Intervention de Dominique Gillot

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Débat sur l'application de la loi pour l'égalité des droits et des chances la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Photo de Dominique GillotDominique Gillot :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je tiens à vous rappeler que la loi de 2005 dite loi Handicap entend couvrir tous les aspects de la vie des personnes handicapées. Ce texte est l'aboutissement du long chemin parcouru par les représentants des personnes handicapées, leurs familles et leurs amis, qui avaient déjà obtenu la reconnaissance par la nation de l'indispensable solidarité collective due à ceux d'entre nous qui présentent des particularités de nature à les priver de leurs droits fondamentaux.

En effet, les lois de 1975 ont été une étape essentielle pour sortir cette prise en charge du huis clos familial ou associatif et introduire une obligation nationale de prise en charge par l'ensemble de la société, en vue d'assurer aux personnes en situation de handicap l'autonomie à laquelle elles aspirent.

La mise en chantier de cette réflexion, qui a abouti à la loi de 2005, reposait sur l'exigence d'une reconnaissance de la citoyenneté des personnes à besoins spécifiques, quelle que soit leur singularité. « Citoyen à part entière, parmi les autres » était un slogan de rassemblement puissant au tournant des années deux mille.

S'il exalte effectivement cette aspiration forte à la participation citoyenne des personnes en situation de handicap, le texte de 2005 introduit surtout un nouveau droit imprescriptible, celui de la compensation du handicap.

De l'excellent rapport de nos collègues, il ressort clairement que la politique volontariste d'intégration a permis de réelles avancées, exigeant une mobilisation de moyens financiers d'autant plus importants que l'approche privilégiée est celle des normes, des contraintes et des sanctions, notamment à l'échéance de 2015. C'est donc un texte à la fois incitatif et coercitif. Il est ainsi source d'inégalités, de rigidités et, malheureusement, de résistances à satisfaire.

Qu'en est-il de l'approche culturelle, sociale, humaniste ?

Qu'en est-il du changement de regard de la société sur celles et ceux qui sont porteurs de singularité au point d'avoir des besoins spécifiques, pour qu'ils contribuent à leur place, parmi les autres, à la bonne marche de la société ?

Le temps est venu, dans le cadre de ce bilan, de revoir les enjeux de ce texte.

À trois ans de l'échéance fixée, il convient, dans un contexte de contrainte économique qui restreint les capacités d'investissement des collectivités territoriales, d'analyser les retards et inerties dénoncés dans le rapport au regard des avancées significatives constatées dans tous les domaines, ainsi que l'évolution des mentalités, qu'il faut continuer d'encourager et de nourrir par des orientations susceptibles de définir un vrai projet de société participatif et inclusif qui ne devrait pas ignorer la juste place de l'entraide et de la solidarité. La compensation du handicap ne doit pas nous exonérer de l'attention qui humanise le lien.

Madame la ministre déléguée, construisons un projet de vivre ensemble où chacun contribuera, à sa place, à l'enrichissement des potentialités d'une société actuellement trop tournée vers l'individualisme et la sanction.

Il faut privilégier la « participation sociale », approche qui ouvre des possibilités en s'adaptant aux aptitudes et aux aspirations de la personne. Les façons de participer sont multiples : elles peuvent être sociales, relationnelles, culturelles, professionnelles ou affectives.

Le changement culturel vers une société « inclusive » impose que la société humaine s'adapte aux besoins spécifiques des personnes tout autant qu'à leur environnement. Il faut créer les conditions d'une véritable participation sociale en instaurant une accessibilité non seulement spatiale et physique, mais aussi professionnelle, culturelle, sociale, affective, civique et créative. L'égalité réelle est à ce prix.

La société inclusive est celle qui s'adapte aux différences de la personne, va au-devant de ses besoins et de ses aptitudes, afin de lui ouvrir toutes les chances de réussite dans la vie, sans tabou ni compassion, avec réalisme et humanité, en respectant ses désirs et sa parole pour l'accompagner, la porter au plus haut d'elle-même.

Cette inclusion est possible ; elle se développe déjà sur bien des terrains, à l'école notamment, mais elle requiert un minimum d'investissements et d'efforts de l'État pour garantir la qualité des accompagnements et des services proposés, assurer une considération et une reconnaissance à part entière de la personne handicapée.

L'inclusion doit être appréhendée comme un investissement durable, source d'humanité et de richesses pour la société tout entière : nous sommes tous appelés à y contribuer, elle ne concerne pas seulement les passeurs d'ordre ou les recruteurs.

L'inventaire de cette loi le montre, les moyens existent, les contraintes et les sanctions aussi. Ce sont l'adhésion politique, les disponibilités financières, le bon sens et le pragmatisme qui ont manqué et risquent de faire défaut de façon grandissante. La nouvelle étape doit donc être, à mon sens, plus culturelle que réglementaire, de façon à assurer une prise en charge globale et naturelle du handicap. Il faut voir les individus avant leur infirmité, et envisager leurs aptitudes avant leurs insuffisances, comme certains orateurs l'ont brillamment expliqué.

La sensibilisation à la connaissance et à l'approche du handicap doit, au-delà de la formation des enseignants précédemment évoquée, s'adresser aussi aux médecins, aux professionnels de santé, aux gestionnaires des ressources humaines, aux directeurs d'établissements culturels, à l'ensemble de la population.

Recherchons une approche globale, qui rende le handicap, la déficience, le besoin spécifique plus visibles, en considérant l'apport des personnes handicapées comme un atout dans la construction d'une société plus juste et plus égalitaire. Sachons faire preuve de pragmatisme et de bon sens dans l'application de la loi.

Des obligations normatives insupportables sont sources de clivages néfastes à la cohésion sociale, à une pensée sociale progressiste garante de cette société inclusive que nous appelons de nos vœux. La circulaire du Premier ministre du 4 septembre dernier impose que tous les actes législatifs prennent dorénavant en considération les besoins et la dignité de nos concitoyens en situation de fragilité au regard de leur autonomie et de leur autodétermination. C'est une bonne démarche.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, l'accomplissement du projet de vie de nos semblables ayant des besoins spécifiques leur permettra de donner le meilleur d'eux-mêmes au collectif, sans durcissement des contraintes, mais en s'appuyant sur une vraie générosité du cœur et de l'intelligence, adossée au courage et à la sincérité politiques, qui devrait nous épargner toute surenchère sur le dos des personnes handicapées.

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