Toutefois, pour avoir été maire, pendant plus de seize ans, d’une commune de 7 000 habitants faisant partie d’une agglomération de 500 000 habitants – la communauté urbaine de Strasbourg – et qui était donc concernée par ce dispositif, je tiens à souligner les difficultés techniques que soulève la mise en œuvre d’une telle mesure.
Madame la ministre, je souhaite vous faire toucher du doigt l’impossibilité, pour certaines communes, d’atteindre ce quota. Je m’efforcerai d’être le plus clair possible sur cette question, qui est naturellement technique.
Tout d’abord, ce système crée une réelle injustice pour les villes qui, lors de l’adoption de la loi SRU, ne possédaient aucun logement social : c’était le cas de ma commune. J’étais en train d’achever la construction de 35 logements sociaux lorsque les dispositions de la loi SRU sont entrées en vigueur, mais aucun d’entre eux n’était encore livré. Cette commune voulait faire preuve de bonne volonté – je peux en témoigner – en tentant de rattraper son retard et d’atteindre l’objectif visé par la loi SRU.
Malheureusement, de fait, il est impossible de rattraper ce retard, sauf à ne plus créer que des logements sociaux. Il manquait alors à ma commune 467 logements sociaux. Pour les créer tous en une seule fois, il fallait créer une véritable ZUP, ce qui est naturellement contraire aux objectifs de tous les maires que vous connaissez et que nous rencontrons !
Je poursuis ma démonstration : dès lors qu’une commune souhaite privilégier la mixité sociale en réalisant à la fois des logements sociaux et des habitations destinées à l’accession à la propriété, il est clair que le parc de logements global communal augmente mécaniquement, et dans des proportions très importantes.
Si vous souhaitez rattraper le retard qu’affiche votre commune par rapport à l’objectif de 20 % en construisant un lotissement, vous ne pourrez évidemment pas vous contenter de réserver 20 % du nouveau bâti au logement social : il faudra y consacrer 30 %, 35 %, 40 % de celui-ci ; c’est ce que j’ai tenté de faire dans ma commune.
Ce faisant, le parc de logements communal global augmente de manière considérable, et engendre donc ipso facto de nouvelles obligations en termes de logement social. C’est la course à l’échalote ! C’est un cercle vicieux !
Je citerai quelques chiffres à l’appui de mon raisonnement. En 2001, lors de l’entrée en vigueur de la loi SRU, il manquait donc à ma commune de 7 000 habitants 467 logements sociaux au regard des nouvelles dispositions. En dix ans, j’en ai réalisé 238, recensés par le préfet. En 2009, malgré tous les efforts accomplis, devinez quel est le nombre de logements sociaux restant à réaliser que m’a communiqué le préfet… 476 !
En d’autres termes, je bâtis 238 logements sociaux sur un volume initial de 467 défini en 1999. Dix ans plus tard, il me faut en réaliser 476 de plus !
Il est clair qu’à chaque nouveau logement construit correspond une nouvelle obligation à hauteur de 20 % du parc communal. Cela signifie qu’à terme, sauf à construire exclusivement des logements sociaux – et, partant, à créer une ZUP, ce que personne ne veut – l’objectif fixé par la loi est totalement irréaliste.
J’ai dressé ce constat devant tous les ministres du logement que j’ai eu l’occasion de rencontrer, pour leur faire comprendre à quel point cette loi est problématique. J’ai exposé la situation de ma commune à tous les préfets, et ils se sont même rendus sur place. J’attends encore les réponses.
Vous l’aurez compris, dans ces conditions, je suis hostile au relèvement du taux minimum de logement social de 20 % à 25 % : ce nouvel objectif serait, a fortiori, absolument irréalisable !
En revanche, comme je le soulignerai dans quelques instants en défendant un autre amendement, pourquoi ne pas appliquer le quota actuel de 20 %, voire un taux accru, aux nouvelles constructions et non à l’ensemble des résidences principales ?