Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 9 octobre 2012 à 21h30
Logement — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser Claude Bérit-Débat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, qui ne pouvait être présent parmi nous ce soir.

Le 13 septembre dernier, la Haute Assemblée adoptait le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, après l’avoir modifié et complété par un certain nombre de dispositions.

Le 27 septembre dernier, l’Assemblée nationale adoptait, à son tour, le projet de loi.

La commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 octobre dernier, a abouti à un accord.

Notre discussion d’aujourd’hui constitue donc l’aboutissement de l’élaboration d’un texte essentiel, attendu par l’ensemble des acteurs du logement et emblématique du total engagement du Président de la République, du Gouvernement et bien entendu de vous-même, madame la ministre, en faveur d’une politique ambitieuse en matière de logement.

Comme vous le savez, ce texte est, en effet, la traduction législative d’engagements forts pris au cours de la campagne électorale par le Président de la République, à savoir la mise à disposition gratuite des terrains disponibles de l’État et de ses établissements publics afin de construire des logements sociaux et le renforcement des dispositions de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », au travers du relèvement à 25 % du taux obligatoire de logements sociaux pour les communes soumises à l’article 55 situées en « zone tendue », ainsi que par le biais de la multiplication par cinq du prélèvement pour les communes qui ne respecteraient pas leurs obligations.

Aux yeux de la commission des affaires économiques, ce texte constitue une première réponse à la grave crise du logement que chacun de nous connaît. Les quelques chiffres qui suivent montrent pourquoi le logement constitue l’une des principales priorités de nos concitoyens.

Ainsi, les prix des logements ont été multipliés par 2, 2 depuis 2000. Le taux d’effort moyen des ménages s’est accru d’au moins deux points entre 2000 et 2011, pour atteindre 21 % du revenu disponible, mais ce taux dépasse 30 % pour un ménage sur cinq et 40 % pour 8 % des ménages. Par ailleurs, on compte 1, 7 million de demandeurs de logements sociaux dans notre pays.

Ce texte constitue donc une première étape, et devrait contribuer à ce que les objectifs ambitieux fixés par le Gouvernement soient atteints : construire 2, 5 millions de logements sur cinq ans, dont 150 000 logements sociaux par an.

Le dispositif de cession gratuite assurera la réussite du deuxième programme de mobilisation du foncier public, qui devrait aboutir à la construction de 110 000 logements sur la période 2012-2016. Le renforcement des obligations de construction prévues par la loi SRU conduira, quant à lui, au relèvement de 40 000 logements par an des objectifs de construction sur la période triennale 2014-2016.

Pour autant, ce texte ne suffira pas à résoudre la crise du logement dans tous ses aspects. D’autres mesures sont nécessaires.

La commission des affaires économiques se réjouit donc, madame la ministre, que vous ayez annoncé qu’une grande loi sur le logement et sur l’urbanisme serait discutée au début de l’année 2013. Ce futur texte permettra d’évoquer des questions essentielles, aussi diverses que le droit au logement opposable, le DALO, sur lequel notre collègue Claude Dilain a fait un excellent rapport, les rapports entre bailleurs et locataires, les copropriétés ou encore la couverture du territoire par les établissements publics fonciers, sujet qui intéresse tout particulièrement nos collègues d’Île-de-France !

S’agissant du présent projet de loi, je ne reviendrai pas en détail sur l’ensemble de son dispositif. Je souhaite, toutefois, m’attarder sur certaines dispositions issues des travaux de la commission mixte paritaire.

Tout d’abord, la Haute Assemblée avait jugé utile de modifier, sur l’initiative de notre rapporteur, le dispositif de cession gratuite, afin d’inverser la logique de fixation du niveau de la décote et de mentionner directement dans la loi plusieurs établissements publics de l’État auxquels devait s’appliquer le dispositif.

L’Assemblée nationale est revenue sur ces modifications, après avoir obtenu des garanties du Gouvernement. Ces garanties ont permis à la CMP de retenir sur ce point le texte de l’Assemblée nationale.

Il conviendra cependant, mes chers collègues, que nous soyons particulièrement vigilants quant à la mise en œuvre effective de ce dispositif dans nos territoires. En tant que physicien, je sais que la principale force de l’univers est l’inertie ! Rien ne serait pire, madame la ministre, que certains blocages administratifs nuisent à l’efficacité du dispositif…

Ensuite, je souhaite souligner que, à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, le projet de loi comprend de très nombreuses dispositions introduites par la Haute Assemblée sur l’initiative de membres de l’ensemble des groupes politiques qui la composent.

Il en est ainsi de l’article 1er A, introduit sur l’initiative de notre collègue Mireille Schurch et des membres du groupe CRC, qui prévoit la remise d’un rapport sur les caractéristiques d’un mécanisme d’encadrement de la définition de la valeur foncière.

Il en est de même de l’article 4 bis, introduit sur l’initiative conjointe de Valérie Létard – je rends à César ce qui revient à César ! –, de Marie-Noëlle Lienemann et des membres du groupe socialiste et de Marie-Christine Blandin et des membres du groupe écologiste, visant à modifier les statuts de la Société de gestion du patrimoine immobilier des houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais, la SOGINORPA.

Je pense aussi à l’article 4 ter, issu de propositions de notre collègue Joël Labbé et des membres du groupe écologiste et de Marie-Noëlle Lienemann et des membres du groupe socialiste, tendant à ce que, dans les communes « carencées », toute opération de construction d’immeubles de plus de douze logements comprenne au moins 30 % de logements sociaux.

Je pense en outre à la possibilité de déduire du prélèvement les dépenses effectuées par une commune en matière de fouilles archéologiques pour des terrains destinés à la construction de logements sociaux, disposition issue d’un amendement de Mme Létard et des membres du groupe UCR.

Je pense également à la prolongation d’un an de la période pendant laquelle il est possible à une commune de déduire du prélèvement les dépenses engagées pour la réalisation de logements sociaux, disposition issue d’un amendement de notre collègue Philippe Dallier.

Je pense aussi à l’imposition d’un plafond de 30 % de prêts locatifs sociaux – les PLS – et d’un plancher de 30 % de prêts locatifs aidés – les PLAI – pour les communes « carencées » non couvertes par un programme local de l’habitat, ou PLH, dispositions issues d’amendements de M. Mézard et de Mme Schurch.

Je pense enfin, et surtout, à la suppression de ce qui a été appelé le « prélèvement HLM », mais qui constitue, en fait, une véritable ponction sur les organismes d’HLM. Il s’agit d’une disposition particulièrement importante, issue d’un autre amendement de notre collègue Jacques Mézard.

Cette énumération relativement longue vous permet de constater que nombre d’apports de la Haute Assemblée, dont l’initiative revient à des sénateurs de tous les groupes politiques, demeurent dans le projet de loi à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Au cours de l’examen du projet de loi, l’Assemblée nationale a modifié et complété substantiellement le texte. Je souhaite d’ailleurs saluer, au nom du rapporteur Claude Bérit-Débat, la qualité des travaux de Mme Audrey Linkenheld, rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, illustrée à mes yeux par deux dispositions.

L’article 4 A, introduit par la Haute Assemblée sur l’initiative de notre collègue Christian Cambon et qui avait fait l’objet, au sein de cet hémicycle, d’un large consensus, prévoyait un avis conforme du maire en cas de vente de logements sociaux sur le territoire de sa commune. La mise en œuvre d’une telle disposition pouvait avoir des effets pervers. La solution à laquelle a abouti l’Assemblée nationale nous paraît intelligente et équilibrée : l’article 4 A prévoit désormais qu’en cas de désaccord entre le maire et le préfet sur l’aliénation, il reviendra au ministre du logement de trancher. Cette disposition vise à éviter d’éventuels blocages.

L’article 2 bis constitue un autre ajout utile effectué par nos collègues députés : il vise à inciter à la mobilisation du foncier public par le biais de baux emphytéotiques administratifs – les BEA –, parallèlement au dispositif de cession gratuite. Nous avions à peine abordé ce sujet lors de nos discussions en commission ; je regrette que nous n’ayons pas inclus dès le départ cette mesure dans le texte, car elle était susceptible d’assouplir le dispositif et de débloquer certains organismes auxquels nous pensons tous…

La commission mixte paritaire a enfin modifié, voire supprimé, certaines dispositions introduites par nos collègues députés.

Elle a ainsi supprimé l’article 3 bis A, qui visait à ce qu’un seul établissement public foncier d’État puisse exister par région. Je sais pertinemment à quelles discussions ce point a pu donner lieu, surtout dans la région d’Île-de-France, monsieur Dilain !

En cohérence avec les débats ayant eu lieu sur ce texte à la Haute Assemblée, la commission mixte paritaire a estimé que la couverture du territoire par des établissements publics fonciers était une question essentielle, mais qu’il convenait sans doute de la traiter dans le cadre de l’examen du projet de loi qui sera discuté au début de l’année prochaine. Je vous le répète, madame la ministre, vous ne pourrez pas échapper à ce débat sur les établissements publics fonciers ! Au cours de la commission mixte paritaire, certains engagements ont été .pris.

Cet article, dont je comprends tout à fait les objectifs, aurait par ailleurs affecté certains territoires sans prendre en compte les réalités locales, ce qui aurait pu conduire à remettre en cause – même si ce n’était pas l’intention de ses auteurs –l’action des établissements publics fonciers locaux qui fonctionnent. Sans doute une des pistes serait-elle – nous en reparlerons – d’établir une péréquation, à l’échelle régionale, entre des départements riches et d’autres qui le sont moins, sans remettre en cause l’efficacité de ce qui fonctionne déjà. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour que la discussion du prochain projet de loi soit l’occasion d’évoquer l’ensemble des questions relatives à ce sujet.

La commission mixte paritaire a enfin modifié très substantiellement la disposition introduite par l’Assemblée nationale visant à appliquer un taux obligatoire de logements sociaux de 10 % dans les communes de 1 500 à 3 500 habitants comprises dans les agglomérations soumises à l’article 55 de la loi SRU.

Je sais que cette disposition inquiète un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, et je souhaite donc les rassurer.

La disposition qui figurait dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale était inacceptable en l’état.

La rédaction issue de la commission mixte paritaire permet tout d’abord de limiter l’application de cette disposition aux communes situées en « zone tendue », c’est-à-dire, comme l’indiquait l’étude d’impact du projet de loi, les communes situées en zone A du dispositif Scellier, la plupart des communes situées en zone B1 du même dispositif et la plupart des agglomérations concernées par le décret relatif à l’encadrement des loyers à la relocation. J’espère que vous pourrez confirmer, madame la ministre, le champ géographique du décret prévu à l’article 4.

Il aurait été inopportun d’appliquer le taux obligatoire de 10 % de logements sociaux dans les zones « dont le parc de logement existant ne justifie pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande », pour reprendre les termes mêmes de l’article 4 du projet de loi.

En revanche, appliquer une telle règle dans les communes de 1 500 à 3 500 habitants situées en « zone tendue » nous paraît logique. Nombre de ces communes construisent d’ailleurs déjà des logements sociaux et sont engagées dans le cadre de programmes locaux de l’habitat. Une telle disposition permettra de réduire les stratégies d’évitement de certaines communes situées dans des agglomérations ou des EPCI, dont les communes de plus de 3 500 habitants seront soumises, je vous le rappelle, à un taux obligatoire de 25 % de logements sociaux.

Par ailleurs, aux termes du texte issu de la commission mixte paritaire, le prélèvement sur les ressources fiscales de ces communes prévu par l’article 55 de la loi SRU ne sera effectué qu’à partir du 1er janvier 2017. Autrement dit, nous avons reporté la date d’application de la mesure. La mise en œuvre de cette nouvelle obligation ne sera donc pas brutale, et ce délai de plus de quatre ans permettra aux communes concernées de prendre des initiatives pour commencer à rattraper leur retard.

Je souhaite enfin vous rassurer par quelques chiffres.

Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale concernait près de 700 communes, avec un objectif moyen de quatre logements locatifs sociaux annuels par commune. Les modifications introduites par la commission mixte paritaire ont conduit à une réduction drastique du nombre de communes concernées, qui se trouve approximativement divisé par deux. La portée de cette disposition devrait donc demeurer très limitée.

Cette mesure de solidarité au sein des agglomérations et des établissements publics de coopération intercommunale concernés a donc une valeur symbolique forte. Elle s’inscrit clairement dans l’esprit de l’article 55 de la loi SRU, sans avoir pour autant un impact démesuré sur les petites communes. Je vous rappelle d’ailleurs que les communes de 1 500 à 3 500 habitants sont aujourd’hui soumises, en Île-de-France, à un taux obligatoire de 20 %.

J’en ai terminé, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec la présentation des principaux aspects du projet de loi tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire. Tous les apports de cette dernière seraient remis en cause si notre assemblée ne l’approuvait pas. Je formule donc le vœu que le Sénat adopte le présent texte, dont les dispositions, très attendues par les acteurs du logement, constituent des réponses adaptées à la grave crise que connaît notre pays dans ce domaine, même s’il ne s’agit que d’une première étape, .eu égard aux besoins criants en logements sociaux.

En adoptant ce texte, la Haute Assemblée sera fidèle à l’esprit de l’article 1er de la loi Besson de 1990, qui proclame que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». §

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