Intervention de Marie-Arlette Carlotti

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Débat sur l'application de la loi pour l'égalité des droits et des chances la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée :

Il faut à la fois inciter davantage les employeurs et sanctionner plus sévèrement les entreprises défaillantes dans ce domaine. L'État doit, quant à lui, se comporter de manière exemplaire en se conformant à la loi.

Évidemment, il nous faut toujours agir avec pragmatisme et discernement. Aussi, je vous remercie, madame la sénatrice, d'avoir attiré mon attention sur la situation des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Nous aurons l'occasion d'aborder ce sujet plus avant.

Avec le ministre du travail, Michel Sapin, et les syndicats, nous avons tracé le cadre d'une grande négociation interprofessionnelle sur l'emploi des travailleurs handicapés, qui se tiendra au début de l'année 2013. Elle traitera notamment de l'accès à la formation et de l'adaptation des postes.

Les jeunes adultes sont particulièrement touchés par le chômage. L'accès à un premier emploi stable est une gageure pour nombre d'entre eux, puisqu'on leur demande de disposer d'une expérience sans jamais leur donner la possibilité de faire leurs preuves.

Certains de ces jeunes sont en situation de handicap et cumulent, partant, les difficultés. Avec les dispositions spécifiques au handicap, la loi portant création des emplois d'avenir apporte une première réponse à leurs problèmes. L'ensemble de notre politique en faveur de l'emploi visera le même objectif, en particulier dans le cadre du prochain dispositif présenté, relatif aux « contrats de génération ». Celui-ci concerne non seulement l'insertion des jeunes, mais aussi le maintien dans l'emploi des salariés désignés par le terme de « seniors ». Vous le savez, l'éviction précoce dont sont victimes ces actifs touche particulièrement les travailleurs handicapés.

J'ai également la conviction qu'il nous faut consolider le réseau des établissements et services d'aide par le travail, les ESAT, et faciliter la mobilité des travailleurs entre ESAT, entreprise adaptée et entreprise ordinaire.

Chaque travailleur handicapé doit pouvoir se réaliser dans la structure qui lui convient et dans laquelle ses compétences seront mises en valeur.

La politique de création de places dans les ESAT menée ces dernières années a été bénéfique, mais elle s'est faite au détriment des structures existantes. Je souhaite inverser complètement cette logique.

Je veux aussi aider les ESAT à conforter leur situation financière – certains sont aujourd'hui en grande difficulté – et faire une pause dans l'obligation de convergence tarifaire, qui s'impose à ces établissements et les fragilise.

Nous procéderons également à la revalorisation des rémunérations des salariés, en dégageant plus de 10 millions d'euros supplémentaires pour 2013, et développerons de nouveaux projets d'accompagnement de sortie des ESAT.

Un effort particulier est demandé à Pôle Emploi et au réseau Cap Emploi pour améliorer la situation des travailleurs handicapés, qui souffrent plus que les autres encore des effets de la crise. L'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, doit intensifier son action d'information des employeurs sur leurs obligations et les aides dont ils peuvent bénéficier.

Enfin, je veux parler des établissements et services accueillant des personnes handicapées. Notre responsabilité est d'être à l'écoute de ces personnes, afin de leur proposer des soins adaptés, dans l'environnement qui leur convient le mieux.

De ce point de vue, il est contre-productif d'opposer milieu ordinaire, médico-social et sanitaire, car c'est bien par la diversité de l'offre et la combinaison des approches que l'on peut espérer accompagner efficacement la personne handicapée, au plus près de son parcours de vie.

Les personnes handicapées doivent avoir le choix. Celui-ci est rendu possible, entre autres, grâce aux acteurs du secteur médico-social, qui, par leur professionnalisme et leur dévouement, apportent à des centaines de milliers de personnes les soins et l'accompagnement social et éducatif que nécessite leur handicap. Comme les salariés des ESAT, ces professionnels verront leur rémunération revalorisée.

Ils doivent en outre recevoir une formation adéquate qui les prépare, notamment, à un travail en réseau avec l'ensemble des autres professionnels impliqués dans le suivi de la personne handicapée.

Tout à l'heure, nous avons évoqué le plan de création de 50 000 places, engagé en 2008. Nous assurerons la mise en œuvre de ce plan, en créant 3 000 places en 2013.

Mais nous avons aussi relevé des besoins spécifiques, cela a été souligné au cours du débat. Tout d'abord, on observe dans notre pays un énorme déficit dans la prise en charge de l'autisme, tout comme dans celle du handicap psychique. Ensuite, nous devons répondre à un phénomène de société, celui des personnes handicapées vieillissantes. Car les personnes handicapées vieillissent, elles aussi, et il faut trouver des solutions adaptées. Nous y travaillerons dans le cadre de la préparation du prochain plan. Par ailleurs, des déséquilibres territoriaux très marqués ont été constatés. Il s'agit par conséquent de procéder à un redéploiement plus homogène sur l'ensemble du territoire. Dans certains départements ou régions, on observe de vraies défaillances, de vrais retards.

La prestation de compensation du handicap, ou PCH, est un acquis majeur de la loi de 2005. L'idée même qu'un handicap peut être compensé est centrale, comme l'indiquait tout à l'heure Philippe Bas. On souligne ainsi que le handicap est toujours un handicap en situation. Si nous sommes capables de faire évoluer les situations, d'adapter l'environnement, alors le handicap s'estompe.

La contribution de la PCH à l'autonomie des personnes handicapées ne fait aucun doute. Nous devons donc agir pour pérenniser cette prestation. Certes, je garde en tête que certains besoins en termes d'aide à domicile ou de soutien à la parentalité ne sont pas couverts par celle-ci. Mais je voudrais reprendre les propos de Jean-Michel Baylet et affirmer que la pérennisation de la PCH implique de mieux encadrer le marché des aides techniques, pour éviter que les prix ne dérivent au détriment des finances publiques et, en fin de compte, des personnes handicapées. J'ai demandé à l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, une mission sur ce sujet.

La PCH coûte aujourd'hui 1, 5 milliard d'euros aux départements, l'État ne compensant ces dépenses qu'à hauteur de 500 millions d'euros. Nous devons véritablement pérenniser cette prestation, mais aussi la consolider, en veillant à éviter les dérapages.

Par ailleurs, comme Mme Campion l'indiquait tout à l'heure, le Gouvernement est attentif à la situation des fonds départementaux de compensation. Je vous confirme que nous les abonderons prochainement à hauteur de 4 millions d'euros.

Nous devons cependant assurer l'équité sur l'ensemble du territoire, alors même que nous constatons de vraies disparités entre départements. Tous les acteurs – conseils généraux, maisons départementales des personnes handicapées, caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et associations de personnes handicapées – doivent se mettre autour de la table pour homogénéiser les prestations et les simplifier.

Une autre innovation remarquable de la loi de 2005 est précisément la création des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.

À la fois « maisons communes » et « guichet unique », les MDPH jouent un rôle central dans l'accueil, l'évaluation et l'orientation des personnes en situation de handicap. Il est très commode d'avoir un interlocuteur unique et proche de son domicile pour accomplir ses démarches. Il est rassurant de pouvoir s'adresser à une personne connue quand on parle de choses aussi essentielles que la prise en charge de son handicap. Toutefois, la gouvernance des MDPH doit être clarifiée pour que la qualité du service rendu aux personnes handicapées soit améliorée.

En 2013, là aussi, l'État contribuera à hauteur de 62, 8 millions d'euros au fonctionnement des MDPH, sans compter les personnels mis à disposition, qui représentent environ un millier de fonctionnaires.

J'ai entendu vos suggestions de réorganisation et de simplification des démarches pour les demandes de renouvellement. Il s'agit en effet de pistes sérieuses sur lesquelles nous pouvons travailler.

Par ailleurs, j'ai la conviction qu'il est possible de repenser notre système de financement et de tarification en vue d'une plus grande équité, efficacité et simplicité. La mission IGAS-IGF rendra ses conclusions dans les prochains mois. Elles seront discutées avec l'ensemble des acteurs, les gestionnaires d'établissements et de services, mais aussi les ARS, les conseils généraux et, bien sûr, les représentants des personnes handicapées et de leur famille.

La réforme de la tarification sera certainement un chantier de moyen, voire de long terme, mais cela ne nous empêchera pas d'avancer plus rapidement en ce qui concerne l'objectif de simplification.

Mesdames, messieurs les sénateurs, globalement, je me félicite de ce que, dans cette période de grande tension budgétaire, alors que le Gouvernement met en œuvre le redressement dans la justice, pour lequel les Français ont investi le président François Hollande, la solidarité envers les personnes handicapées reste une priorité. En 2013, les crédits alloués aux personnes en situation de handicap dépasseront 20 milliards d'euros, avec 11, 2 milliards d'euros au titre du projet de loi de finances, soit une augmentation de 6, 3 %, et 9 milliards d'euros au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit une augmentation de 3, 3 %.

Les défis que nous avons à relever sont à la fois nombreux et de taille. Votre concours est indispensable et, sans jamais remettre en cause votre indépendance, je vous associerai tout au long du chemin.

Nous n'avons pas d'autre alternative que de réussir : nous le devons aux personnes handicapées, qui souffrent encore trop souvent d'être reléguées de l'école, de l'emploi, de la citoyenneté… bref, de la société. Une société qui, souvent, les oublie, une société atteinte de cécité, une société qui ne voit pas qu'en excluant, elle se prive de ressources précieuses ; qu'en excluant, elle s'abîme ; qu'en excluant, elle cesse d'être la République, cet idéal qui nous rassemble, dans le respect de nos différences et de nos singularités.

Je veux que vous m'aidiez à construire une société dans laquelle chacun peut s'épanouir, une société dans laquelle les différences ne sont pas autant de justifications à la stigmatisation, à la relégation ou à la discrimination, une société qui fait sienne cette évidence fondamentale : oui, nous sommes tous différents, c'est notre richesse ; mais nous sommes aussi tous unis, c'est notre fierté, la fierté de la République.

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