Nous voici de nouveau réunis, madame la ministre, pour l’examen du projet de budget de la mission « Outre-mer ».
Comme vous le savez, les départements d'outre-mer cumulent un grand nombre de handicaps structurels économiques et sociaux. Comme vous le savez aussi, cette situation est particulièrement aggravée par la crise à laquelle nous sommes confrontés depuis deux ans.
En 2009, le PIB outre-mer a reculé de 6, 5 %, et les investissements de 25 %.
La précarité progresse inexorablement : plus de 20 % des ménages vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Le chômage est trois fois plus élevé que dans l’Hexagone et touche particulièrement les jeunes et les plus de 50 ans.
Les collectivités locales sont exsangues. Elles compensent, tant bien que mal, depuis trois décennies, une situation globale de développement défavorable, accentuée par des ressources fiscales extrêmement faibles.
Cette dramatique réalité, madame la ministre, vous la connaissez. Et pourtant tout indique dans les prévisions de la mission « Outre-mer » pour 2011 que vous n’êtes pas parvenue à la faire comprendre à vos collègues de Bercy.
Dans ces prévisions pour 2011, l’outre-mer est en effet perdant sur tous les fronts.
Premièrement, cela a été dit et répété, les crédits de la mission « Outre-mer » diminuent en crédits de paiement de 2, 3 %, soit deux fois plus que le reste des dépenses de l’État.
Deuxièmement, la volte-face opérée sur les dispositifs de défiscalisation va, de toute évidence, finir de mettre à mal les investissements privés.
Mais soyons concrets ! Examinons les points clés de votre budget.
Sur le logement, l’État ne respecte pas ses engagements.
Alors que la LBU était censée demeurer le « socle du financement du logement social », vous avez procédé à un véritable « tour de passe-passe » en la remplaçant, dans les faits, par la défiscalisation.
Ainsi, les crédits de paiement consacrés à la construction de logements locatifs sociaux et très sociaux diminuent de 34 millions d’euros. À titre d’illustration, cela équivaut purement et simplement à la suppression de l’ensemble de la LBU pour la Martinique.
La manœuvre peut vous sembler habile, mais, dans la pratique, elle va contribuer à l’accélération de l’effondrement, largement engagé, du secteur du BTP et évidemment à la non-production des logements nécessaires.
Parallèlement, les aides pour l’accession à la propriété diminuent de 8 millions d’euros, et les aides pour l’amélioration de l’habitat privé de 3 millions d’euros.
En matière d’aménagement du territoire, les crédits destinés aux contrats de plan État-région et aux contrats de projet et de développement sont en baisse de 12 millions d’euros !
En ce qui concerne la continuité territoriale, les fonds dédiés sont rognés de 3 millions d’euros, et les moyens des collectivités territoriales amputés de 31 millions d’euros.
Les crédits d’appui à l’accès au financement bancaire diminuent également en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, avec une baisse respective de 18 millions d'euros et de 2, 5 millions d'euros.
Même les moyens en faveur de l’emploi, qui est pourtant présenté comme la priorité de ce gouvernement et de votre ministère, se trouvent dégradés. Ainsi, les crédits pour la compensation des exonérations de charges sociales sont réduits de 34 millions d’euros !
Par ailleurs, le décret d’application concernant l’aide au fret prévue par la LODEOM n’est toujours pas sorti, alors que la TVA NPR a été supprimée dès la loi de finances pour 2009.
J’arrête ici cette triste liste pour ce qui est de la mission « Outre-mer ».
Le plus grave, c’est que, parallèlement, sont prises des mesures de remise en cause de la défiscalisation, qui vont bien au-delà du coup de rabot national de 10 %.
En 2006, Nicolas Sarkozy, qui n’était pas encore Président de la République, parlait ainsi de la loi Girardin de 2003 : « Des engagements ont été pris par l’État sur quinze ans, ils doivent être respectés. »
En 2008, deux ans après ce discours, les dispositifs d’exonération des charges sociales et de défiscalisation sont revus à la baisse, et ce sans évaluation préalable.
En 2009, la LODEOM réécrit, une nouvelle fois, ces dispositifs.
Aujourd’hui, un an plus tard, ils sont de nouveau remis en cause dans le projet de loi de finances pour 2011 que nous examinons.
Désormais, la chose est convenue, à chaque loi de finances, hop ! un coup de rabot.
Il est temps que le Gouvernement comprenne que nous avons besoin de dispositifs stables et pérennes pour assurer notre développement. Qu’il pourfende les tricheurs et les profiteurs, c’est nécessaire, et même urgent. Mais, de grâce ! qu’il ne place pas les acteurs économiques des outre-mer dans une situation d’insécurité juridique et financière permanente.
Madame la ministre, les outre-mer, ce sont des territoires et des hommes, pas une variable d’ajustement des politiques budgétaires d’un État qui n’honore pas ses engagements.
L’année 2011, année des outre-mer, devrait être, à mon sens, l’année des retards rattrapés. Malheureusement, j’ai bien peur qu’elle ne soit que l’année des occasions perdues !