Madame la ministre, il y a une phrase que vous aimez prononcer depuis quelque temps : « L’outre-mer doit s’inscrire également dans l’effort national de maîtrise de la dépense publique ». C’est une phrase qu’apprécie fortement votre ministre de tutelle, puisqu’il n’a pas hésité à déclarer, s’adressant aux maires ultramarins lors du récent Congrès des maires : « L’État s’impose des règles très strictes pour limiter la casse, les déficits et ce qui peut nous arriver avec Bruxelles ; cela s’applique à tout le monde. L’outre-mer ne peut être totalement exonéré de cet effort national et, sur ce sujet, Marie-Luce Penchard a tenu un discours de vérité, un discours de femme d’État ».
C’est un très bon point pour vous, madame la ministre ! Mais, vous le savez certainement mieux que M. Hortefeux, la situation des outre-mer n’est en rien semblable à celle de la métropole et chaque territoire d’outre-mer présente ses propres particularités. De ce fait, ils méritent une attention différente.
Soyez rassurée, madame la ministre, je ne vais pas vous faire un inventaire à la Prévert de tous les maux des outre-mer, ni vous rappeler le malheureux souvenir des événements qui ont émaillé nos territoires en 2009.
Je souhaite m’inscrire non dans la complainte, mais dans la volonté d’agir avec les moyens que vous êtes censée mettre à la disposition de mon département de Guyane dans cette période de restriction budgétaire.
Les crédits qui lui sont réservés dans le projet de loi de finances pour 2011 s’élèvent, toutes missions confondues, à 1, 3 milliard d’euros, soit une baisse notable de 40 millions d’euros par rapport à 2010, sur laquelle je n’épiloguerai pas. Considérons-la comme notre tribut à l’effort national !
Plus que sur l’évolution des chiffres, concentrons-nous sur l’effectivité des actions, sur leur adéquation à la réelle problématique du territoire. Le temps qui m’est imparti m’oblige à n’intervenir que sur quelques questions, que je juge essentielles.
Je commencerai par l’enseignement scolaire dont la situation demeure particulièrement préoccupante, au point qu’un ancien recteur n’a pas hésité à conférer à la Guyane le triste privilège « des plus mauvais résultats de France sur tous les plans ».
Nous vivons des situations ubuesques, dont l’une a récemment poussé de jeunes étudiants à bloquer le rectorat. Ils manifestaient leur colère d’avoir découvert, après s’être inscrits à une formation, en l’occurrence, le brevet de technicien supérieur, BTS Études et économie de la construction, qu’elle ne serait pas lancée. C’était un « BTS fantôme », pour reprendre leurs propres termes… Tout cela témoigne d’une situation catastrophique, qui devrait nécessiter la mise en place d’un « plan Marshall ». Or tel n’est pas le cas, on en est même très loin !
Tout en saluant la pérennisation de la dotation spéciale d’équipement scolaire, je regrette que la mission « Enseignement scolaire » elle-même ne progresse que de 2 %, taux nettement inférieur à la population scolarisable, laquelle progresse de plus de 5 % chaque année. Doit-on continuer, madame la ministre, à enfoncer dans le gouffre de l’illettrisme et des échecs scolaires une jeunesse aussi nombreuse ?
J’en viens à un autre sujet d’importance, le logement, qui est aussi une priorité urgente. Et pour cause ! En Guyane, 15 % de la population vit dans des logements insalubres ou illicites. Ces derniers, au nombre de 19 000, abritent 30 000 personnes. En outre, 13 000 demandes de logements ne peuvent être satisfaites dans le secteur locatif social. Pourtant, 80 % de la population est éligible au logement social.
C’est une véritable crise aigüe du logement à laquelle on assiste et que l’on n’arrive pas à juguler. Il est vrai que vous avez fixé des objectifs encore plus ambitieux que ceux qui figuraient dans la loi instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO, soit 5 700 logements locatifs sociaux par an, contre 5 400 pour l’ensemble des DOM, en misant sur une stabilisation de la Ligne budgétaire unique, la LBU, et sur le nouveau dispositif de défiscalisation créé par la LODEOM.
Mais quand on regarde de plus près, on s’aperçoit que vous faites reculer de 30 % les crédits de paiements de la LBU et que les dossiers immobiliers montés en défiscalisation ont du mal à sortir tant la procédure paraît complexe. Il en résulte que, pour l’heure, les résultats sont loin d’être à la hauteur des besoins. En conséquence, madame la ministre, peut-on espérer que votre système de financement du logement social, que vous défendez si bien, deviendra vite opérationnel ?
Madame la ministre, un troisième point m’a fortement interpellé dans l’examen de votre budget. Il s’agit, outre les retards pris dans l’application des mesures de la LODEOM, de la réduction plus que significative de crédits, voire leur suppression. Ils concernaient pourtant des actions qui, selon moi, concouraient ou pouvaient concourir à la politique de développement endogène, dispositif préconisé par le chef de l’État pour sortir les outre-mer de leur non-développement.
Parmi les sujets essentiels, je veux citer le rabotage des niches fiscales avec, notamment, l’exclusion des investissements réalisés dans le secteur photovoltaïque du champ des investissements éligibles à la défiscalisation. C’était, entre autres, pour beaucoup de communes de Guyane encore enclavées, la seule possibilité de fournir en électricité leurs nombreux sites à l’écart. L’amendement que j’ai présenté, à cet effet, même s’il a semblé être entendu par M. Baroin, ancien ministre de l’outre-mer, bien au fait des choses, n’a pas été retenu pour autant.
Je citerai également un autre sujet d’importance, la réduction des crédits du Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI. Ce fonds, créé par l’article 31 de la LODEOM afin de participer au financement d’équipements structurants en partenariat avec les collectivités territoriales d’outre-mer, voit le montant de ses autorisations d’engagement ramené à 10 millions d’euros. Les autorisations d’engagement ouvertes en 2010 s’élèvent à près de 60 millions d’euros pour un montant en provenance du FEI de près de 39 millions d’euros destiné à des opérations de financement d’écoles, de réseaux d’assainissement ou d’infrastructures de transport.
La Guyane a bénéficié, à elle seule, au titre de ce fonds, de 4, 9 millions d’euros. Il paraît donc incompréhensible qu’il soit ramené à un tel montant.
Je citerai, enfin, l’appui à l’accès aux financements bancaires auquel je délivre une mention spéciale ! Cette initiative répondait à une demande récurrente des socioprofessionnels locaux. Elle a été relayée par la proposition n° 34 de la mission d’information du Sénat sur la situation des DOM, dont l’objet était : « Étendre aux agriculteurs et aux pêcheurs des départements outre-mer les dispositifs de garantie et d’aide applicables en métropole. »
Tout en saluant cette initiative, il convient d’en limiter la portée : le fonds de garantie ne sera doté que de 5 millions d’euros en crédits de paiement en 2011, et aucun crédit n’est prévu en autorisations d’engagement pour 2011, alors que le fonds était doté de 10 millions d’euros.
En dépit de l’instauration de ce fonds, les banques continuent à voir avec la plus grande frilosité la clientèle venant des secteurs productifs.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositifs existant en métropole, les dispositifs OSEO, ne sont toujours pas appliqués aujourd’hui dans les DOM, même s’il existe une convention-cadre de partenariat signée entre OSEO et l’Agence française de développement, l’AFD, dont « l’objet est d’étendre la gamme des produits financiers distribués par l’AFD qui concerne désormais l’ensemble des produits OSEO ». Cela demeure un point à éclaircir ou à clarifier dans les délais les plus brefs si l’on veut réellement faire décoller économiquement « les outre-mer ».
Madame la ministre, mon temps est malheureusement écoulé, et je le regrette, car j’aurais voulu également aborder la situation catastrophique de la santé en Guyane. À ce propos, quid du plan santé outre-mer ?
J’aurais aimé vous parler aussi de l’exploitation aurifère et du rôle qu’elle peut jouer pour la Guyane, de l’orpaillage clandestin et de ses ravages.
Je vous remercie à l’avance de bien vouloir répondre à toutes les questions que je vous ai posées.