Je souscris à nombre de propos qui viennent d’être tenus. Toutefois, certaines questions que je me pose restent sans réponse. Ainsi, comment interpréter cet empressement, voire cette précipitation, à changer le statut de la SOGINORPA par le biais de ce qui ressemble fortement à un cavalier législatif, qui fait d’ailleurs écho à celui qu’a présenté Mme Létard au mois de juillet dernier ?
Madame la ministre, lors de votre intervention sur l’amendement en cause, vous l’aviez alors vous-même qualifié de cavalier législatif. Vous aviez affirmé que ce dossier ferait l’objet d’une attention toute particulière et que vous travailleriez afin d’élaborer un dispositif permettant de trouver une solution prenant en compte la volonté des élus locaux.
Mais de concertation, il n’y en a eu quasiment aucune : les trente et un membres du conseil d’administration de l’EPINORPA découvriront sans doute le changement proposé dans les journaux locaux. Une telle méthode n’est pas sans rappeler celle qu’a employée l’ancien gouvernement et que nombre d’entre nous, au sein de la Haute Assemblée, ont dénoncée.
La première version de l’amendement qui nous a été soumis en amont, sur l’initiative de l’EPINORPA, évoquait encore quelques minutes avant l’heure limite de dépôt des amendements la possibilité de faire bénéficier l’établissement des mêmes exonérations fiscales et des mêmes aides que celles dont profitent les sociétés anonymes d’HLM, sans changement de statut. Que signifient toutes ces cachotteries ?
Si le projet est aussi transparent que viennent de l’indiquer les orateurs précédents, ne pensez-vous pas qu’il aurait fallu en discuter de façon concertée, avec l’ensemble des acteurs concernés, à savoir avec les syndicats de mineurs, les représentants des locataires, les ayants droit et les collectivités territoriales, que nous représentons ici ? Peut-on les ignorer aussi superbement alors que celles-ci ont apporté le cautionnement nécessaire à l’emprunt de 450 millions d’euros lors du rachat du patrimoine immobilier des houillères à l’État ?
Je fais aussi remarquer à ceux qui ne connaissent ce dossier que depuis Paris que ce ne serait que justice si l’EPINORPA-SOGINORPA pouvait bénéficier des mêmes avantages que les autres sociétés d’HLM. Faut-il rappeler en cet instant que l’argent des loyers a servi durant trop d’années à renflouer les déficits de Charbonnage de France chimie à hauteur de plus de 1 milliard de francs ?
Permettez-moi de citer maintenant un extrait du rapport de la chambre régionale des comptes établi au mois d’août dernier sur la situation financière de l’EPINORPA. Selon ce document, « l’intervention des collectivités territoriales a pris la forme, initialement, du cautionnement de l’emprunt accordé lors du rachat des actions SOGINORPA. Depuis, leur intervention se limite à la désignation des membres du conseil d’administration, alors qu’elles pourraient être mieux associées à la définition de la stratégie d’EPINORPA [...] la définition d’une feuille de route suggérée par le conseil général du Pas–de-Calais, rappelant les grands objectifs de la collectivité en matière de politiques publiques liées au logement social, pourrait permettre aux administrateurs de renforcer le rôle des collectivités qu’ils représentent, dans la gouvernance d’EPINORPA. »
Cette feuille de route aurait pu permettre de proposer ce changement au conseil d’administration de l’EPINORPA et de définir les orientations des investissements qui seront faits avec les gains escomptés de cette transformation. Ce n’est pas en effet la moindre des questions que de savoir comment sera utilisé l’argent économisé.
Enfin, et ce point n’est pas le moindre, ce statut de société immobilière de gestion nouvellement acquis permettrait à l’EPINORPA, nous a-t-on dit initialement, d’économiser 20 millions à 30 millions d’euros d’impôt sur les sociétés et environ 20 millions d’euros de taxe sur le foncier bâti. Mais si l’on y regarde de plus près, l’on s’aperçoit que l’exonération de foncier bâti ne porterait plus que sur les constructions à venir, et non sur le patrimoine existant, fort heureusement d’ailleurs, sinon les communes pâtiraient d’un gel de leur foncier bâti pendant quinze ans.
Alors quel est le bénéfice réel attendu quand, on le sait, dans le même temps la nouvelle structure perdrait le bénéfice des crédits de l’ANAH, soit 13 millions d’euros en 2012 et 21 millions d’euros en 2011 ? Le grand bénéficiaire ne serait-il pas plutôt votre ministère, madame la ministre ?
Comme vous pouvez le constater, de trop nombreuses interrogations subsistent.
Le maintien de l’EPINORPA est, semble-t-il, prévu. Mais cela irait mieux en l’écrivant, faute de quoi serait posée la question de la représentation des syndicats de mineurs au sein du conseil d’administration.
La politique de vente de la nouvelle société, qui sera facilitée par le nouveau statut, soulève également des questions. La priorité sera-t-elle donnée à la rénovation et à la réhabilitation des logements des mineurs, des ayants droit et des locataires ?
Enfin, nous nous interrogeons sur l’ouverture possible du capital de la nouvelle entité à une structure privée, qui pourrait bien sûr viser d’autres objectifs que ceux qui sont fixés actuellement.
Voilà qui fait tout de même beaucoup de questions et de déficit démocratique ! Tout cela m’amène à demander à leurs auteurs de retirer ces amendements, afin que l’évolution proposée soit discutée d'abord par tous les acteurs concernés avant d’être votée définitivement au Parlement. Si tel n’était pas le cas, le groupe CRC serait contraint de s’abstenir aujourd'hui.