Cet amendement vise à instaurer une procédure d’avis conforme du maire lors de la vente par un bailleur social d’un ensemble de logements sociaux situés sur le territoire de sa commune.
En effet, madame la ministre, aux termes de votre projet de loi, les maires devront accomplir un effort considérable pour que, en 2025, leurs communes comptent 25 % de logements sociaux, faute de quoi ils s’exposeront à des pénalités tout à fait importantes.
Au cours de la discussion générale, plusieurs de nos collègues – ce fut le cas, notamment, de Philippe Dallier, qui s’est exprimé avec beaucoup de talent – vous ont expliqué toutes les difficultés nouvelles auxquelles les maires seront confrontés pour atteindre cet objectif.
Or, dans le même temps, certains bailleurs sociaux, et pas n’importe lesquels, décident unilatéralement de procéder à la vente de logements, et cela sans aucune concertation avec les maires concernés. L’exemple d’ICADE est particulièrement parlant. Cette filiale de la Caisse des dépôts et consignations a lancé en 2009 un vaste programme de vente concernant – je vous le donne en mille, mes chers collègues ! – 35 000 logements sociaux en Île-de-France, dont près de 6 000 dans le seul département du Val-de-Marne. Notre éminent collègue Christian Favier, qui préside le conseil général de ce département et qui siège de l’autre côté de cet hémicycle, s’en souvient encore !
Or qui dit vente dit déconventionnement, donc diminution du quota de logements sociaux, alors même que les habitants et les logements sont rigoureusement les mêmes. Dans le département du Val-de-Marne que je représente et que vous connaissez bien, madame la ministre, puisque vous en êtes encore une élue locale, des villes comme Sucy-en-Brie, Maisons-Alfort ou Chevilly-Larue ont eu à connaître, pour ne pas dire à subir, ces opérations, au point que certaines d’entre elles se sont retrouvées contre leur volonté en deçà des 20 % imposés par la loi SRU.
Certes, au travers de l’amendement que Catherine Procaccia et moi-même avons fait voter dans cet hémicycle, nous nous sommes efforcés d’atténuer cette mesure en faisant en sorte que, pendant cinq ans, les logements ainsi déconventionnés restent comptabilisés dans le quota de la loi SRU. Du reste, un autre amendement sera présenté par notre groupe afin de porter à dix ans ce délai pendant lequel les maires ne peuvent être pénalisés.
Toutefois, mes chers collègues, que se passera-t-il ensuite ? Les maires se retrouveront en quelque sorte à remplir le tonneau des Danaïdes : ils seront conduits, pour ne pas dire contraints, pour certains d’entre eux, à construire de plus en plus de logements, qui disparaîtront des statistiques au gré des humeurs ou des choix capitalistiques de ces bailleurs sociaux ! C’est parfaitement intolérable et, du reste, les élus locaux ne l’ont pas toléré et ne le tolèrent pas ; je pourrais citer ici les protestations émanant de responsables de tous bords, y compris de nos collègues de la majorité lorsque ces opérations touchent des communes qui leur sont proches.
Certes, le maire est sollicité par le préfet, qui, lui, prend la décision. Toutefois, son avis est purement consultatif, alors que, tout le monde le comprend bien, c’est la politique même du logement de la commune qui est concernée.
C'est pourquoi cet amendement vise à ce que soit exigé l’avis conforme du maire. Il s'agit d’obliger les bailleurs, si c’est nécessaire, à mener avec la commune une véritable concertation, sur le nombre d’appartements mis en vente, sur le prix proposé, qui peut être choquant pour des gens modestes, sur le calendrier de mise en œuvre, mais aussi sur les mesures d’accompagnement destinées aux locataires qui ne peuvent acheter. En effet, ces derniers se retrouveront peut-être face à un propriétaire qui n’est pas un bailleur social et qui appliquera des augmentations de loyer tout à fait extravagantes.
Madame la ministre, au travers de ce projet de loi, bâti par vous dans les conditions qui viennent d’être rappelées et sans une concertation suffisante avec les élus, nous semble-t-il, vous placez les maires face à un défi que nombre d’entre eux tenteront de relever, sans être assurés d’y parvenir. Cela a été dit et répété : des pénalités extrêmement lourdes risquent de leur être infligées. Dès lors, faites au moins en sorte que les groupes immobiliers qui gèrent des dizaines de milliers de logements soient contraints de respecter la volonté des maires !
Madame la ministre, nombre d’élus acceptent de relever le défi que vous leur proposez. Adressez-leur ce signe de confiance, assurez-vous qu’ils ne sont pas soumis à une double peine ! §