Intervention de Jacques Muller

Réunion du 5 octobre 2009 à 15h00
Engagement national pour l'environnement — Article 42

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

En préparant mes amendements sur l’article 42, j’ai examiné avec beaucoup d’attention l’exposé des motifs, qui fait apparaître que l’enjeu est de développer une agriculture « à la fois plus productive et plus respectueuse de l’environnement », prenant en compte le changement climatique et capable de répondre aux besoins d’une population en croissance.

Ces objectifs eux-mêmes me laissent perplexe.

Viser à une agriculture plus productive signifie très clairement chercher à augmenter les rendements, par hectare ou par animaux.

Or, en 2009, ce n’est plus une priorité sociétale. Le temps de la politique agricole commune née en 1962 est loin. Nous sommes en période d’excédents structurels, et non pas de déficits.

En témoignent les difficultés auxquelles est confrontée pour valoriser sa production la filière céréalière, qui se bat pour les restitutions et pour promouvoir les agro-carburants, comme les difficultés qui ont conduit à la crise laitière, à savoir la suppression des quotas et l’effondrement des marchés.

L’enjeu aujourd'hui n’est donc pas d’augmenter les rendements.

On peut aussi raisonner en termes de productivité par agriculteur, mais, je me pose la question, le Grenelle a-t-il pour objectif de contribuer à continuer de vider les campagnes et à diminuer le nombre d’exploitations agricoles ?

Nous ne sommes plus en 1972, lorsque le plan Mansholt avait pour objectif de restructurer l’agriculture afin d’accroître le rendement par individu…

Réduire l’activité agricole à la production de matières premières, que ce soit pour l’alimentation ou pour du carburant, est réducteur.

Les objectifs affichés négligent les fonctions nouvelles ou nouvellement reconnues de l’agriculture qui ont été mises en évidence par Bertrand Hervieu, à savoir l’aménagement durable du territoire et l’entretien des paysages. Un ancien ministre de l’agriculture, je veux citer ici Edgard Pisani, parlait d’une « agriculture ménagère ».

Tout cela a disparu, et je le regrette profondément.

Quant à « une agriculture plus respectueuse de l’environnement », c’est, bien sûr, une nécessité, mais la question se pose en termes non pas de pratiques mais de systèmes de production agricole.

Ces derniers ont évolué vers la spécialisation et l’artificialisation.

L’enjeu aujourd'hui est, vraisemblablement, de revenir à l’agronomie et à la polyculture, à la polyculture élevage, en tout cas d’avoir une approche plus agro-écologique et nous évoquerons tout à l’heure l’agriculture intégrée.

Dans son témoignage, l’ancien président de l’INRA, Guy Paillotin, rappelait devant la commission de l’économie que nous étions devant l’effondrement du mur des pesticides. Cela signifie bien qu’il nous faut changer de système.

En ce qui concerne l’enjeu climatique, je regrette pour ma part que n’ait pas été abordée dans la réflexion la question de l’autonomie énergétique des exploitations agricoles.

La prise en compte de l’enjeu climatique semble se résumer au développement des agro-carburants.

À cet égard, la pression de la profession est sensible : on a tout fait, y compris faire voter les absents, pour bannir ce mot de la loi et lui substituer le mot, politiquement présentable, de « biocarburants », ce qu’ils ne sont en rien.

J’aurais préféré qu’il soit question d’autonomie énergétique des exploitations agricoles, car c’est un enjeu stratégique. Si l’agriculture doit produire de la nourriture, alors qu’elle repose aujourd'hui sur l’emploi massif d’énergies fossiles, développer une agriculture plus économe en énergies fossiles est essentiel.

S’agissant enfin de la réponse « aux besoins croissants de la population », je rappelle qu’en France comme à l’échelle européenne nous sommes en surproduction. La question centrale est celle de la souveraineté alimentaire.

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