Le rétrécissement du vivier de recrutement des candidats au métier d'enseignant, la crise des vocations liée aux représentations du métier, à ses conditions d'exercice, à l'allongement de la durée des études requises – la mastérisation ! – touchent dramatiquement les jeunes des milieux les moins favorisés, qui doivent se lancer précocement dans la vie active par manque de ressources. Ces jeunes, dont les familles ne maîtrisent pas les codes d'accès à l'enseignement supérieur, gardent peut-être même un souvenir peu valorisant, sinon traumatisant, des liens enseignants-enseignés qu'ils ont connus.
Le secteur de l'éducation nationale est actuellement sinistré – les constats sont sans appel –, cause de fracture sociale et de désespérance de la jeunesse, qui ne peut plus croire en un avenir meilleur.
Il est essentiel de rouvrir cette voie de promotion sociale que fut l'accès des enfants du peuple au noble métier d'enseignant.
Il faut offrir à l'éducation nationale, à travers ces emplois d'avenir professeur, des enseignants issus des quartiers difficiles, qui ont connu, enfants, des difficultés qu'ils ont surmontées, avec le soutien de la nation. Des professeurs qui ont connu cette stigmatisation sociale, cette forme de relégation, sauront développer une pédagogie propre à conduire les enfants qui leur ressemblent vers la réussite.
Pour cela, à l'intérieur du dispositif général des emplois d'avenir destiné à des jeunes peu ou pas qualifiés, les emplois dits d'avenir professeur sont réservés à des étudiants boursiers de l'enseignement supérieur inscrits en licence voire en master.
Ces étudiants bénéficieront d'une priorité d'accès aux emplois d'avenir professeur lorsqu'ils effectueront leurs études dans une académie déficitaire pour autant qu'ils aient résidé dans une zone sensible, dans une zone de revitalisation rurale ou un département d'outre-mer, ou bien qu'ils aient effectué leurs études secondaires dans un établissement situé dans une zone d'éducation prioritaire.
Voilà le cadre d'un ciblage efficient des jeunes actuellement trop souvent écartés des études supérieures et a fortiori des métiers de l'enseignement.
Dans le cadre du contrat d'emploi qui sera proposé à ces jeunes boursiers, seront décrits le contenu du poste proposé, sa position dans l'organisation de l'établissement d'affectation, distincte de toute mission de remplacement d'enseignant absent, ainsi que les compétences visées à l'issue du contrat.
Ce cadre mentionnera obligatoirement la formation dans laquelle l'étudiant concerné sera inscrit.
Par ailleurs, l'étudiant bénéficiera d'un tutorat au sein de l'établissement dans lequel il exercera.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, chers collègues, voilà des dispositions qui contribueront à sécuriser les parcours universitaires de jeunes issus des quartiers cibles se destinant au professorat, à soutenir leur professionnalisation et à renouveler la diversité sociale du corps enseignant.
J'ai bien perçu que ces emplois d'avenir professeur ne seront proposés que par des établissements publics d'enseignement. J'aurais apprécié qu'ils soient ouverts aux collectivités locales ou aux associations d'éducation populaire organisant des activités éducatives périscolaires.
En effet, l'initiation aux métiers de l'éducation et de l'enseignement serait ainsi plus complète et fournirait, dans le cadre de la refondation de l'école et de l'aménagement des temps de l'enfant, les pistes souhaitables.
Je souhaite avoir votre avis, monsieur le ministre, sur cette évolution du champ de recrutement et sur l'élargissement de l'expérience professionnelle que les emplois d'avenir professeur pourront permettre.
Nonobstant, je soutiens sans réserve cet article 2 : il tend à créer un outil majeur de promotion sociale grâce à l'approche empirique des métiers, qui permet de lever les a priori négatifs que certains jeunes peuvent avoir sur le métier d'enseignant. Le ciblage sur les étudiants boursiers permet de briser le plafond de verre et les mécanismes d'autocensure qui peuvent conduire les jeunes issus des classes modestes à ne plus se diriger vers les carrières de l'enseignement.
De plus, quel que soit le parcours du jeune, le dispositif favorise son insertion professionnelle car, même en cas d'échec au concours, il lui sera possible de valoriser l'expérience qu'il aura acquise, alors qu'il est souvent difficile pour ces jeunes issus de territoires cibles de trouver des stages.
C'est, quoi qu'il arrive, un premier pas vers l'emploi, la reconnaissance de leurs aptitudes et la promotion sociale. Il s'agit non pas d'un pré-recrutement, mais bien d'une opportunité d'insertion professionnelle tournée vers l'éducation. En d'autres termes, c'est une main tendue de la Nation, qui renoue avec la promotion républicaine, à laquelle nous sommes viscéralement attachés, pour construire la société de demain.