parlé tout à l’heure, qui ont des difficultés à sortir de l’hébergement et à accéder aux logements classiques.
Mme Schurch, M. Labbé, Mme Lienemann, M. Dilain et M. Collin ont évoqué ce point. Au vu du nombre des amendements déposés sur cette question, ce projet de loi sera peut-être amené à évoluer en prenant en compte la réflexion du Sénat.
Troisième élément sur lequel je souhaite revenir : l'investissement locatif.
Ce projet de loi repose sur trois éléments importants, mais il n’est bien sûr lui-même que le premier étage d'une fusée. D’autres étages viendront s’y ajouter. En particulier, la prochaine loi de finances sera l’occasion de poser les questions des logements vacants, de la fiscalité applicable au foncier urbanisable et de l'investissement locatif.
De manière très pragmatique, je considère que, dans la situation de crise que nous connaissons, tout ce qui peut contribuer à mettre à la disposition des familles de notre pays des logements accessibles est une bonne chose.
L'un des échecs du dispositif Scellier a notamment résidé dans sa très grande transparence, laquelle a eu pour conséquence, assez naturellement, une augmentation, voire, dans certains endroits, une explosion du coût des opérations, certaines d’entre elles n’étant que des placements à visée fiscale, sans propriétaires occupants. Ces opérations s’en sont trouvées déséquilibrées. Enfin, les contraintes afférentes au niveau des loyers, qui reposaient, comme l’ont relevé certains d’entre vous, sur un zonage très daté, n'étaient pas suffisantes pour permettre d’offrir des loyers se situant en deçà des prix du marché.
Nous travaillons sur un dispositif avec pour préoccupation première la question de l'accessibilité. Nous voulons que les loyers soient significativement inférieurs à ceux du marché. À cette fin, nous nous appuierons dans les prochains mois sur le dispositif d'encadrement que nous allons mettre en place ainsi que sur les observatoires des loyers, qui nous permettront d'avoir une connaissance très fine des niveaux de loyer territoire par territoire, quartier par quartier, type de bien par type de bien. L’objectif est que les dispositifs d'incitation fiscale soient parfaitement corrélés avec la réalité du territoire.
Donc, à ceux qui s'inquiètent de la fin prochaine du dispositif Scellier comme à ceux qui ne la regrettent pas, je dis que cette réflexion est aujourd'hui en cours et que le débat est ouvert.
S’agissant des cessions gratuites, je remercie infiniment Marie-Noëlle Lienemann des paroles très aimables qu'elle a eues. Je lui sais également gré d’avoir observé que, lorsque des terrains publics ou appartenant à l'État sont vendus très cher, en fin de compte, ce sont l'État et les collectivités territoriales qui payent, au moyen d’un dispositif qui s'appelle la surcharge foncière, lequel consiste à attribuer des subventions permettant d'équilibrer le prix des terrains par rapport au prix normal d'une opération au regard des financements du logement social classique. Il est évident qu’une cession à un tarif beaucoup plus intéressant, voire la gratuité dans certains cas, est beaucoup plus économe des finances publiques qu’une cession au prix du marché à laquelle il faut ajouter, pour que l'opération de logement social puisse se faire, une subvention pour surcharge foncière. Il s'agit là d'un bon usage des deniers publics. Il est bien plus efficace d'agir directement sur le prix du foncier public dans ce cadre.
M. Dubois, pour résumer son propos, a estimé qu'il était très difficile de mener ce débat avec les services de Bercy. Les derniers épisodes que chacun a en tête montrent effectivement que ces sujets sont sensibles. En tout cas, ils suscitent l’attention et la mobilisation de tous, tant celles du Président de la République que du Premier ministre, afin que les difficultés soient dépassées.
Puisque certains se sont inquiétés de la situation de différents établissements, en particulier de Réseau Ferré de France, qui possède un certain nombre de terrains, je tiens à dire que les échanges que j'ai eus avec le président de RFF sont extrêmement encourageants. Sachez, monsieur Mézard, puisque vous avez fait part de votre préoccupation, qu’il a exprimé sa ferme volonté de travailler avec les collectivités territoriales et avec l'État. Toujours est-il qu’il a fait part de son souci, lequel sera pris en compte, que ne disparaissent pas des emprises foncières ferroviaires qui pourront être utiles dans les années qui viennent.
Cette préoccupation est intégrée dans notre réflexion et, s’agissant des plus grands terrains, le décret d’application de la future loi créera une instance d'échange et d'arbitrage sur les projets qui seront constitués et sur la préservation, pour l'avenir, de certaines emprises ferroviaires.
J’évoquerai enfin des plus questions périphériques évoquées par Valérie Létard et René Vandierendonck.
Monsieur Vandierendonck, vous le savez, l’échange sur l’abrogation de la majoration de 30 % des droits à construire a porté ses fruits, puisque des discussions transpartisanes ont eu lieu avec l’ensemble des responsables.
Madame Létard, je sais à quel point le rôle social du parc de l’EPINORPA est déterminant. La modification de son statut sera extrêmement utile dans la perspective d’une rénovation de ce patrimoine, qui devient donc nécessaire pour 50 000 logements.
Cette contribution en faveur du logement social de la région Nord - Pas-de-Calais est décisive et j’ai bon espoir, grâce au travail important accompli sur ce sujet, que ce dispositif réponde au souhait de l’ensemble des parlementaires qui se sont préoccupés de la question.
Monsieur Rome, vous avez évoqué les établissements publics fonciers. C’est surtout leur absence sur certains territoires qui montre, à l’inverse, leur efficacité sur d’autres. Certes, les recouvrements ont parfois des conséquences néfastes, mais cette question sera abordée dans la loi-cadre, puisque, vous l’aurez maintenant compris, un certain nombre d’éléments trouveront leur traduction dans le projet de loi de finances, comme l’investissement locatif ou la fiscalité sur les terrains à bâtir.
Je pourrais également évoquer la question primordiale des 1 à 2 millions de logements vacants identifiés dans notre pays. La taxe en la matière n’a pas été très efficace, sauf, par exemple, dans l’agglomération lyonnaise, où la volonté d’instaurer un peu de coercition a prouvé son efficacité pour la libération de ces logements.
Monsieur Labbé, la vente à la découpe et les agences de listes seront au nombre des questions discutées dans le cadre de cette future loi. Il en sera de même, M. Collomb l’a évoqué, des recours abusifs, de la clarification des procédures en matière d’urbanisme ainsi que de la densification, comme je l’ai déjà dit, mais certains ne m’ont visiblement pas bien entendue. Le dispositif sera, je l’espère, extrêmement utile, opérationnel et efficace pour les collectivités locales qui en ont besoin.
Je m’en tiendrai à ces observations, car l’examen des amendements nous permettra d’approfondir l’ensemble de ces questions.
En conclusion, je répondrai à l’interpellation de M. Collomb, qui s’est inquiété de ma détermination, de mon audace et de ma souplesse. Qu’il soit rassuré : je serai souple quand il le faut, audacieuse à chaque instant et, comme chacun a pu déjà le mesurer, totalement déterminée !