Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Albert Einstein nous a appris les charmes de la relativité ; aussi devons-nous être conscients que, dans un monde de disette financière où le budget ne cesse de se contracter par phases successives, tel un cycle sans fin, le statu quo peut apparaître comme une forme de progression. Tel est le cas, du moins pour l’essentiel, du budget destiné à l’outre-mer, tant au niveau de la mission « Outre-mer» qu’à l’échelon global. Cela souligne une nouvelle fois la volonté manifeste de l’État d’assurer un effort soutenu pour l’ensemble des collectivités ultramarines. Nous pouvons donc manifester une certaine satisfaction ou plutôt, pour être plus exact, une satisfaction relative !
La notion d’« économie », dont on nous rebat en permanence les oreilles au point de perdre de vue la finalité du budget – il s’agit de financer du mieux possible des dépenses jugées utiles qui sont l’expression de choix politiques – comporte des effets pervers, masquant souvent, par une lecture immédiate, les résultats à moyen et à long terme.
Pour « gagner » quelques sous, entend-on dire, alors qu’il s’agit non pas de gain, mais d’un renoncement à agir, on peut, par de malencontreux coups de rabot financiers, se priver de l’atteinte des objectifs retenus.
Alphonse Allais disait, sous forme de boutade : « II faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable » ! En réalité, ce n’est pas une boutade. Il faut sortir du carcan dogmatique qui nous étouffe et empêche une utilisation optimale des crédits. Alors, on pourra dépenser moins tout en agissant plus.
Je n’entrerai pas dans le détail des crédits prévus pour la mission « Outre-mer » qui ont été excellemment présentés par les rapporteurs spéciaux. Je concentrerai simplement mon intervention sur deux points auxquels la commission des lois est attachée, à savoir les instruments de la dépense et la gestion de celle-ci.
En effet, il ne suffit pas de disposer des moyens de l’action, encore faut-il les utiliser au mieux des besoins et de la façon la plus adaptée à ces nécessités. Or, dans ces domaines, il semble que des progrès substantiels pourraient être réalisés.
Le premier point que j’aborderai concerne les indicateurs de performance. Ces derniers se révèlent rudimentaires ou parcellaires au point de ne pouvoir remplir pleinement leur fonction d’information et d’évaluation.
Compte tenu de l’ampleur de l’effort budgétaire et fiscal déployé, en particulier en matière de défiscalisation et d’allégement des charges sociales, il serait opportun que l’État s’assure de manière beaucoup plus approfondie de l’efficacité économique et sociale des différents instruments financiers utilisés, comme de l’emploi des crédits attribués. Or des interrogations subsistent à ce sujet.
Certes, une évaluation est présentée, mais elle n’est ni suffisante ni très significative à cet égard et ne permet pas au Parlement de mesurer clairement le rendement global et relatif des choix effectués, ni de connaître leur impact réel par rapport aux objectifs poursuivis.
En définitive, cette question est liée à celle de la réorganisation de l’administration centrale chargée de l’outre-mer, qui constitue le deuxième point que je souhaite soulever dans cette brève intervention.
Interministérielle par nature, la politique de l’État en faveur des populations et des collectivités d’outre-mer requiert impérativement une forte coordination et une autorité de pilotage capable d’exercer cette dernière et de veiller à l’intégration correcte de la dimension ultramarine dans toutes les politiques publiques et par tous les départements ministériels. Alors que, trop souvent, l’outre-mer est encore insuffisamment pris en compte, tout semble démontrer que le ministère chargé de l’outre-mer et la délégation générale à l’outre-mer ne disposent pas réellement de cette autorité au sein du Gouvernement pour jouer pleinement ce rôle de coordination et pouvoir peser suffisamment dans les arbitrages interministériels.
Or l’outre-mer a besoin d’une administration centrale solide, qui puisse l’accompagner vers son avenir, une administration qui dispose de véritables capacités d’évaluation et de prospective, une administration qui soit à même d’effectuer l’analyse, évoquée précédemment, de l’efficacité des dispositifs spécifiques en faveur de l’outre-mer.
La réforme déjà effectuée de la délégation générale à l’outre-mer n’est pas satisfaisante et n’a pas atteint ses objectifs. Rattachée au ministère de l’intérieur, cette délégation n’a pas l’autorité suffisante pour assurer sa mission de coordination interministérielle. De plus, ses effectifs ne paraissent pas adaptés aux missions qui devraient être les siennes en termes de conception, de pilotage, d’évaluation et de coordination. Il faut aller plus loin. Je veux en cet instant rendre hommage à notre collègue Marc Massion, dont le rapport traite excellemment de cette question.
La commission des lois plaide donc pour le rattachement direct au Premier ministre de l’administration centrale de l’outre-mer, sous forme d’une délégation interministérielle, d’une mission interministérielle, ou mieux encore d’un secrétariat général à l’outre-mer, à l’instar du secrétariat général aux affaires européennes.
Cette remise à niveau est particulièrement urgente pour accompagner les profondes évolutions en cours outre-mer.
On ne le dira jamais assez, l’outre-mer est une chance pour la France.