Nous en arrivons, madame le ministre, avec cet article 4, au cœur du projet de loi que vous défendez, car il en constitue sans doute la mesure la plus symbolique.
L’augmentation du seuil minimal de logements sociaux pour le porter de manière quasi uniforme à 25 %, au-delà de l’intention louable de répondre à des besoins réels, soulève dans certains cas de vraies difficultés et peut avoir des effets inattendus.
Je ne m’oppose pas sur le principe aux 25 %. Je souhaite simplement en souligner les effets dans certaines situations. Mon propos s’inscrit dans le droit fil des interventions qu’ont faites hier soir plusieurs de nos collègues. Il n’a pas pour objet d’insister sur les difficultés que peuvent rencontrer les communes à produire du logement social, même si cela peut arriver ; il a pour but de vous inviter à considérer la réalité de territoires qui vivent des situations de déclassement, de perte d’identité ou de déclin industriel, se combinant parfois avec l’arrivée massive de populations en difficulté, lesquelles, ne trouvant à se loger autrement, rejoignent le parc privé.
Cette réalité est celle d’une bonne partie de la Seine-Saint-Denis, département dont je suis l’élu. S’y développe un habitat très social de fait, dans le parc privé, souvent dans des logements insalubres – nous avons tous en tête des événements tragiques –, mais aussi dans des pavillons du début du XXe siècle, quelquefois occupés par trois ou quatre familles.
Cette réalité d’un habitat très social de fait n’est pas, madame la ministre, prise en compte dans votre projet de loi. Elle est pourtant mesurable au fil des statistiques sociales des communes. Il est essentiel que la vision uniforme et quasi mécaniste que vous défendez soit complétée par un diagnostic social qui permette, selon la réalité des territoires, de moduler l’effort de production de logements. À ce titre, privilégier dans ces cas-là le PLS, par exemple, devrait être un objectif.
Je pense que nous partageons tous, dans cet hémicycle, un objectif : éviter de créer des ghettos. Prenons-y garde, ils se fabriquent, et à vitesse grand V. Les indicateurs sociaux devraient être au centre de votre dispositif.
De même, raisonner à l’échelle d’une agglomération, dès lors que celle-ci est assise sur un périmètre cohérent, devrait être un objectif partagé par tous. Il s’agit d’encadrer les disparités, qu’il faut évidemment borner dans une communauté d’agglomération, et tout le monde devrait partager cette idée de bon sens. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, un taux de 25 % à l’échelle communautaire avec un minimum de 20 % pour chaque commune lorsque c’est adapté à la situation locale, en particulier quand les indicateurs sociaux font apparaître une paupérisation croissante ?
Pour être très clair, je précise ici que ma commune, Le Bourget, est au-dessus du seuil de 25 % et que la communauté d’agglomération de l’aéroport du Bourget, que je préside, est au-dessus des 37 %. Au sein de celle-ci, la commune de Dugny, que Philippe Dallier connaît bien, compte 70 % de logements sociaux. Cela montre bien qu’il faudrait une analyse plus fine et partenariale des situations locales. Bref, il conviendrait de commencer par s’appuyer sur les PLH existants.
Contrairement à ce qu’il en est dans d’autres territoires, chez nous, la mixité, cela consiste aussi et surtout à éviter que les classes moyennes et supérieures ne fuient. C’est le cas dans de nombreuses communes du département et il faut veiller à retrouver cet équilibre, qui est en péril. C’est la condition pour que les populations éligibles au logement social vivent bien et que l’équilibre social global soit préservé.
Cet équilibre et cette mixité sociale doivent être recherchés plus globalement à l’échelle de l’Île-de-France. En tant qu’élue francilienne, madame la ministre, vous le savez bien : un effort de rééquilibrage doit être fait. C’est d’ailleurs l’un des défis du Grand Paris, dossier dont vous avez également la charge.
Madame la ministre, l’urbanisme et le logement sont le fruit d’une vision d’ensemble. Il s’agit de construire des projets de territoires qui mêlent services, emplois, équipements. Il ne s’agit pas uniquement de se référer à un taux. Il faut faire émerger une vision d’avenir pour des territoires qui, trop souvent, souffrent de cette absence de vision.
En conclusion, je vous invite à considérer avec intérêt et sagesse les amendements qui ont pour objet de porter le raisonnement à l’échelle des agglomérations et ceux qui visent à prendre en compte des critères sociaux pour déterminer l’application du taux de 25 % de logements sociaux. Ce serait un moindre mal par rapport à la vision trop générale et un brin mécaniste de votre projet de loi.