Intervention de Michel Magras

Réunion du 1er décembre 2010 à 10h30
Loi de finances pour 2011 — Outre-mer

Photo de Michel MagrasMichel Magras :

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget qui nous est soumis s’inscrit dans le contexte que nous connaissons. Les finances publiques sont en berne cette année, et les perspectives à moyen terme ne poussent pas davantage à l’optimisme.

Dans cette situation, le budget de l’outre-mer accuse donc une diminution raisonnable, que je qualifierai, pour ma part, de contribution républicaine.

Ainsi, il ne sera pas dit demain que l’outre-mer a contribué à l’augmentation du déficit et de la dette publique, au moins en 2011.

En effet, si je récuse, au nom de cette contribution républicaine, l’idée que l’on parle d’effort de la nation lorsqu’il s’agit des dépenses consacrées à l’outre-mer, j’approuve, en revanche, qu’il soit demandé un effort à l’outre-mer comme au reste de la nation. Celui-ci se traduit par une baisse de 0, 6 % des autorisations d’engagement et de 2, 3 % des crédits de paiement.

Certes, les retards demeurent et, de ce point de vue, je comprends l’amertume de certains de mes collègues. Je la comprends d’autant mieux que la LODEOM votée voilà à peine un an subit, par la force des choses, le « coup de rabot » national.

En rabotant les niches fiscales dont fait partie la défiscalisation outre-mer, l’État espère diminuer son manque à gagner fiscal. Il est vrai que la remise en cause des politiques de développement de manière récurrente n’est pas de nature à favoriser la stabilité du cadre économique, qui est si nécessaire pour susciter la confiance des investisseurs et les inciter à prendre des risques outre-mer.

Je me permets d’insister : si la contribution me semble légitime, il faut néanmoins espérer désormais que l’objectif d’économie de la dépense fiscale ne se traduise pas par la diminution de l’investissement dissuadé par le « coup de rabot ». Dans ce cas, on aurait alors créé un cercle vicieux qui obligerait l’État à rendre d’une main ce qu’il aurait gagné de l’autre.

Vous devez sans doute, au moins pour certains, être étonnés de m’entendre parler ainsi de la défiscalisation. Je crois que chacun ici connaît la position de Saint-Barthélemy, donc la mienne, sur le sujet. En réalité, ce n’est pas tant la défiscalisation en elle-même que je soutiens que la stabilité du cadre économique.

À cet égard, madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux que me réjouir des amendements adoptés par l’Assemblée nationale sur l’initiative de Gaël Yanno. Je reste, en effet, persuadé que la défiscalisation ne peut être un outil utile à l’économie qu’à la condition que l’investissement ne soit pas uniquement guidé par l’opportunisme fiscal. C’est pour cela que la collectivité de Saint-Barthélemy a choisi d’autoriser les investissements en défiscalisation dans des secteurs ciblés et en nombre limité.

Ainsi, les dispositions relatives à la transparence et, si j’ose dire, à la moralisation du dispositif, introduites par l’Assemblée nationale, vont dans le sens d’une saine clarification des règles bénéficiant avant tout à l’économie locale. De même, l’augmentation de 2 % du taux de rétrocession s’inscrit dans cette même logique.

Selon moi, ces amendements adressent un message consistant à rappeler l’objectif principal de la défiscalisation, à savoir l’augmentation de l’investissement en outre-mer, la compensation du déficit de capitalisation, et pas seulement la réduction de l’impôt. Il était plus que temps !

C’est à ce prix que l’outre-mer cessera d’être considéré comme un terrain de jeux pour payer moins d’impôts, au mépris de l’intérêt de l’économie locale et du développement durable.

Dans cette même philosophie, j’ai cosigné les amendements présentés par notre collègue Jean-Paul Virapoullé, afin d’introduire un agrément au premier euro pour les investissements dans le domaine du photovoltaïque, car l’accroissement des contrôles est une autre manière de faire des économies en évitant une utilisation détournée des fonds publics.

J’aurais néanmoins souhaité que ce principe d’agrément au premier euro soit étendu à l’ensemble des investissements éligibles. Cela aurait renforcé l’effet de la disposition de la LODEOM, fort opportunément introduite par la commission des finances, qui permet aux présidents de région de rendre un avis sur les projets d’investissement soumis à agrément. En effet, qui mieux que les collectivités locales peut juger de l’opportunité d’un investissement en ayant une vue globale sur l’économie ?

Une entreprise ne devrait pas, en effet, avoir la possibilité d’investir dans un domaine qui ne correspond ni aux besoins réels ni à la volonté politique de la collectivité concernée, d’autant que, lorsqu’on parle de défiscalisation, il s’agit d’argent public. On se situe donc du point de vue non pas uniquement de l’intérêt de l’entreprise, mais aussi de celui de la collectivité.

C’est d’ailleurs pour cela que je vous félicite, madame la ministre, d’avoir préservé le logement social car, même si Saint-Barthélemy n’est pas concernée, s’il est un secteur qui relève de l’action publique et de la solidarité, c’est bien celui du logement.

Pour terminer sur la défiscalisation, permettez-moi de dire quelques mots sur le photovoltaïque, qui a provoqué des remous en métropole comme en outre-mer. Dans ce débat, je distinguerai l’investissement artisanal ou familial des projets photovoltaïques à caractère industriel.

Le premier me semble devoir être encouragé, car il contribue largement à faire évoluer les mentalités et le rapport à l’énergie en favorisant une meilleure gestion de sa consommation. Plus les foyers deviendront autonomes grâce au solaire, plus ils auront conscience de leur consommation dès lors qu’ils en sont les gestionnaires. C’est mon avis. On pourrait donc, outre-mer mieux qu’ailleurs, développer ce type de comportement compte tenu de la disponibilité de l’énergie solaire. Je reste pour autant conscient du coût élevé de l’équipement, mais convaincu que le déplacement de l’avantage fiscal sur le solaire privé pourrait favoriser une baisse des prix.

Je suis moins enthousiaste s’agissant des centrales photovoltaïques. La « surchauffe » provoquée par un surcroît d’investissements évoquée par nos collègues de l’Assemblée nationale montre bien que le secteur est particulièrement dynamique. La suppression de l’avantage fiscal ne devrait donc pas se traduire par un arrêt total des investissements. On sait en outre que, au-delà de 30 % d’énergies renouvelables, la stabilité du réseau électrique n’est plus assurée.

Je partage, là encore, l’avis de mon collègue Jean-Paul Virapoullé. Par son amendement, celui-ci a proposé un compromis afin de ne pas remettre en cause les projets engagés.

J’évoquerai enfin un point qui concerne particulièrement Saint-Barthélemy. Comme j’ai eu à vous l’exposer, madame la ministre, il me plairait que les conditions d’accès au fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif pour les associations sportives de Saint-Barthélemy puissent être adaptées, afin de tenir compte notamment de leur difficulté à constituer des ligues, eu égard à l’étroitesse de l’île et au nombre de licenciés. Ces associations sont, dès lors, tributaires de fréquents déplacements pour les compétitions et le système actuel contribue à limiter les ambitions, voire à exclure nos jeunes de toute compétition à partir d’un certain niveau.

Madame la ministre, au-delà de ce budget, cette discussion est l’occasion de vous dire ma satisfaction de la politique conduite en faveur de l’outre-mer.

Les engagements du CIOM ont été respectés. Toutes les conditions sont actuellement réunies pour que la LODEOM puisse jouer pleinement son rôle ; je pense en particulier aux dispositions relatives à la continuité territoriale. L’année 2011 sera l’année des outre-mer. Dans la mise en œuvre progressive de la politique de la mer, l’outre-mer a retrouvé la place qu’il mérite, puisque, à cet instant, tous les comités maritimes ont été mis en place et sont en ordre de marche – ce n’est pas le cas sur la façade maritime métropolitaine – et que le secteur du logement, secteur prioritaire, a été préservé.

Je ne reviendrai pas sur la diminution globale des crédits, l’essentiel ayant été dit.

Il va sans dire, madame la ministre, mes chers collègues, que je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ».

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