Madame la ministre, le projet de budget que vous nous soumettez aujourd’hui s’inscrit dans le contexte de crise internationale qui frappe durement l’ensemble de la France.
À cette même tribune, j’ai eu l’occasion d’affirmer que l’outre-mer était prêt à apporter sa contribution à l’effort de la nation. Mais je ne peux que regretter que la période critique que nous traversons conduise le Gouvernement à proposer un budget d’austérité, exigeant des territoires d’outre-mer qu’ils participent plus que tous les autres à la nécessaire maîtrise des déficits publics.
Une fois encore, cette démarche traduit une certaine vision souvent stigmatisante de l’outre-mer, et il est indéniable que votre projet de budget n’est pas à la hauteur des enjeux des populations ultramarines.
Le sujet d’inquiétude le plus important est sans nul doute l’assèchement, à hauteur de 330 millions d’euros environ, des investissements outre-mer, qui résulte du nouveau coup de rabot de 10 % des dépenses fiscales et de la suppression brutale de la défiscalisation dans le secteur du photovoltaïque.
Au surplus, il s’agit de la quatrième modification en deux ans du régime de défiscalisation, alors même que les investisseurs ont avant tout besoin de stabilité juridique et fiscale, comme le rappelait judicieusement, en 2006, M. Nicolas Sarkozy.
Au final, nous subissons un coup de rabot global, qui est en totale contradiction avec la LODEOM, puisque toutes les activités considérées comme « prioritaires », à savoir l’agroalimentaire, le tourisme ou encore les énergies renouvelables, sont touchées.
En outre, madame la ministre, votre projet de budget reflète une baisse sensible des crédits destinés aux outre-mer, qui est deux fois plus importante que pour les autres dépenses de l’État, lesquelles diminuent en pratique de 1, 5 %, contre 2, 3 % pour l’outre-mer.
Cette baisse affecte en particulier, comme on pouvait le craindre lors de la discussion de la LODEOM, les crédits de paiement en faveur du logement social, qui diminuent de 31 %, soit 34 millions d’euros.
Ce projet de budget consacre donc la LBU comme la nouvelle variable d’ajustement de la mission « Outre-mer », laissant craindre, à terme, le financement du logement social par la seule défiscalisation. Nous comptons sur votre vigilance, madame la ministre, pour réaffirmer la sanctuarisation de la LBU.
Dans ces conditions, votre objectif affiché de construire 5 700 logements semble irréaliste, poussant les socioprofessionnels à affirmer que ce sont moins de 5 000 logements sociaux qui seront mis en chantier outre-mer, alors que, pour la seule Guadeloupe, 20 000 dossiers sont en attente.
Madame la ministre, dans ce projet de budget, vous affichez également la volonté de donner la priorité à l’activité et à l’emploi. Je rejoins naturellement votre ambition, mais je regrette tout de même qu’elle ne trouve pas de traduction budgétaire convaincante ; en témoignent les crédits dédiés à la compensation des exonérations de charges sociales qui sont en baisse de 34 millions d’euros.
Je me réjouis également de la montée en puissance du plan « SMA 6000 », mais je déplore que l’annonce de ce plan censé doubler en trois ans la capacité de formation se traduise par une diminution de la durée de formation de chaque jeune.
Dans le même ordre d’idées, je ne puis que regretter que les crédits du dispositif passeport-mobilité formation professionnelle diminuent de près de 3 millions d’euros.
Tout cela, vous en conviendrez avec moi, madame la ministre, n’est pas de nature à dissiper les peurs de la jeunesse, une volonté pourtant affichée par le Premier ministre dans son récent discours de politique générale.
Je veux parler de cette jeunesse qui espère l’élaboration d’un véritable plan d’urgence pour l’emploi et la formation des jeunes, abondé notamment par la mobilisation d’une partie des indécents bénéfices réalisés par les compagnies pétrolières aux Antilles.
Sur tous ces points, madame la ministre, la jeunesse de l’outre-mer attend des réponses concrètes et des engagements tenus.
Des réponses concrètes, c’est également ce qu’attendent les collectivités d’outre-mer. Or, sur ce point, à l’instar des crédits consacrés à l’investissement des collectivités locales, qui diminuent de 20 millions d’euros pour les contrats de plan État-région, les actions du Gouvernement sont en net recul.
J’en veux pour preuve les 3, 3 millions d’euros prévus, comme en 2010, pour le plan Séisme aux Antilles, mais qui sont largement en dessous des besoins de reconstruction, s’agissant notamment d’établissements scolaires.
J’en veux également pour preuve les 93 millions d’euros qui restent, depuis 2004, à la charge du conseil général de la Guadeloupe, du fait de l’insuffisante compensation des dépenses de RMI, ce qui m’amène à vous interroger sur la révision des bases du calcul des dotations affectées dans la perspective de l’entrée en vigueur du RSA en janvier prochain.
J’en veux, enfin, pour preuve la diminution de 30 millions d’euros du Fonds exceptionnel d’investissement, dont 3 millions d’euros seulement seront consacrés, au titre des crédits de paiement, à de nouveaux chantiers.
Avant de conclure, je souhaite attirer tout particulièrement votre attention, madame la ministre, sur deux sujets brûlants d’actualité.
Le premier, ce sont les projets susceptibles de relancer la commande publique, des projets tant demandés en Guadeloupe, mais qui ne démarrent pas, faute de mobilisation des crédits de l’État. Je veux parler de la reconstruction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre–Abymes et de la construction des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes prévus au PRIAC, le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie.
Je sollicite, en conséquence, madame la ministre, une prompte intervention de votre part auprès du ministère des affaires sociales pour faire en sorte que ces crédits soient débloqués dans des délais très brefs.
Le second sujet d’importance concerne le projet de décret prévoyant d’imposer au conseil général de réguler la délivrance des licences de débit de tabac en les limitant à 550 au maximum pour la Guadeloupe.
Une telle mesure induirait des conséquences dramatiques pour ce secteur d’activité en termes d’emplois et ne serait pas non plus sans incidence sur le fonctionnement des services de la collectivité.
Nous voulons améliorer la santé publique et sommes disposés à soutenir Mme Payet en ce sens. Mais, dans l’attente d’une étude de fond, afin de mieux cerner les enjeux de la filière, nous vous demandons, madame la ministre, de surseoir aujourd'hui à l’application de ce décret.
Vous l’aurez, je l’espère, compris, madame la ministre, face à tous ces enjeux, nous n’attendons pas simplement que vous nous écoutiez ; nous attendons des réponses aux préoccupations concrètes de la population de la Guadeloupe et que vous teniez vos engagements.
À défaut, notre sens des responsabilités, plus fort que la sincère considération que nous vous portons, nous obligera à voter contre un tel budget d’austérité, déconnecté des enjeux de notre territoire. §