Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Débat sur l'application de la loi pour l'égalité des droits et des chances la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion, rapporteur :

… la mise en œuvre de ces mesures se heurte inévitablement à un obstacle financier.

Aussi, les deux mesures que nous proposons s'attachent à mieux répondre aux besoins des personnes handicapées, tout en ne sous-estimant pas la contrainte financière qui est la nôtre aujourd'hui : il s'agit, d'une part, de la suppression de la limite d'âge, actuellement fixée à soixante-quinze ans, pour demander la PCH, pour les personnes qui étaient éligibles avant soixante ans et, d'autre part, de la pérennisation des fonds départementaux de compensation, dont l'action est indispensable pour diminuer les reste à charge des personnes handicapées et de leurs familles. Sur ce point, je note avec une grande satisfaction, madame la ministre, que le Gouvernement entend très prochainement abonder ces fonds à hauteur de 4 millions d'euros.

J'en viens maintenant aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, innovation majeure dans l'architecture institutionnelle de la politique du handicap.

Même si de nombreuses difficultés de fonctionnement persistent, ces maisons ont apporté un réel progrès en termes de service public en permettant l'accès à un interlocuteur unique de proximité, une simplification des démarches administratives, une certaine « humanisation » de l'instruction des dossiers et une forte implication des associations dans la prise de décision.

Cependant, six ans après leur création, les MDPH font face à une inflation d'activité qui se révèle préjudiciable à la qualité du service rendu : les délais de traitement sont encore trop longs, l'approche globale des situations individuelles est parfois mise à mal, le suivi des décisions n'est pas toujours assuré. Il en résulte un profond sentiment de mécontentement et de déception chez de nombreux usagers.

Nous avons également constaté de très fortes disparités dans les pratiques des MDPH, contraires à l'objectif assigné de traitement équitable des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire. Les efforts déployés jusqu'ici par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, n'ont pas permis de résorber les écarts entre départements, ce qui prouve la nécessité d'aller beaucoup plus loin dans l'harmonisation des pratiques.

Pour toutes ces raisons, améliorer le fonctionnement des MDPH est un impératif. Nous estimons que cela passe, notamment, par le transfert des compétences de notification et de fabrication de la carte européenne de stationnement aux directions départementales de la cohésion sociale, par la simplification des démarches administratives pour les demandes de renouvellement et par l'intensification des actions de la CNSA en matière d'harmonisation des pratiques des MDPH.

Par ailleurs, dans le contexte de raréfaction des ressources publiques, le principal sujet d'inquiétude pour les MDPH est d'ordre financier : comment leur garantir des moyens pérennes leur permettant d'assumer pleinement leurs missions ? En prévoyant la signature de conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens, la loi du 28 juillet 2011, dite « loi Paul Blanc », devrait offrir les conditions d'une meilleure visibilité financière, à supposer toutefois que ses textes d'application, non encore parus à ce jour, respectent les intentions du législateur.

J'évoquerai, en second lieu, la question de l'accessibilité.

La loi de 2005 a étendu la notion d'accessibilité à tous les types de handicap et à tous les domaines de la vie en société. On parle désormais d'« accessibilité universelle » pour désigner le processus visant à éliminer toutes les barrières qui peuvent limiter une personne dans l'accomplissement de ses activités quotidiennes.

Cette démarche s'adresse non seulement aux personnes atteintes d'une déficience, mais aussi à toute personne pouvant être confrontée, un jour ou l'autre, à une situation de handicap, qu'elle soit temporaire ou durable.

Au regard du vieillissement de la population, cette approche transversale représente un enjeu considérable.

Vous le savez, la loi pose un principe général d'accessibilité du cadre bâti, des transports et de la voirie, dans les dix ans suivant sa publication.

Le premier constat que nous faisons est celui d'une absence criante de données sur l'état d'avancement de la mise en accessibilité. En effet, la loi n'a pas prévu de remontées d'informations obligatoires de la part des acteurs publics ou privés concernés. Même l'Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle n'est pas en mesure de dresser un bilan exhaustif de ce chantier !

À défaut d'éléments chiffrés incontestables, la deuxième tendance qui se dégage est celle d'un important retard, en dépit de réels progrès. Le baromètre de l'accessibilité de l'Association des paralysés de France affiche, certes, des résultats en constante progression, mais seulement 15 % des établissements recevant du public seraient actuellement accessibles.

À trois ans de l'échéance fixée par la loi, force est donc de reconnaître que la mise en accessibilité de l'ensemble du cadre bâti, de la voirie et des transports ne sera pas réalisée. Tel est également le constat que dressent l'Inspection générale des affaires sociales, le Conseil général de l'environnement et du développement durable et le Contrôle général économique et financier dans un rapport commun que vous avez rendu public, madame la ministre, il y a quelques semaines.

Certes, la date de 2015 peut sembler ambitieuse au regard de l'ampleur de la tâche à accomplir et des contraintes techniques, financières et administratives qui y sont associées. La fixation d'un délai à moyen terme était néanmoins indispensable pour tirer les leçons des résultats décevants de la loi de 1975, éveiller les consciences et engager une nouvelle dynamique en faveur de l'accessibilité.

Nous avons identifié plusieurs facteurs expliquant le retard pris. Tout d'abord, l'échelonnement sur plusieurs années de la publication de la quarantaine de textes réglementaires nécessaires a retardé d'autant la mise en œuvre concrète des mesures. Ensuite, un portage politique insuffisant : autant la loi de 2005 a été voulue et soutenue au plus haut sommet de l'État, autant la mise en œuvre de son volet « accessibilité » n'a pas mobilisé les pouvoirs publics autant qu'elle aurait dû. J'en veux pour preuve les nombreuses tentatives de dérogations législatives ou réglementaires pour le bâti neuf. Enfin, nous avons relevé une appropriation insuffisante, sur le terrain, de l'objectif d'accessibilité, aussi bien chez les décideurs publics que chez les acteurs privés.

En tout état de cause, reculer la date de 2015 n'est pas envisageable : ce serait un très mauvais signal envoyé aux personnes handicapées et à leurs familles, chez qui la loi de 2005 a suscité un formidable espoir ; cela aurait, en démobilisant les acteurs et en décalant les travaux en cours ou programmés, un effet contre-productif. En outre, une telle décision serait, à coup sûr, interprétée comme une forme de renoncement à un chantier, certes très ambitieux, notamment du fait des coûts induits, mais dont l'enjeu sociétal justifie que l'on s'y attèle véritablement.

Aussi, nous estimons qu'il est indispensable d'impulser dès à présent une nouvelle dynamique à la fois en créant les conditions d'un meilleur pilotage national des enjeux de l'accessibilité, en mettant en place un système de remontées d'informations obligatoires et en dressant, d'ici à 2015, un bilan exhaustif de l'état d'avancement du chantier de l'accessibilité.

Madame la ministre, vous avez récemment annoncé que le M. le Premier ministre devait me confier dans les prochains jours une mission de concertation visant à déterminer si les propositions contenues dans le rapport que j'ai cité précédemment rencontrent, sur le terrain, un écho favorable ou non. J'en suis extrêmement honorée, même si j'ai pleinement conscience de la difficulté de cette mission. J'émets le souhait que celle-ci aboutisse à un nouveau point d'équilibre, supportable par les différents acteurs concernés et garantissant le maintien d'une dynamique forte en faveur de l'accessibilité.

Avant de passer la parole à ma collègue Isabelle Debré, je voudrais insister sur la nécessité de pérenniser l'approche transversale du handicap, qui constitue la grande avancée de la loi de 2005.

Il convient, d'une part, d'intégrer cette problématique dans l'ensemble des politiques publiques. Le Gouvernement s'y est engagé, et je m'en félicite. Une circulaire du Premier ministre du 4 septembre dernier impose en effet la prise en compte systématique du handicap dans les projets de loi. Il s'agit, d'autre part, d'organiser un pilotage national clair et cohérent des enjeux liés au handicap, lequel a fait défaut jusqu'à présent. §

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