Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous aurions dû aujourd’hui examiner un budget audacieux, à la hauteur des promesses qui ont été faites en réponse à la crise sociale qui a durement touché l'outre-mer.
Au lieu de cela, ce budget suit cette année le même chemin que celui que le Gouvernement impose à l’ensemble de nos politiques publiques : la voie de la régression. C’est le moins que l’on puisse dire ! En effet, on observe une diminution des crédits de 46 millions d’euros par rapport à l’an passé.
Il y a eu la crise, me direz-vous. Mais, madame la ministre, la crise ne justifie pas que vous puissiez ainsi vous exonérer des engagements essentiels de l’État car, en dernier ressort, ce sont les populations à risque, celles qui sont les plus fragiles et les plus exposées qui en font les frais !
Déjà, la crise de 2009 a fortement endommagé les finances des collectivités. L’octroi de mer a subi des tirs croisés de toutes sortes et le gel des dotations des collectivités pour trois ans aggravera encore cette situation.
Ce choix paraît difficilement défendable, car il s’agit de résorber en trois ans une trentaine d’années de dérapages non contrôlés en en faisant porter la responsabilité par ceux qui n’y sont pour rien.
À qui la faute ? Elle est imputable, certainement pas à ceux qui, pour la plupart, vivent en dessous du seuil de pauvreté, mais bel et bien aux tenants du capitalisme et du libéralisme dont ce gouvernement est trop souvent le fidèle porte-voix.
Ce budget devait être le reflet des dispositifs qui ont été votés dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer. Or, dix-huit mois après sa promulgation, celle-ci n’est que partiellement mise en œuvre.
La ligne budgétaire unique s’amenuise de 21 millions d’euros et les crédits consacrés aux logements sociaux et très sociaux perdent la somme, si l’on peut dire « modique », de 34 millions d’euros. Quand on connaît l’immensité des besoins en outre-mer, les chiffres parlent d’eux-mêmes !
Pour prendre l’exemple cité ma collègue Gélita Hoarau concernant La Réunion, 22 600 familles ont déposé une demande de logement. Or, comme l’a souligné le rapporteur spécial Éric Doligé, en 2009, seuls 6 200 logements ont été construits en outre-mer, alors qu’il en faudrait au minimum 45 000 par an pour faire face aux 60 000 demandes en attente. Ce décalage est dramatique. Qui plus est, il entre encore une fois en contradiction avec la promesse de rallonge budgétaire de 20 millions d'euros, attendue par les bailleurs sociaux.
Ainsi devient-il plus qu’urgent d’augmenter la ligne budgétaire unique, comme il devient essentiel de rectifier le tir quant à la mise en œuvre de la défiscalisation appliquée au logement social, pensée et voulue par le Gouvernement. Au regard des dérives constatées pendant la crise, il nous paraît inopportun, voire indécent, de faire dépendre le logement social des arbitrages d’investisseurs privés.
Le logement social ne peut pas et ne doit pas devenir un instrument de régulation des finances publiques.
Offrir à tous ceux qui en ont besoin un habitat décent contre un loyer adapté et maîtrisé : telle est la politique du logement que nous souhaitons voir mise en œuvre, aussi bien en outre-mer qu’en métropole.
Par ailleurs, les décisions du conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 sont, elles aussi, au point mort : 137 mesures ont été annoncées pour les outre-mer, dont 71 mesures transversales à l’ensemble des collectivités ultramarines. Aujourd’hui, la banane est menacée par des multinationales américaines avides, favorisées par les règles de l’Organisation mondiale du commerce, qui s’appliquent avec tranchant et sans appel.
Le tourisme décline et le chômage atteint des sommets pour les ultramarins. Le taux de chômage est deux fois plus élevé dans les départements d'outre-mer qu’en métropole et augmente six fois plus vite : il atteint 22, 7 % en Guadeloupe, 21, 2 % en Martinique, 20, 6 % en Guyane et 29 % à La Réunion. Mais, surtout, il touche de plein fouet les jeunes, dans des proportions encore plus importantes. Faut-il rappeler que les départements d’outre-mer sont les régions d’Europe où le chômage des jeunes atteint des niveaux record ?
Madame la ministre, face à l’ensemble de ces problématiques, c’est votre responsabilité qui est engagée.
Certes, ce ne sont pas les « plans d’action » qui ont manqué ces dernières années : loi d’orientation pour l’outre-mer, loi de programme pour l'outre-mer, loi pour le développement économique des outre-mer. Au total, la liste est longue des mesures grandiloquentes, qui ont toutes rendu l’âme ou la rendront, puisque ce budget 2011 manque cruellement d’audace !
Madame la ministre, dix-huit mois après le vote de la LODEOM, les dispositions prévues ne sont toujours pas toutes en vigueur et, un an après votre engagement solennel au Sénat, certains décrets d’application ne sont pas encore publiés.
Le nouveau dispositif de continuité territoriale balbutie, les pratiques des compagnies aériennes flottent dans un clair-obscur. Quant au rapport de synthèse prévu par la loi sur les coûts et les prix des transporteurs soumis à l’obligation de service public, les parlementaires attendent toujours, la transparence aussi !
Nous regrettons que, une fois de plus, l’outre-mer soit relégué au second plan et méprisé de la sorte. Au final, ce budget pour 2011 n’est pas à la hauteur des engagements pris. C’est inadmissible !
Nos concitoyens ultramarins méritent bien mieux que le sort que vous entendez leur réserver dans le présent projet de loi de finances. C'est la raison pour laquelle le groupe CRC-SPG votera contre les crédits de la mission « Outre-mer ».