Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 1er décembre 2010 à 10h30
Loi de finances pour 2011 — Outre-mer

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les années 2009 et 2010 ont été riches en événements pour l’outre-mer, d’un point de vue tant économique et social que politique et normatif !

La crise de mars 2009, révélatrice du malaise qui gangrène nos territoires depuis un certain temps, a déclenché une réaction en chaîne de bonnes intentions pour refonder la confiance et encourager la croissance, notamment les états généraux de l’outre-mer, la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer, l’adoption de la LODEOM dans cet hémicycle, ou encore la première réunion du Conseil interministériel de l’outre-mer.

Toujours en quête de reconnaissance et forts de leurs richesses, nos territoires seront à l’honneur en 2011, lors des manifestations de « l’année des outre-mer ». Toutefois, comment donner toute sa portée à ce clin d’œil à l’outre-mer si la crise économique et sociale, à l’échelon local, déstabilise les forces vives et angoisse nos concitoyens ? C’est contre cet état de fait qu’il faudrait lutter par des orientations et des moyens adaptés !

Madame la ministre, vous l’aurez compris, même si je peux me réjouir des manifestations culturelles à venir, sans doute utiles pour une meilleure connaissance des outre-mer et pour la promotion de ces territoires, je regrette amèrement que les arbitrages du projet de loi de finances pour 2011 ne soient pas porteurs d’impulsions de nature à promouvoir le développement endogène, tant scandé lors des états généraux, ou à stimuler la croissance des économies locales.

En effet, des dispositions de telle nature auraient permis de contrer les tendances observées : hausse spectaculaire du chômage en 2009, de plus de 23 %, augmentation de plus de 11 % du nombre de demandes d’emploi en attente, en particulier de celles des jeunes et des seniors, repli de la consommation des ménages, de l’investissement, des échanges commerciaux, avec un recul de 23 % des importations et de 14 % des exportations, paralysie de l’économie et, surtout, crise du secteur du bâtiment et des travaux publics, conséquence inévitable des blocages qui pénalisent la production de logements sociaux.

Malheureusement, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2011 ne me semble pas contenir les impulsions nécessaires pour faire face à une telle situation ; cela est d’autant plus vrai que, au-delà des lignes budgétaires, même rabotées, qui sont affichées, les procédures de traitement des dossiers visent inexorablement, nous semble-t-il, à limiter efficacement la consommation des crédits budgétés.

À propos de lignes budgétaires, madame la ministre, c’est la première année depuis trois ans que votre budget est en légère baisse : moins 0, 5 % en autorisations d’engagement et moins 2, 3 % en crédits de paiement.

Même s’il ne représente que 16 % de l’effort budgétaire global de la nation envers l’outre-mer – ce qui, nous l’avons déjà dit et répété, ne permet pas d’avoir une vision nette de l’action globale de l’État dans nos territoires, c’est tout de même ce budget qui nous renseigne sur la volonté politique du Gouvernement à agir, résolument ou non, dans les compartiments essentiels de la vie et de la société au sein des extensions ultramarines de la République que constituent nos territoires.

Dans ce cru 2011 du budget des outre-mer, je me contenterai de pointer trois sujets cruciaux : l’emploi, le logement et la continuité territoriale.

D’abord, en matière d’emplois, les chiffres que j’ai rappelés précédemment sont éloquents et alarmants ! Même si les objectifs fixés par le Président de la République sur trois ans pour le SMA, le service militaire adapté, ne seront pas atteints, ce dispositif est efficace ; il connaît un certain succès et constitue un excellent vecteur de qualification pour nos jeunes.

Pour autant, au-delà de la gravité de la situation des jeunes, il ne faudrait pas méconnaître la situation des seniors, qui risque de se dégrader avec la mise en œuvre des nouvelles dispositions relatives aux retraites ; d’où l’impératif d’un développement économique pour répondre à leur demande.

Concernant les crédits consacrés au soutien aux entreprises, aux exonérations de charges patronales, je note l’effort qui est consenti pour apurer la dette de l’État envers les organismes sociaux. Mais, surtout, madame la ministre, il faut tout faire pour éviter qu’elle ne se reconstitue rapidement, une tendance que l’on observe peut-être d’ores et déjà.

Ensuite, sur la question du logement social, je reste vraiment inquiet. Madame la ministre, je vous ai récemment interpellée à ce sujet en mettant l’accent sur les 7 000 logements en attente de construction, la chute de plus de 35 % de l’activité du BTP, la destruction d’emplois, les plans sociaux en cours d’élaboration et les 20 000 Guadeloupéens qui attendent désespérément un logement ! Les réponses que vous m’avez fournies ne m’ont pas satisfait et elles ont d’ailleurs provoqué un profond émoi chez les professionnels du logement, notamment en Guadeloupe.

Or, dans le projet de budget que nous examinons, les crédits consacrés à cette question stagnent en autorisations d’engagement et chutent de plus de 9 % en crédits de paiement ! C’est dire si la crise risque de perdurer, sinon de s’aggraver. J’insiste donc de nouveau sur la nécessité de simplifier la procédure de délivrance des agréments, de débloquer les dossiers en cours et de rassurer les opérateurs immobiliers en affirmant la possibilité de combiner les deux sources de financement que sont la défiscalisation prévue par la LODEOM et la ligne budgétaire, socle du financement du logement social !

Enfin, concernant la continuité territoriale, vecteur symbolique de citoyenneté, de solidarité et d’unité nationales, je regrette que, dix-huit mois après le vote de la LODEOM, les dispositions majeures prévues ne puissent entrer en vigueur !

Madame la ministre, en matière de développement économique, de chômage, de logement, de cherté de la vie, de situation des collectivités territoriales, les clignotants sont au rouge !

Après les espérances suscitées par les conclusions et décisions issues des états généraux de 2009, l’année 2010 se termine sur une réelle déception. Cela a été largement exprimé ce matin.

Que sera 2011 ? Ce projet de budget ne me permet pas d’être optimiste ! Je vous invite, et à travers vous le Gouvernement, à ne pas laisser pourrir la situation, car, croyez-moi, les conséquences pourraient être désastreuses pour tous, et à tout point de vue !

Bien entendu, madame la ministre, je ne voterai pas a priori contre votre projet de budget, car je veux penser que vous entendrez et comprendrez mon appel. Il n’en reste pas moins que j’écouterai attentivement vos réponses à mes interrogations comme à celles de mes collègues.

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