Intervention de Jean Desessard

Réunion du 25 septembre 2012 à 14h30
Création des emplois d'avenir — Article 1er

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Je m’interroge sur l’amendement déposé par Jacques Mézard et les radicaux de gauche visant l’éligibilité des emplois saisonniers reconductibles trois ans au dispositif des emplois d’avenir.

En effet, le dispositif a été élargi aux zones de revitalisation rurale. Or nombre de ces dernières sont situées en montagne. Et ce qui les caractérise, c’est que leurs économies sont dépendantes de la saisonnalité, notamment pour le secteur touristique, qui se trouve mentionné parmi ceux qui sont susceptibles de proposer des emplois d’avenir. Toutefois, comment se fondre dans le dispositif si celui-ci ne tient pas compte du caractère particulier de cette économie, celui de contrats à durée déterminée qui durent pendant les quelques mois de la saison ?

L’élargissement du dispositif aux emplois saisonniers permettrait de répondre à plusieurs problèmes. Il accompagnerait vers l’emploi des jeunes qui en sont éloignés car ils sont peu qualifiés ; il encouragerait la reconduction des contrats avec les mêmes personnels d’une saison à l’autre, pour asseoir l’apprentissage des compétences ; il permettrait une montée en puissance de la mission et du projet de la structure accueillante ; enfin, il favoriserait l’emploi sur le territoire concerné.

Anicet Le Pors dans son rapport de 1999 sur la pluriactivité et le travail saisonnier distinguait trois profils de saisonniers : les professionnels du tourisme saisonnier, les pluriactifs locaux et les jeunes en insertion. Ce sont bien sûr à ces derniers que nous nous intéressons avec les emplois d’avenir.

Ces jeunes en insertion sont loin d’être tous des étudiants en recherche d’un job pour les vacances. Ceux qui ne disposent pas de formation préalable et qui, faute de mieux, ont accepté un emploi dans le tourisme saisonnier sont nombreux. Et parmi eux, on compte beaucoup de « locaux » qui travaillent en saison pour pouvoir « rester au pays » et qui aspirent à être considérés comme n’importe quels autres salariés, avec des préoccupations relatives à l’annualisation des heures, la formation, la pénibilité.

Néanmoins, la précarité de l’activité touristique est préjudiciable à ces personnes qui sont dans l’impossibilité de se projeter valablement dans l’avenir. De même, la difficulté d’accès aux prestations sociales des saisonniers est une réalité. Enfin, ces derniers peuvent être victimes de la lecture, disons aléatoire, du droit du travail par certains employeurs du secteur.

Cette précarité est d’ailleurs également préjudiciable aux territoires du fait de plusieurs manques à gagner : coût social de la précarité collatérale, moins-value sur les recettes fiscales, etc.

Pourtant, il est possible de développer des actions visant à répondre à la fois aux besoins de main-d’œuvre du secteur du tourisme et à la demande d’insertion professionnelle des jeunes. Depuis quinze ans, l’association Jeunes emplois mobilité Rhône-Alpes, un outil crée par l’union régionale des missions locales Rhône-Alpes, a accompagné plus de 5 000 jeunes dans l’emploi saisonnier touristique.

Le retour d’expérience qui en a été fait montre que les emplois saisonniers du tourisme constituent l’un des derniers champs professionnels permettant aux jeunes d’acquérir une autonomie immédiate vis-à-vis de leurs parents, aussi bien en matière de logement que sur le plan financier. De plus, ils offrent des expériences renouvelées chaque saison, les métiers aperçus en exercice étant enrichissants. Ils conviennent bien à des jeunes encore à la recherche de leur voie professionnelle, à ceux dont c’est la première expérience ou qui acquièrent une expérience plus riche après une qualification.

Complétées par des dispositifs de validation des acquis de l’expérience, ces initiatives d’accompagnement individualisé spécialisées sur les emplois saisonniers peuvent faire émerger des spirales positives.

L’an dernier, la région Rhône-Alpes a ainsi mis en place un dispositif de validation des acquis de l’expérience, ou VAE, pour les travailleurs saisonniers. Son objectif est de proposer à ces derniers un accompagnement individualisé, un soutien renforcé et des démarches administratives facilitées, pour qu’ils puissent faire reconnaître leur expérience et leurs compétences professionnelles au travers de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification.

Le bilan chiffré de ce dispositif fait état, au bout d’un an, de 94 saisonniers accompagnés dans leur parcours VAE, dont 31 sont en phase de recevabilité. On peut donc faire des emplois saisonniers une porte d’entrée vers le monde du travail et un vecteur de reconnaissance sociale, comme nous le prônons.

Élargir le dispositif des emplois d’avenir aux saisonniers serait un moyen de reconnaître la validité de cette expérimentation et de la diffuser à d’autres territoires.

Bien sûr, cet élargissement doit se faire sous conditions : la reconduite sur trois ans du contrat et une durée totale au moins égale à douze mois. Ces conditions sont aussi celles qui permettront aux jeunes de progresser dans l’acquisition de leurs compétences en situation, d’être des salariés à part entière de la structure employeuse participant à l’évolution de leur projet, et, enfin, de se projeter dans l’avenir.

Ces conditions étant explicitement évoquées dans cet amendement, nous avons l’assurance que les objectifs des emplois d’avenir seront respectés.

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