Intervention de Pierre-Yves Collombat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 octobre 2012 : 1ère réunion
Faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat, rapporteur :

La section de commune, réalité méconnue, même si elle est familière à certains ici, s'enracine dans les droits ancestraux des villageois sur les communaux, destinés à pourvoir à la survie des plus pauvres et qui, objet dès l'origine de nombreux litiges, sont bientôt devenus, aux yeux des réformateurs des Lumières, une forme dépassée de mise en valeur de la terre : significativement, la Convention nationale, décrète, les 10 et 11 juin 1793, leur partage.

On se souvient du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne ».

Anachronisme ? Originalité plutôt : patrimoine collectif et non propriété indivise, comme on l'a trop souvent cru, la section de commune confère aux habitants un simple droit de jouissance. Or, par une de ces inversions dont l'histoire a le secret, nombre d'ayants droit donnent à la section une signification opposée, y voyant non plus un patrimoine collectif, mais une propriété privée, dont ils peuvent se partager les revenus, y compris pécuniaires, alors que la loi prévoit le contraire. Il en est résulté entre les ayants droit et les municipalités, qui ont mission de gérer les sections de commune avec les commissions syndicales, bien des conflits - conflits entre intérêts particuliers et intérêt général plutôt qu'entre deux formes d'intérêt général. Cela a conduit le législateur, et au premier chef le Sénat, à rationaliser ce régime juridique... au risque de le complexifier.

C'est pourquoi la proposition de loi de Jacques Mézard vise à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes. Rapporteur de ce texte, je me suis employé à prolonger les dispositions qu'il propose, saisissant l'occasion de la récente décision par laquelle le Conseil constitutionnel a considéré que « selon l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales, une section de commune est une personne morale de droit public possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ; qu'en vertu de l'article L. 2411-10 du même code, les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature ; qu'ainsi, ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou droits ; que, par suite, doit être rejeté comme inopérant le grief tiré de ce que le transfert des biens d'une section de commune porterait atteinte au droit de propriété de ses membres ». Et le juge constitutionnel ajoute « que le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de l'État et des autres personnes publiques, résultent, d'une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 et, d'autre part, de ses articles 2 et 17 ; que le droit au respect des biens garanti par ces dispositions ne s'oppose pas à ce que le législateur, poursuivant un objectif d'intérêt général, autorise le transfert gratuit de biens entre personnes publiques ».

En accord avec Jacques Mézard et les auteurs d'amendements comme Pierre Jarlier, je vous proposerai donc d'en élargir les dispositions, de clarifier ce régime juridique, et d'en améliorer le fonctionnement en distinguant les sections de communes qui disposent effectivement d'une commission syndicale (environ 200) de celles, les plus nombreuses (presque toutes les 27 000 autres), qui ne fonctionnent pas et dont l'existence ne fait que compliquer la gestion municipale.

La grande variété des situations qu'il recouvre, selon la nature des terrains et l'existence de revenus, et la sédimentation des interventions du législateur ont beaucoup complexifié ce régime. C'est en règle générale le conseil municipal qui gère les sections de commune, dont les fonds sont retracés dans un budget annexe. Mais lorsqu'existe une commission syndicale, intervient une très complexe répartition des compétences - le rapport écrit en dresse un tableau. Municipalité et commission syndicale ont ainsi compétence mixte sur l'emploi, au bénéfice de la section - et non de ses membres - du produit de la vente de biens sectionaux : en cas de désaccord ou de silence de la commission, ce n'est que par arrêté motivé du préfet que la décision peut être prise. Autre source de complexité, les électeurs à la commission syndicale, ne coïncident ni avec les ayants droit, ni avec les habitants de la section communale, si bien que le corps des personnes éligibles à la commission syndicale peut être plus large que celui des électeurs.

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