Madame la ministre, vous nous présentez un projet de budget en diminution sensible. Soit ! Compte tenu de la situation des finances de l’État, on peut effectivement penser que des efforts, auxquels chacun doit contribuer, y compris l’outre-mer, sont indispensables. Je suis d’accord à condition que le remède ne soit pas pire que le mal et que, à terme, cela ne coûte pas plus cher.
Au cours de ces deux dernières années, on a beaucoup entendu parler de l’outre-mer, parfois sur fond d’inquiétude, lors de manifestations bruyantes des populations locales, ou sur un ton bien plus positif, comme lors des états généraux de l’outre-mer qui ont mis en exergue non seulement les problèmes de nos territoires, mais aussi leurs incontestables possibilités de développement.
Aujourd’hui, le Gouvernement a décidé que l’année 2011 serait l’année des outre-mer. Je ne peux que m’en réjouir. Au même moment, certaines réalités et décisions auxquelles nous sommes confrontés m’étonnent, voire m’inquiètent.
On entend régulièrement soutenir dans les discours que l’évolution de l’outre-mer passe obligatoirement par la valorisation de son environnement maritime, qui place la France au deuxième rang mondial, par la valorisation de sa biodiversité, qui représente 10 % de la biodiversité mondiale, ainsi que par son intégration géographique grâce au développement des coopérations régionales.
J’adhère totalement à ce programme, comme nombre de mes collègues ultramarins. Mais une question me taraude : comment y parvenir avec des réductions budgétaires ? Comment faire plus avec moins ?
Certes, il est possible d’optimiser les dépenses avec une meilleure gestion, mais il faut rester réaliste. Alors que les objectifs affichés lors des états généraux sont déjà ambitieux, donc difficiles à atteindre, ils pourraient se limiter à de vaines déclarations en raison de telles restrictions.
Une autre source d’inquiétude est la place de l’outre-mer dans la politique européenne. Nous savons que l’Union européenne s’apprête à signer des accords de libre-échange avec le Canada ainsi qu’avec certains États d’Amérique du Sud. Malheureusement, les territoires ultramarins des zones concernées n’ont nullement été associés aux négociations. Quid de la coopération régionale ? Plus généralement, quelle est la place réservée à l’outre-mer au sein de la politique économique européenne ?
À Saint-Pierre-et-Miquelon, malgré mes propositions pour dynamiser et pérenniser les relations et les échanges avec le Canada, les accords de coopération régionale signés en 1994 n’ont toujours rien apporté en matière économique.
Je maintiens ce que je vous ai déjà dit, madame la ministre : la coopération régionale ne pourra exister que si la politique nationale y croit et s’y attèle sérieusement.
Il ressort des récents contacts que j’ai pu avoir avec les provinces du Canada atlantique que cette coopération, à laquelle elles se sont intéressées ces dernières années, leur semble impossible à mettre en œuvre compte tenu du nombre d’obstacles relatifs au montage des dossiers.
En effet, en raison de notre petite taille, certaines compétences incontournables font défaut localement. Je l’ai dit et je le répète, madame la ministre, nous ne pouvons assumer à tous les niveaux l’autonomie que nous confère l’article 74 de la Constitution.
J’en profite pour parler de la télévision numérique terrestre, ou TNT, à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui, par le biais des médias, nous fait rayonner à travers le Canada. Sa gestion risque de mettre fin à ce rayonnement, ainsi qu’à celui de la France, auprès de nos amis canadiens.
Initialement prévue pour offrir un accès gratuit à un plus grand nombre de chaînes avec une meilleure qualité de réception, de son et d’image, la TNT peut produire l’effet inverse à Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, l’arrivée de la TNT est imposée chez nous avec un cryptage des chaînes, dont peut-être la chaîne locale.
Nous ne pourrons donc plus diffuser à travers tout le Canada, comme nous le faisons actuellement et depuis bientôt onze ans, pour environ 600 000 téléspectateurs potentiels. En outre, la population devra investir dans des décodeurs onéreux, ce qui va quelque peu à l’encontre du principe de gratuité de la TNT.
Ce coût sera difficile à assumer, surtout pour les retraités dont la situation n’est pas bien prise en compte depuis quelques années. Je pense notamment à ceux dont la pension est faible – nous en avons parlé à plusieurs reprises. En outre, Saint-Pierre-et-Miquelon se trouve dans la zone dollar et subit en même temps une inflation. Avec des retraites de misère, nos seniors pourront très difficilement s’offrir la TNT.
J’en viens à un autre sujet d’inquiétude. Madame la ministre, voilà un an, dans ce même hémicycle, j’obtenais votre promesse pour la mise en place à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’aide au fret à destination des petites entreprises exportatrices de l’archipel. Nous attendons toujours la mise en application de cette mesure dont l’économie locale a crucialement besoin pour avoir une chance d’être compétitive. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Revenons à 2011. À l’heure où je vous parle, je ne sais pas comment cette année de l’outre-mer se déroulera. Comment cela se traduira-t-il dans les faits, que ce soit sur le terrain ou dans l’Hexagone ? Les parlementaires ultramarins que nous sommes n’ont, à ce jour, pas été associés au projet par l’État.
J’espère qu’il y aura notamment une vraie mise en valeur de l’incroyable biodiversité de l’outre-mer, auprès tant de nos compatriotes métropolitains que de nos voisins géographiques respectifs. Même les ultramarins ont besoin de découvrir ou de redécouvrir leur environnement.
Après avoir appris que Saint-Pierre-et-Miquelon avait été oublié par certaines instances nationales, j’ai récemment entrepris de faire connaitre la richesse de la biodiversité de mon archipel auprès des ministères de l’outre-mer, de l’écologie, de la recherche et de l’enseignement supérieur, ainsi qu’auprès du Conservatoire du littoral, de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, la FRB, de l’Agence des aires marines protégées et de France nature environnement, ou FNE. J’espère que Saint-Pierre-et-Miquelon sera pris en compte à l’avenir, dans le cadre de l’environnement.
Comme vous pouvez le constater, madame la ministre, je suis très inquiet. Pouvez-vous me rassurer en répondant à ces questions dont dépend l’avenir de l’outre-mer, et plus particulièrement celui de Saint-Pierre-et-Miquelon ?