Intervention de Marie-Luce Penchard

Réunion du 1er décembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Outre-mer

Marie-Luce Penchard, ministre :

Je pense à la création des zones franches globales d’activités, qui permet, pour les entreprises éligibles, un abattement de 80 % de l’impôt sur les sociétés, un abattement de 80 % des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, voire 100 % sur la contribution économique territoriale. Ce n’est pas négligeable dans le contexte actuel.

On parle beaucoup des corrections apportées par la LODEOM en faisant croire, à partir d’un chiffrage des plus aléatoires, que ce sont des moyens en moins pour l’outre-mer, alors qu’en réalité il s’agissait de corriger les effets d’aubaine créés par les anciennes lois de défiscalisation. Monsieur Serge Larcher, le Président de la République avait annoncé avant son élection qu’il fallait corriger ces effets d’aubaine.

Il faut aussi parler des nouvelles mesures supplémentaires décidées pour l’outre-mer. On les oublie trop.

Je pense, d’abord, au Fonds exceptionnel d’investissement, qui a permis de lancer des opérations d’infrastructures pour un montant de 200 millions d'euros entre 2005 et 2010.

Je pense, ensuite, au fonds de garantie pour l’agriculture et la pêche, soit 20 millions d'euros sur la période 2010-2012.

Je pense, en outre, à la bonification des prêts accordés par l’Agence française de développement, l’AFD, – 30 millions d'euros – au profit du développement et de l’innovation des petites et moyennes entreprises.

Je pense, enfin, à la dotation exceptionnelle pour l’équipement de Mayotte en constructions scolaires, qui permet de passer de 5 millions d’euros à 10 millions d’euros au total.

Monsieur Georges Patient, il ne faut oublier que la Guyane reçoit pour la première fois une dotation de 10 millions d’euros, le Gouvernement ayant tenu compte de la poussée démographique observée dans ce territoire.

Dans le contexte économique et social que nous connaissons, toutes ces interventions de l’État sont, je le crois, indispensables.

C’est un discours de vérité. Nous avons toujours tenu un discours de vérité et nous continuerons de le faire. Même si ce n’est pas facile, il faut poursuivre cette démarche. Le courage politique est la marque de ce gouvernement. Il est important, en effet, d’établir des relations de sincérité avec la population, en particulier les populations d’outre-mer, car c’est un gage de confiance pour construire l’avenir ensemble.

Je vous confirme aussi que les deux décrets sur la continuité territoriale qui étaient prêts depuis le mois d’avril 2010, mais en attente d’un approuvé communautaire, ont été publiés le 19 novembre dernier.

Le décret sur l’aide au fret, qui est attendu par les opérateurs économiques depuis plusieurs mois, avait été signé par moi-même et devait être publié dans quelques jours. Malheureusement ou heureusement, le remaniement gouvernemental nous a conduits à relancer cette procédure du contreseing. Le décret devrait donc être publié dans les semaines à venir.

Monsieur Laufoaulu, s’agissant de la continuité territoriale, ce décret s’appliquera bien sûr aussi à Wallis et Futuna.

Il restera à prendre le décret de création du groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété. Par souci d’efficacité, j’ai souhaité que ce nouvel outil soit le plus adapté possible. C’est pourquoi j’ai demandé à M. André Valat, ancien fondateur et président du groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse, le Girtec, de réaliser une mission de préfiguration.

Pour ce qui est de la mise en œuvre des décisions prises lors du conseil interministériel de l’outre-mer, je vous confirme que les trois quarts des cent trente-sept mesures sont réalisées ou très avancées. Un document élaboré par mon ministère a d’ailleurs été adressé à l’ensemble des parlementaires cet été pour faire le point sur l’état d’avancement des décisions qui ont été prises lors dudit conseil.

Le 3 novembre dernier, le Gouvernement a fait adopter par amendement à l’Assemblée nationale une mesure très importante qui permettra à l’État de céder gratuitement ses terrains non bâtis afin de pouvoir construire des logements sociaux. Cette disposition est très attendue des bailleurs sociaux de tous les outre-mer. Sans attendre l’examen de cet article 77 bis, je voudrais apporter quelques précisions sur ce dispositif qui a pu susciter des interrogations de votre part.

Il reprend la logique d’un mécanisme de droit commun qui est inscrit dans le code général de la propriété des personnes publiques et qui permet une décote partielle de la valeur vénale des terrains de l’État lorsqu’ils sont cédés pour réaliser des opérations d’intérêt général, comme la construction de logements sociaux.

Le Gouvernement a souhaité aller plus loin dans un double objectif : d’abord libérer du foncier pour le logement social, mais aussi agir sur les coûts de production. C’est pourquoi il a choisi une cession gratuite, qui permet de répercuter intégralement cette dernière sur le coût des opérations de logement social.

Au surplus, le Gouvernement souhaite faciliter la cession des terrains chaque fois qu’elle correspond à un projet social. Les garanties ont d’ailleurs été renforcées par l’Assemblée nationale en définissant un montant minimal de logements sociaux dans le programme de construction.

Ce seuil de 30 %, proposé par l’Assemblée nationale, est d’autant plus pertinent qu’il existe déjà : il est prévu à l’article 199 undecies C du code général des impôts qui régit la défiscalisation du logement social.

Vous vous êtes également interrogés sur les bénéficiaires potentiels de ce mécanisme. Le champ des bénéficiaires n’est effectivement pas circonscrit par l’article 77 bis, mais il l’est par la destination du foncier appelé à être cédé.

En effet, l’acquéreur s’engage dans un délai très contraint à employer le foncier pour y réaliser des logements sociaux et, éventuellement, des équipements collectifs. De la sorte, les collectivités, les établissements publics fonciers et les bailleurs sociaux sont les bénéficiaires du dispositif.

Qu’il s’agisse de la LODEOM ou du CIOM, le projet de loi de finances pour 2011 traduit sans ambiguïté tous les engagements concernant ces deux dispositifs majeurs sur le plan budgétaire. Il n’existe donc aucune raison objective de tenir un discours anxiogène

Ce n’est pas bon pour l’économie ultramarine. Ce n’est pas bon pour l’image de nos territoires. Cela porte atteinte à la crédibilité de la parole de l’outre-mer. Enfin, nous risquons, avec le temps, de faire le lit de tous ceux qui veulent démontrer qu’il n’y a pas de solution avec le système actuel et que seule la voie qu’ils proposent est la bonne.

C’est pourquoi, si je peux comprendre les divergences d’analyse en fonction des sensibilités politiques, je crois que l’on doit essayer de tenir un discours mesuré, sans passion et responsable. La raison doit toujours l’emporter, si nous voulons rétablir la confiance indispensable à la reprise des activités économiques. Tous ceux qui portent un intérêt à l’outre-mer auront à cœur, me semble-t-il, de partager avec moi cette réflexion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, malgré une légère baisse des crédits, ce budget pour 2011 permettra à l’outre-mer, je le redis, de conserver ses capacités d’intervention, en particulier pour ce qui concerne les deux priorités que sont le logement et l’emploi.

L’engagement du Gouvernement en faveur du logement en outre-mer, en particulier du logement social, a toujours constitué une priorité depuis 2007.

Lors du conseil interministériel de l’outre-mer, le Gouvernement a décidé d’intégrer dans la ligne budgétaire unique les crédits exceptionnels du plan de relance et de maintenir à ce niveau la LBU dans le cadre de la programmation triennale des lois de finances.

Cet engagement est tenu, comme vous pouvez le constater à la lecture des documents budgétaires. Malgré un contexte budgétaire difficile, les autorisations d’engagement de la ligne budgétaire unique sont sanctuarisées de 2011 à 2013 à hauteur de 274, 5 millions d’euros. La LBU demeure, et demeurera, sans conteste le socle du financement du logement social outre-mer.

Certains ont pu s’interroger sur l’évolution des crédits de paiement entre 2010 et 2011. Je le répète : le montant inscrit au budget correspond au rythme d’exécution des opérations en cours, et non au rythme d’engagement des opérations. Il est d’ailleurs totalement en phase avec l’exécution budgétaire de l’année 2009, au terme de laquelle, je le rappelle, aucune dette n’a été constituée auprès des bénéficiaires des subventions de la ligne budgétaire unique.

S’agissant de la défiscalisation du logement social – je m’attarderai quelque peu sur ce point, qui suscite de nombreuses interrogations –, ce dispositif, vous le savez, est récent.

À ce jour, sur 64 dossiers déposés à l’agrément au niveau central en 2009 et 2010 – qui représentent près de 5 500 logements sociaux –, 20 ont déjà fait l’objet d’un accord de principe, soit 1 629 logements. Bien évidemment, je ne me satisfais pas de ce résultat, car je sais que les besoins sont importants. Ainsi, 4 000 logements sont en attente d’un agrément, lequel devra être donné le plus rapidement possible pour permettre de répondre aux besoins considérables dans ce domaine.

Pour vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs, je peux vous dire que, lors de la réunion que j’ai récemment présidée sur ce thème, nous avons convenu avec les représentants des bailleurs sociaux de critères de traitement prioritaire, au premier rang desquels figurent, pour les départements d’outre-mer, Mayotte et Saint-Martin, les opérations déjà financées au titre de la ligne budgétaire unique.

Au passage, vous observerez que ce critère de priorité, que j’ai proposé, démontre pleinement qu’une opération peut cumuler les bénéfices de la LBU et de la défiscalisation.

Je le dis avec beaucoup de solennité, me faisant l’écho des propos qui ont été tenus ici même sur la LODEOM : le cumul d’une aide budgétaire et d’une défiscalisation n’est en aucun cas interdit ; ce serait contraire à la loi. Il n’est pas non plus systématique ; ce serait également contraire à la loi et à l’esprit de la loi.

Je le reconnais, des interprétations erronées de l’instruction du 1er juin 2010 sur les opérations de construction de logement social ont pu être faites ici ou là. Parce que cela ne correspondait nullement à ma philosophie, j’ai pris l’engagement auprès des bailleurs sociaux de compléter cette instruction pour en faire disparaître toute ambiguïté et rappeler que, en termes de procédures, c’est la décision d’attribution de la LBU qui doit d’abord intervenir.

Je continuerai également à veiller à ce que la défiscalisation, notamment lorsqu’il y a cumul avec la ligne budgétaire unique, ne favorise pas l’inflation des coûts de production. Je le rappelle, la philosophie de la défiscalisation du logement social, l’esprit de la LODEOM, c’est d’augmenter la production de logements sociaux pour répondre aux besoins de nos compatriotes ultramarins. Ce n’est pas nourrir une inflation des coûts – nous avons tous le devoir d’être vigilants sur ce point – et c’est pour cette raison qu’il est nécessaire de définir les conditions pratiques du cumul des financements.

Je le sais, ce sont notamment les opérations en VEFA – vente en l’état futur d’achèvement –, montées de manière exceptionnelle pour faire face à la crise, qui ont des coûts plus élevés, mais cela ne peut être que conjoncturel. Le cumul des aides doit donc être réservé aux opérations qui justifient des surcoûts objectifs – je pense notamment à des fondations spéciales ou à un coût du foncier élevé – ou qui sont conçues pour proposer des loyers inférieurs aux loyers plafonds.

J’ai entendu les critiques sur la complexité des procédures de défiscalisation et j’y ai consacré une longue réunion de travail, le 12 novembre dernier, avec les représentants des bailleurs sociaux d’outre-mer. De manière très approfondie, très pragmatiques, nous avons collectivement porté un diagnostic sur les points de blocage. J’ai formulé des propositions et je peux vous indiquer les orientations qui ont été retenues par le Gouvernement.

Pour ce qui concerne mes services, j’ai donné instruction qu’ils donnent un avis dans le mois suivant la réception du dossier, faute de quoi l’avis sera considéré comme favorable. Afin de clarifier les règles du jeu, mes services compléteront l’instruction du 1er juin 2010. Mon collègue chargé du budget et moi-même avons décidé d’établir un dossier type pour les demandes de défiscalisation. Celui-ci devra bien évidemment être le plus proche possible de celui qui est exigé pour les demandes de subvention au titre de la LBU.

J’ajoute que nous allons également relever le seuil de déconcentration des décisions, fixé actuellement à 10 millions d’euros, ce qui répond, me semble-t-il, à la demande de Mme Anne-Marie Payet, formulée au nom de la commission des affaires sociales.

L’expérience a montré que les procédures intervenant au plan local s’articulent beaucoup plus facilement entre elles et le délai moyen d’instruction y est deux fois plus court que pour l’agrément national.

Toutes ces mesures, et en particulier les agréments pour les dossiers prioritaires, dont la liste m’a été communiquée par les bailleurs sociaux sur la base des critères que nous avons définis ensemble, seront prises – je m’y engage – avant la fin de cette année.

Vous le voyez, depuis plus de trois ans, la détermination du Gouvernement en matière de logement outre-mer demeure intacte, comme en témoigne d’ailleurs le budget que vous examinez aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs.

De retour d’un déplacement à La Réunion, je peux, à titre d’exemple, vous faire le point sur la situation actuelle de ce territoire. L’année dernière, nous y avions financé 2 300 logements. Cette année, nous en financerons 3 600 et nous mettons en chantier 4 300 logements. Je réfléchis d’ailleurs à l’élaboration d’un tableau de bord de suivi, pour permettre à chaque territoire d’apprécier l’évolution des opérations, …

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