Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la question du financement des indemnités chômage des travailleurs frontaliers exerçant en Suisse, aujourd’hui très problématique et, surtout, très défavorable à la France du fait de la substitution du droit communautaire à certains accords bilatéraux.
En cas de chômage total, les frontaliers sont indemnisés par leur pays de résidence, en l’occurrence la France. La convention franco-suisse d’assurance chômage du 14 décembre 1978 prévoyait une rétrocession d’une partie des cotisations perçues sur les salaires des frontaliers au titre de l’assurance chômage, équivalant à 90 % du montant des cotisations.
À la suite de l’entrée en application de l’accord sur la libre circulation des personnes, et conformément au protocole de l’annexe 2 de celui-ci, cette rétrocession a été maintenue jusqu’au 31 mai 2009. Ainsi, des derniers chiffres dont on dispose, il ressort que le montant de la rétrocession des cotisations auprès de l’UNEDIC s’est élevé à plus de 119 millions d’euros, soit autant de manque à gagner désormais pour la France.
Depuis le 1er janvier 2010, conformément à la reprise de l’acquis communautaire par la Suisse, cette rétrocession n’a plus lieu d’exister.
Depuis le 1er avril 2012, le règlement (CE) n° 883/2004 s’applique entre la Suisse et les États de l’Union européenne. Aux termes de ce nouveau texte, les prestations de chômage restent à la charge de l’institution de l’État de résidence. Toutefois, l’État d’emploi rembourse la totalité du montant des prestations servies pendant les trois premiers mois de l’indemnisation. Cette période peut être étendue à cinq mois, sous condition de durée minimale de la dernière activité.
Je dois, à ce propos, signaler que le règlement stipule que les États peuvent prévoir d’autres méthodes de remboursement, notamment en concluant des accords bilatéraux.
Monsieur le ministre, je souhaiterais donc savoir, d’une part, si les autorités françaises sont en mesure de demander le remboursement aux autorités helvétiques, ce qui suppose d’avoir identifié parfaitement les chômeurs frontaliers, et, d’autre part, à quelle durée correspond aujourd’hui la rétrocession : trois ou cinq mois.
Enfin, le Gouvernement compte-t-il saisir la possibilité offerte par le règlement et entamer une négociation avec la Confédération helvétique pour aller au-delà ?
La question se pose d’autant plus que, au regard de certains métiers en tension – ceux de la mécanique, la profession d’infirmière –, la France subit une « double peine ». En effet, nous formons les jeunes à ces métiers, souvent par la voie de l’apprentissage, et, au terme de leur formation, ils sont « aspirés » par la Suisse, où les salaires sont plus attractifs. Cependant, lorsque la situation économique de ce pays se dégrade et qu’ils sont, le cas échéant, licenciés, c’est le système d’indemnisation du chômage français qui les prend en charge. La France paye ainsi et la formation et les indemnités de chômage.
Au vu des informations que nous avons pu recueillir, il semblerait que la Suisse ne soit pas opposée à négocier la mise en place d’un dispositif différent, moins pénalisant pour la France.
Je tiens également à souligner que les frontaliers n’entendent pas être des assistés du régime français, alors qu’ils ont acquitté leurs cotisations en Suisse et qu’ils ne peuvent prétendre à l’indemnisation dans ce pays du fait de la législation helvétique.
En conclusion, monsieur le ministre, au moment où le Gouvernement recherche tous les moyens et les ressources possibles afin de réduire les déficits publics, notamment celui de la sécurité sociale, une telle mesure me semblerait plus juste et plus équitable que celles que vous vous apprêteriez, selon nos informations, à mettre en œuvre. Celles-ci visent à relever de 8 % à 13, 5 % la cotisation d’assurance maladie des frontaliers affiliés à la couverture maladie universelle à compter de janvier prochain, ce qui induirait une perte de pouvoir d’achat moyenne de 1 500 euros pour chacun des 180 000 travailleurs frontaliers français. De surcroît, il semble que vous envisageriez d’avancer de mai 2014 au début de l’année 2013 l’échéance de fin du droit d’option permettant à ces actifs de choisir entre la CMU et l’assurance privée.