Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque je considère le budget qui nous est soumis aujourd’hui, d’aussi loin que ma mémoire politique se le rappelle, il me vient un constat navrant et pathétique, que tous les apparents rebondissements de l’histoire n’arrivent plus à masquer : au fond, pour l’outre-mer, rien de nouveau sous le soleil !
Cette période de l’année ressemble à un long feuilleton télévisé, dont on pourrait rater quatre ou cinq épisodes sans rien perdre du fil de l’intrigue. Rien ne change, en vérité.
Toujours à la même période, en présence pratiquement des mêmes collègues, on reprend les chiffres, et toujours on retrouve les perpétuelles oppositions entre le discours insistant sur le coût de l’outre-mer pour la France, et un autre, peut-être naïf, qui présente ces territoires comme « une chance pour la République ».
Que sommes-nous exactement ? Que sont vraiment les outre-mer pour la France ? Seraient-ils juste un thème de trop dans la liste des sujets que doit traiter le Parlement, et qui agace les rapporteurs de la commission des finances ? Les outre-mer seraient-ils simplement le prix à payer par la France – est-il si élevé ? – pour pouvoir se vanter d’être la deuxième puissance maritime du monde ou de posséder la plus belle réserve de biodiversité des pays d’Europe, ou encore le port spatial de l’Europe ?
À la fin de l’année 2008, j’ai suivi le débat sur le budget de l’outre-mer, déjà très contesté par les parlementaires ultramarins, lors de l’élaboration de la loi de finances de 2009. Et j’ai suivi la crise sociale de 2009, qui avait déjà commencé en Guyane à la fin de l’année précédente. Puis j’ai suivi le vote en urgence de la LODEOM, les états généraux de l’outre-mer et enfin le comité interministériel de l’outre-mer.
J’ai entendu discours, annonces, engagements, espoirs, et j’ai vu la réaffirmation, au sein de la population guyanaise, du contrat qui lie la République et ses territoires périphériques.
Au mois de janvier dernier, l’espoir s’est même traduit par un vote des Martiniquais et des Guyanais pour un maintien de leurs départements dans la République sous le régime en vigueur de l’identité législative !
Aujourd’hui, je ne suis pas le plus déçu. Un dicton cynique ne dit-il pas : « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient » ? La vérité est bien là : les lois de finances aiment bien dévoyer, sinon défaire, presque aussitôt ce que les lois pour l’outre-mer, telles la LOOM, la loi d’orientation pour l’outre-mer, la LOPOM, la loi de programme pour l’outre-mer, la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, essaient péniblement de faire.
Aujourd’hui, on atteint le fond du puits. En effet, pire que tout, ce gouvernement qui n’écoute pas la rue – et ce n’est pas moi qui le dis ! – n’écoute bien que la rue dès lors qu’il s’agit de l’outre-mer ! Du moins – n’exagérons rien ! –seulement quand ses cris menacent des intérêts politiques et commerciaux notoirement inéquitables, et qui lui sont particulièrement liés.
Et, dans ces cas-là, on promet tout ce qui peut calmer la foule. On peut même se dépêcher d’inscrire dans une loi les dispositions adéquates. Mais une loi, n’est-ce pas un acte majeur, dévoyé dès lors en une recette miracle ?
Ne serait-il pas aussi tout à fait inconsidéré de diminuer les recettes de l’État, le temps de publier les décrets, en particulier si l’on se donne beaucoup de mal à laisser un peu traîner les choses... La prochaine loi de finances sera venue, la rue se sera calmée, et l’on pourra reprendre tranquillement ce que l’on avait donné, et même plus !
Lorsque j’analyse le projet de loi de finances pour 2011, en particulier le budget de la mission « Outre-mer », je découvre le scénario d’un mauvais feuilleton, indigne d’un État démocratique. J’observe le reniement par l’État de ses valeurs, le déni de ses propres engagements et le mépris pour des citoyens déjà vulnérables, qui sont abusés.
Alors non, aujourd’hui, je ne veux pas entrer dans la bataille des chiffres du budget pour 2011. Nous le savons tous, il diminue. Il doit nous renvoyer au bilan de la LODEOM, et donc à un nouvel exemple des inconséquences de ce gouvernement.
Aujourd’hui, je ne veux pas refaire le procès d’une défiscalisation qui a été privilégiée au détriment de l’aide budgétaire à une structuration véritable des filières de développement économique, et qui dévoile toutes ses limites.
Aujourd’hui, je ne veux pas m’appesantir sur la manière dont le Gouvernement, dans les faits, ne prend aucun compte ni des actuelles conditions de logement des ultramarins sur leur propre territoire ni des problèmes de la formation, de la jeunesse, de l’emploi, du développement économique, ni m’attarder sur les 15 000 foyers qui, en Guyane, vivront encore pour un temps indéterminé sans avoir accès à l’électricité, juste à côté de la base d’où sont lancés pourtant les vecteurs Ariane et d’où le seront bientôt les lanceurs Véga et Soyouz.
Aujourd’hui, je voudrais savoir quel projet du Gouvernement sous-tend tout cela.
Selon moi, ce projet est vide. Il sonne creux. Il se pare des oripeaux du changement institutionnel pour mieux masquer son manque de contenu et son absence totale de perspective.
Sans m’y appesantir davantage, je vais plutôt me projeter dans l’avenir et tenter de parer au désastre qui nous attend.