cet article 2 porte sur la création d’emplois d’avenir professeur.
Il s’agit – je cite le rapport pour avis de notre collègue Françoise Cartron – de « revivifier le recrutement des enseignants en sécurisant les parcours universitaires des étudiants se destinant au professorat, en intensifiant leur professionnalisation et en préservant la diversité d’origine sociale du corps enseignant. »
Je souscris à la nécessité d’avoir un vivier d’enseignants qui reflète la diversité du corps social de notre pays. Il est vrai que la réforme dite de la mastérisation a eu un effet financier « couperet » pour un certain nombre d’étudiants.
Je partage également l’analyse sur la crise de recrutement que connaît l’éducation nationale. Cette question avait même guidé ma réflexion de rapporteur tout au long des travaux de la mission d’information sur le métier d’enseignant et elle figurait en bonne place dans le rapport publié en juin dernier.
Mais ces deux constats n’auraient-ils pas nécessité justement d’engager, dès cette rentrée, un véritable processus de pré-recrutement statutaire. Le rapport précité proposait ainsi des pistes pour un pré-recrutement, pré-recrutement dont notre école a besoin de toute urgence si l’on veut assurer l’ambition de faire réussir tous les élèves.
D’ailleurs, cette question du pré-recrutement revient avec force à l’occasion des débats menés dans le cadre de la concertation « Refondons l’école » auxquels j’ai pu participer.
Le dispositif que nous examinons ici est une mesure d’urgence ; il ne s’agit pas de pré-recrutements. Cela a bien été rappelé lors de nos débats en commission. Mais je m’interroge quant à son potentiel en matière de « sécurisation des parcours universitaires ». En effet, nous connaissons tous – les études sur ce point ne manquent pas – la difficulté de concilier études et emploi, et le taux d’échec qui en résulte. Ce dispositif sera-t-il donc en mesure d’assurer la réussite de ces futurs jeunes professeurs, c’est-à-dire de leur permettre de passer et de réussir le concours ?
Cette mesure d’urgence s’appliquera, d’ici trois ans, à près de 18 000 étudiants ; elle doit donc faire l’objet de toute notre attention.
C’est le sens des amendements que nous avons déposés afin que des garanties aient force de loi et que tout ne relève pas du seul domaine réglementaire.
Le premier de ces amendements vise à inscrire explicitement dans la loi, comme plusieurs d’entre nous l’ont souhaité, que ces emplois d’avenir n’ont pas vocation à remplacer des professeurs absents ou à pourvoir des postes restés vacants.
Le texte est en effet insuffisamment précis quant aux activités qu’auront à réaliser, à mi-temps, ces étudiants en emploi d’avenir professeur. Il n’y est fait mention que d’« une activité d’appui éducatif compatible, pour l’étudiant bénéficiaire, avec la poursuite de ses études universitaires ou la préparation aux concours ».
En revanche, l’étude d’impact et les différents rapports parlementaires détaillent cette activité et son évolution. Cela va de fonctions très proches de celles des assistants d’éducation jusqu’à des pratiques d’enseignement accompagnées, comparable au stage de master.
Cela mériterait d’être éclairci dans la mesure où le projet de loi ne prévoit pas de cahier des charges national qui permettrait aux étudiants de distinguer précisément ce qui relève de l’emploi et ce qui relève de la formation.
De plus, ce dispositif n’est pas piloté par la formation. C’est le deuxième point sur lequel je souhaite m’arrêter.
« Intensifier la professionnalisation des étudiants se destinant au professorat » est l’un des buts affichés de ce dispositif. Or comment le faire sans impliquer le formateur, à savoir l’université ?
Autre interrogation : puisque nous sommes dans le cadre de l’éducation nationale, pourquoi avoir fait le choix de contrats de droit privé – source d’insécurité juridique pour les établissements s’il en est ! – et non de droit public comme pour les contrats d’assistant d’éducation ?
Comme il s’agit d’un contrat de douze mois, renouvelable dans la limite de trente-six mois, et que le jeune titulaire d’un emploi d’avenir professeur pourra être mis à disposition de plusieurs établissements en même temps, comment, dans ces conditions, pourra-t-il réussir à concilier temps d’exercice de l’emploi d’avenir, temps d’études et temps de formation dans le cadre du master ?
Sur ce point, les auditions d’étudiants de master en alternance par la mission d’information sur le métier d’enseignant nous ont éclairés quant aux difficultés rencontrées par ces étudiants volontaires dont les lieux d’études et de stage se trouvaient éloignés, même s’il ne s’agissait parfois que d’une dizaine de kilomètres. La question du temps de transport ne doit pas être ignorée, singulièrement en région parisienne.
Pour terminer, je voudrais vous faire part d’une inquiétude. Ce projet de loi, dans sa globalité, s’adresse à des jeunes hommes et jeunes femmes déjà confrontés à des parcours de vie difficiles, et dont l’origine sociale doit être prise en compte. Cela pose la question de savoir quelle ambition nous nourrissons pour ces jeunes et, de fait, pour toute la jeunesse dans sa globalité. À travers eux, nous nous posons également la question de savoir dans quelle société nous voulons vivre.
Alors, vers quel type d’emplois nous projetons-nous en ce début de mandature pour progresser vers l’émancipation de tous et toutes, pour en faire des citoyens ? Cela, je le pense, implique des ruptures.