Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si je devais m’en tenir à un exercice de comparaison des crédits de la mission « Outre-mer » votée en 2010 et de ceux qui sont prévus pour 2011, je pourrais me contenter de dire que, dans le contexte budgétaire actuel, vous avez su, madame la ministre, obtenir un arbitrage assez favorable. En effet, votre budget ne baisse que de 2, 3 % en crédits de paiement. Je mesure bien les difficultés que vous avez dû surmonter pour arriver à ce résultat.
Mais, vous le savez bien, ce n’est pas ce qu’attendent de moi ceux que je représente au sein de cette Haute Assemblée. Car, à l’évidence, ils souhaitent que je saisisse l’occasion qui m’est donnée d’appeler, une fois encore, l’attention du Gouvernement et du Sénat sur une situation qui, vous le savez aussi, est plus que préoccupante.
La Martinique, en effet, va très mal ! Elle s’enfonce dans une récession de plus en plus inquiétante, qui dépasse déjà les 7 %.
Pratiquement tous les secteurs d’activité sont touchés, avec évidemment pour conséquence une détérioration continue du marché de l’emploi. Le nombre de demandeurs d’emploi a ainsi progressé de 4, 1 % en un an, portant le taux de chômage à plus de 25 % ! Un pourcentage qui, s’agissant des jeunes de moins de 25 ans, dépasse 61 % !
Parmi les secteurs les plus affectés se trouve celui du bâtiment et travaux publics, qui connaît cette année une nouvelle réduction de son chiffre d’affaires, après une baisse de 30 % en 2009, la baisse d’activité se faisant surtout ressentir dans le secteur du logement privé.
Le tourisme est aussi confronté à de très grandes difficultés. Il accuse une baisse de plus de 8 % du tourisme de séjour et de 20 % du tourisme de croisière.
Dans ces conditions, la situation sociale ne peut que continuer à se dégrader : un nombre croissant de Martiniquais subit les conséquences du chômage et de l’emploi précaire, le nombre d’allocataires du RMI est reparti à la hausse, un cinquième de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté et, enfin, la situation des retraités se détériore de plus en plus.
Les collectivités territoriales font évidemment le maximum pour jouer le rôle d’amortisseur social. Dans le même temps, elles s’efforcent de soutenir les secteurs économiques en crise, mais elles connaissent presque toutes de grandes difficultés financières. C’est notamment le cas, bien sûr, du département, qui doit faire face à une véritable explosion de la demande sociale alors même qu’il voit geler des dotations déjà insuffisantes et croître une dette de l’État qui atteint plus de 71 millions d’euros.
Aussi, on comprend le sentiment de déception qu’éprouvent les Martiniquais face à la présente loi de finances. Ils estiment, à bon droit, qu’en matière d’économies budgétaires les départements d’outre-mer ont, de façon anticipée, très largement apporté leur contribution.
En effet, la LODEOM, votée en mai 2009, comportait déjà des mesures de restriction en matière de défiscalisation et d’exonération de charges sociales pour les entreprises. Qui plus est, certains dispositifs importants de cette loi ne sont toujours pas applicables ou susceptibles d’être concrètement mis en œuvre, alors même qu’ils ont été présentés comme particulièrement prometteurs. C’est le cas des zones franches d’activité, de l’aide au fret, de l’aide à la rénovation hôtelière et, surtout, du nouvel outil de défiscalisation dans le logement social.
Les économies ainsi réalisées par l’État peuvent être évaluées à près de 900 millions d’euros. On aurait dû en tenir compte dans l’application de la politique actuelle de rigueur.
En effet, ces économies ont été opérées sur des dispositifs trouvant, pour la plupart, leur justification dans la nécessité d’apporter des réponses adaptées à un mal-développement structurel. C’est ce dernier que l’on s’empresse de perdre de vue dès qu’il s’agit de passer des grands effets d’annonce à l’action effective, tout comme on oublie alors les accents lyriques sur ce qu’apportent les outre-mer à la France et à l’Europe pour se livrer aux plus froids raisonnements comptables.
Et ce sont ces raisonnements comptables qui prévalent actuellement dans le cadre d’une politique marquée par une réduction de l’effort global pour l’outre-mer, de près de 1 % en autorisations d’engagement après une baisse de 4, 2 % en 2010, et par des coups portés à la défiscalisation. Je regrette évidemment que le Gouvernement soit resté sourd aux propositions d’amendements tendant à sauver un secteur innovant comme celui du photovoltaïque.
Madame la ministre, vous l’avez compris, la déception que je suis obligé d’exprimer ne concerne pas essentiellement votre budget. Je tiens, malgré tout, à m’interroger sur le niveau des crédits inscrits sur la LBU. Je connais le discours sur leur sous-consommation. Je veux cependant attirer votre attention sur le fait que cette année, en Martinique, le CDH du 16 novembre a mis en évidence que 99 % des crédits de paiement délégués étaient déjà consommés et qu’il existait, compte tenu des programmes locatifs sociaux pouvant encore être lancés, un besoin complémentaire en autorisations d’engagement de 10, 7 millions d’euros pour 2010.
En réalité, c’est donc l’ensemble de la politique actuellement menée qui s’avère particulièrement décevante face aux enjeux réels du développement des départements d’outre-mer. Elle l’est, évidemment, à la mesure des espoirs suscités par de trop fréquents et bruyants effets d’annonce.
Madame la ministre, ce qu’il faut, c’est une courageuse remise en cause de cette politique. Cela pourrait commencer par une réelle attention portée aux différents amendements qu’il nous a été possible de déposer aujourd’hui.
Ensuite par la mise en œuvre rapide, et sans inutile contrainte procédurale, de tous les dispositifs de la LODEOM et de toutes les mesures du Comité interministériel de l’outre-mer.
Enfin, par l’inscription de crédits supplémentaires, dans le cadre d’un collectif budgétaire, de façon à dynamiser la politique du logement social et à redonner aux collectivités territoriales asphyxiées les moyens de faire face à leurs responsabilités et à celles que l’État les incite à assumer à sa place.
En ce qui concerne la Martinique, vous le comprendrez, madame la ministre, j’ajoute, pour terminer, le souhait que, conformément aux engagements du Président de la République, la collectivité unique sur laquelle les électeurs ont été consultés il y a dix mois fasse l’objet d’un débat au Parlement le plus rapidement possible.
Dans une situation aussi alarmante que celle que connaît la Martinique, on comprendrait difficilement que l’on tarde trop à doter ses élus d’un instrument de nature à accroître l’efficacité des politiques locales de développement.
Un développement qu’il devient urgent de concevoir et de promouvoir à la hauteur de l’engagement des forces vives de la Martinique et des attentes d’une jeunesse impatiente de participer à la construction de son avenir.