Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Débat sur l'application de la loi pour l'égalité des droits et des chances la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, trop longtemps, les personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite ont été oubliées. Certes la loi de 1975 avait été un progrès, mais la loi du 11 février 2005 était très attendue par nos concitoyens handicapés et leur famille.

Cette loi pose le principe de l'accessibilité à tous. Elle rénove ainsi la notion d'accessibilité, l'étendant non seulement à tous les types de handicap, qu'il soit mental, sensoriel ou psychique, mais aussi à tous les domaines de la vie en société, qu'il s'agisse du cadre bâti, de la voirie, des espaces publics ou des transports.

L'accessibilité pour tous et à tout – à l'école, aux lieux publics, à l'emploi, à la culture, aux loisirs –, c'est l'accessibilité universelle.

Cela a été dit, la loi Handicap a apporté des avancées considérables en termes de compensation, de scolarisation et de formation. Des avancées significatives ont également été obtenues concernant l'accessibilité à la cité.

Je centrerai mon propos sur ce dernier point, plus particulièrement sur les obligations à la charge des collectivités locales, que nous représentons.

La loi affiche une ambition forte : non seulement elle prévoit que toutes les nouvelles constructions destinées à accueillir du public doivent être accessibles – ce n'est pas le plus difficile –, mais elle impose également que soient rendus accessibles l'ensemble des établissements recevant du public, les ERP, ce qui comprend bien entendu les établissements déjà existants, et ce d'ici au 1er janvier 2015.

Cette loi ambitieuse est malheureusement confrontée à certaines réalités. En effet, si son ambition est légitime, elle n'en pose pas moins de réelles difficultés dans de nombreux cas, compte tenu de la structure des bâtiments existants, souvent non modifiables ou difficilement aménageables, des monuments ou sites historiques, mais aussi de la configuration ou de la topographie locale.

De plus, les normes techniques sont particulièrement exigeantes et rigides pour les établissements existants, car elles s'avèrent le plus souvent identiques à celles qui sont établies pour des constructions nouvelles. Certes, des dérogations restent possibles, mais elles sont qualifiées d'« exceptionnelles » par la loi.

Par ailleurs, c'est l'ensemble du parc existant d'établissements recevant du public des collectivités locales qui est concerné, et leurs bâtiments sont très nombreux : mairies, écoles, collèges et lycées, sans parler des gymnases, salles polyvalentes, médiathèques ou piscines. Et n'oublions pas que, dans le cadre de la loi, s'ajoutent les coûts de mise en accessibilité de la voirie et des transports collectifs. Le chantier à réaliser d'ici à 2015 est donc immense.

Selon une étude réalisée par Dexia, l'accessibilité des établissements recevant du public nécessiterait 20 milliards d'euros d'investissement, dont 17 milliards d'euros incomberaient aux collectivités territoriales et 3 milliards à l'État.

En raison des difficultés que je viens d'évoquer, de nombreux retards sont à déplorer, même si le chantier a avancé.

Tout d'abord, l'ensemble des établissements recevant du public, les ERP, étaient tenus de réaliser un diagnostic de leurs conditions d'accessibilité au plus tard au 1er janvier 2010 ou 2011.

Si une démarche de diagnostic est souvent engagée, seule une commune sur cinq a achevé le processus à la date prévue par la loi. Seulement 60 % des plans d'accessibilité de la voirie et des aménagements publics sont en cours d'élaboration ou achevés, et 5 % de ces plans ont été adoptés par délibération.

Par ailleurs, en ce qui concerne la réalisation de l'accessibilité, seuls 15 % des ERP seraient actuellement accessibles.

En dépit de la prise de conscience des collectivités et de leur volonté, à trois ans de l'échéance, et dans le contexte budgétaire actuel, la mise en accessibilité de l'ensemble du cadre bâti, de la voirie et des transports ne sera sans doute pas achevée à l'échéance 2015.

Dès le 1er janvier 2015, des contentieux seront ouverts à l'encontre de l'État et des collectivités locales.

Vous l'avez dit, repousser l'échéance de 2015 serait un très mauvais signal, qui ne manquerait pas d'être interprété comme une forme de renoncement. Mais on ne peut nier la situation dans laquelle se trouvent les collectivités. Il faut donc, selon moi, trouver des solutions.

L'an dernier, Mmes les ministres Roselyne Bachelot-Narquin et Nathalie Kosciusko-Morizet ont demandé à une mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales et du Conseil général de l'environnement et du développement durable un rapport sur les difficultés rencontrées dans l'application des dispositions de la loi de 2005 et sur les mesures de substitution envisageables.

Il est ainsi préconisé de reconnaître accessibles les équipements conformes aux règles d'accessibilité en vigueur avant la loi de 2005, au moins pour dix années supplémentaires ; c'est une piste à explorer.

Par ailleurs, dans son excellent rapport, notre collègue Éric Doligé recommande, entre autres propositions, de substituer à la définition réglementaire de l'accessibilité une approche fonctionnelle. On passerait ainsi de la notion de « personne handicapée qui doit pouvoir occuper un bâtiment exactement comme un valide » à la définition suivante : « La personne handicapée doit avoir accès à toutes les fonctions du bâtiment. »

L'échéance de 2015 est maintenant très proche et une augmentation des demandes de dérogation est à prévoir.

Éric Doligé a également proposé une procédure permettant au représentant de l'État d'apporter ponctuellement des assouplissements au vu des circonstances locales.

Notons enfin, mes chers collègues, l'inquiétude des élus face aux sanctions et à leur responsabilité pénale.

Toutes ces propositions méritent, à mon sens, d'être prises en considération.

Les lois relatives au handicap font toujours naître d'immenses espoirs. Il n'en reste pas moins que ce délai de trois ans est très court.

Il est important, à ce stade de la mise en application de la loi de 2005, de trouver des solutions, mais surtout d'établir des priorités, voire des échéanciers, lesquels, sans remettre en cause l'objet du texte et l'échéance du 1er janvier 2015, permettent de garantir un avancement réel de l'accessibilité, dans une optique plus réaliste au regard des possibilités de nos collectivités locales. Il convient d'agir en concertation avec tous les acteurs concernés.

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