Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 9 octobre 2012 à 21h30
Logement — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Cécile Duflot, ministre :

… qui n’ont cependant pas entaché la qualité du travail parlementaire. La durée des débats, la qualité des amendements et la tâche considérable accomplie par la commission mixte paritaire témoignent de l’intérêt porté par les parlementaires à cette question essentielle du logement.

Afin de répondre à l’objectif très ambitieux de construction de logements fixé par le Président de la République et rappelé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, vous avez examiné voilà quelques semaines ce projet de loi qui vise à la mobilisation de l’ensemble des acteurs : il s’agit de permettre la cession du foncier de l’État et de ses établissements publics avec une forte décote, pouvant aller jusqu’à la gratuité, pour la production de logement social, et de renforcer les dispositions introduites par l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, au travers notamment du relèvement de 20 % à 25 % de l’objectif en matière de logement social et du quintuplement des pénalités pour les communes qui ne respectent pas leurs engagements.

À l’occasion de l’examen du texte par la Haute Assemblée, puis par l’Assemblée nationale, un certain nombre d’amendements sont venus enrichir le projet du Gouvernement. Les travaux de la commission mixte paritaire, qui a réuni les représentants de vos deux chambres pour parvenir à une position commune, ont permis d’aboutir, ce dont je me félicite, à un texte qui renforce de manière équilibrée les principes et la portée du projet de loi.

S’agissant de la mobilisation du foncier public, je salue l’adoption des mesures qui permettront aux communes de disposer du foncier nécessaire, sans qu’il soit hors de prix, pour prendre part à l’effort collectif de production de logement. Ainsi, l’application d’une décote, qui pourra aller jusqu’à 100 %, sur la valeur vénale de ces terrains, nus ou bâtis, appartenant à l’État ou à ses établissements publics est de nature à permettre l’équilibrage d’opérations de logement social qui, sans elle, ne pourraient pas voir le jour.

La décote sera obligatoire lorsque la cession est consentie au profit de certains bénéficiaires et à condition que le terrain concerné soit inscrit sur une liste dressée par le préfet, à partir de données fiables et partagées entre tous les services chargés d’inventorier et d’évaluer les propriétés de l’État.

Vous avez souhaité légitimement que le préfet consulte, pour l’établissement de cette liste, le comité régional de l’habitat, le maire de la commune sur le territoire de laquelle les terrains se trouvent et le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent, toutes ces autorités qui participent à la politique de l’habitat au niveau local ou en sont chargées. Vous avez prévu que cette liste soit mise à jour annuellement.

Vous avez souhaité également, à juste titre, préciser la gouvernance de ce dispositif. Ainsi, au niveau national, le pilotage du dispositif sera assuré par une instance interministérielle dédiée à la mobilisation du foncier public en faveur du logement : la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier. Elle sera composée de parlementaires, de représentants de l’État désignés notamment par les ministres chargés du logement et de l’urbanisme, de représentants du ministre chargé du Domaine, de représentants des associations des collectivités locales, des organismes de logement social, des professionnels de l’immobilier, des organisations de défense de l’environnement. L’ensemble des personnes concernées se retrouveront donc autour de la table pour évaluer la pertinence du dispositif, ainsi que la mobilisation des uns et des autres.

Ces dispositions sont de nature à assurer l’efficacité, la lisibilité et la transparence du déroulement des opérations projetées ou en cours, ce qui a visiblement fait défaut par le passé. Désormais, les délais, les conditions et les prix de cession des terrains feront l’objet d’un rapport annuel au Parlement. Le texte adopté prévoit également des garanties quant à la bonne utilisation de ce foncier, pour lequel le principe de la décote a été renforcé.

Tout d’abord, outre la convention qui fixe les conditions d’utilisation du terrain cédé et détermine le contenu du programme de logements à réaliser, vous avez renforcé les obligations des acquéreurs, qui devront rendre compte de l’avancement du programme de construction.

Les clauses « anti-spéculatives » qui s’imposent aux acquéreurs des logements construits dans des conditions ayant permis d’en maîtriser le coût ont vu leur durée portée à dix ans.

Je note enfin avec satisfaction que, sans alourdir la procédure de cession, vous avez retenu des mesures permettant à l’acquéreur de disposer de données sur le patrimoine naturel du terrain cédé.

Une dernière amélioration apportée au texte, que je veux souligner, est l’explicitation du dispositif de la décote appliquée aux baux emphytéotiques. Elle sera extrêmement utile à de nombreux élus de terrain.

Le dispositif législatif est donc prêt. Les décrets utiles seront pris sans délai, pour que l’État et ses établissements publics participent à l’effort considérable de construction de logements qui s’impose à nous. Il reviendra ensuite aux communes de construire davantage de logements sociaux. À cet égard, c’est une grande satisfaction pour moi que le Parlement ait approuvé avec enthousiasme le titre II du projet de loi, qui est d’une importance majeure.

Je suis venue devant vous, voilà quelques semaines, pour vous proposer de renforcer les dispositions de l’article 55 de la loi SRU.

J’étais convaincue que cette proposition était non seulement indispensable, au regard de la pénurie de logements et des difficultés croissantes de nos concitoyens à se loger, mais également juste, car l’effort de mobilisation en faveur du logement social doit être l’affaire de tous. Je savais également qu’elle était très ambitieuse, qu’atteindre les objectifs fixés nécessiterait un effort très important de la part des collectivités et que vous y seriez attentifs.

Les échanges au sein de la Haute Assemblée ont montré votre attachement, très largement partagé sur l’ensemble des travées, à cette disposition garante du développement mixte de l’offre de logements. Qui aurait pu imaginer un tel consensus sur les principes il y a dix ans, à l’époque du débat houleux autour de la loi SRU ? Il est réconfortant de constater que le travail parlementaire s’inscrit dans la durée.

J’ai noté également votre attachement à ce que les dispositions proposées soient réalistes et applicables, votre souci permanent de tenir compte le plus finement possible des réalités du terrain, auxquelles vous faites face en tant qu’élus locaux.

Je crois que le texte approuvé par le Parlement parvient à concilier ces deux nécessités. Il vient confirmer, améliorer et finalement clarifier les dispositions de l’article 55 de la loi SRU, en revenant au cœur de l’esprit de l’obligation qu’il a instituée.

Il s’agit de parvenir à une part de logements sociaux de 25 % dans les communes en « zone tendue » et de 20 % dans les communes en « zone détendue » d’ici à 2025. Le taux est renforcé là où c’est nécessaire. L’échéancier n’est plus glissant. L’obligation de résultat est non plus théorique, mais réelle.

Par ailleurs, loin d’infirmer, d’atténuer ou de vider de son contenu le projet initial du Gouvernement, vous avez souhaité le renforcer et l’enrichir, avec finesse et intelligence, ce dont je me félicite.

En premier lieu, le périmètre d’application a été étendu afin que tous les territoires où existent des besoins participent à l’effort de solidarité.

Ainsi, les communes dont la population est comprise entre 1 500 et 3 500 habitants et qui sont incluses dans une agglomération ou un EPCI de plus de 50 000 habitants sous tension sont désormais visées, à la suite des travaux de la commission mixte paritaire. Cet ajout, qui s’inspire de la règle en vigueur pour l’Île-de-France, représente une évolution significative par rapport au texte initial. Je puis vous indiquer que 334 communes seront concernées. Cette extension ne s’appliquera pas de façon brutale. Au contraire, à la suite d’échanges dans lesquels les sénateurs ont, je crois, joué un rôle déterminant, la commission mixte paritaire a souhaité que sa mise en œuvre soit équilibrée, grâce à la fixation d’un taux de 10 % et à l’entrée en vigueur différée des prélèvements, à compter du 1er janvier 2017.

Cette disposition a pu susciter des inquiétudes, notamment parce qu’elle n’a pas fait l’objet, puisqu’elle résulte d’un ajout de l’Assemblée nationale, d’une étude d’impact approfondie. Un travail va être mené, sous l’égide du Premier ministre, pour évaluer très finement les conséquences de son application. J’écrirai à chacun des élus concernés afin d’avoir une vision très précise des possibilités de mise en œuvre et des effets de la disposition. Je tiendrai bien sûr à votre disposition le bilan de son application.

Dans la même logique, il a également été décidé d’intégrer dans le champ du dispositif les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique lorsque l’insuffisance de leur parc de logements appelle un effort supplémentaire de production de logements sociaux. Les besoins de ces communes sont réels, il était légitime d’en tenir compte. Dans ce cas aussi, les communes concernées bénéficieront d’une période transitoire de quatre ans durant laquelle le prélèvement ne sera pas effectué. Ainsi, aucune ne sera prise au dépourvu.

En second lieu, vous avez souhaité renforcer le régime des obligations qui pèsent sur les communes, ce qui témoigne de votre attachement à ce que l’objectif de mixité sociale ne soit pas un vœu pieux, mais bien une réalité s’imposant à chaque collectivité. C’est l’esprit même du projet de loi que vous avez ainsi confirmé.

À cette fin, vous avez introduit, avec l’article 4 ter, une disposition novatrice et puissante. Elle prévoit l’obligation, pour les communes faisant l’objet d’un constat de carence, c’est-à-dire celles qui n’ont pas contribué à l’effort de solidarité, de prévoir, dans toute opération de construction d’immeuble de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés, une part minimale de 30 % de logements sociaux.

Cette disposition s’inspire directement de pratiques ayant déjà été mises en place par de nombreux élus volontaires. Elle s’imposera désormais systématiquement à ceux qui avaient choisi de ne pas la mettre en œuvre spontanément. Nous ne pouvons accepter que, dans des communes où manquent des logements sociaux, continuent à se réaliser des opérations ne comportant aucun logement social : cela ne sera plus possible, et je m’en félicite.

Cette disposition permettra également de développer une mixité au plus près des quartiers. La place du logement social dans notre société et la revalorisation de son image sont des enjeux essentiels pour mon ministère. Assurer l’accessibilité du logement pour toutes et tous, en particulier les jeunes ou les familles en situation de rupture, doit être une mission partagée par l’ensemble des acteurs : se loger est un besoin essentiel.

Il faut que cessent les discours de stigmatisation du logement social ou de ses occupants. Je crois que l’état d’esprit respectueux dans lequel ce projet de loi a été débattu participe de cette revalorisation de l’image du logement social à laquelle je souhaite contribuer ardemment dans les années qui viennent.

Toujours dans un souci d’efficacité du dispositif, vous vous êtes par ailleurs intéressés à la déclinaison de l’obligation de production de logements sociaux en fonction de leur type de financement. Cela est essentiel, car le niveau des loyers, entre un logement PLAI et un logement PLS, peut parfois varier du simple au double. Ces deux types de logements ne présentent donc évidemment pas le même intérêt au regard de l’accueil des ménages modestes, et donc de la mixité sociale.

Par conséquent, vous avez décidé de limiter à 30 % la part de PLS, voire à 20% si la commune comporte peu de logements sociaux, au sein de l’obligation triennale. À l’inverse, la part de PLAI devra être, quant à elle, au minimum de 30 %. L’obligation de production de logements sociaux n’est donc plus seulement quantitative : elle est désormais également qualitative. C’est une amélioration fondamentale.

Enfin, vous avez veillé à ce que le dispositif renforcé soit aussi plus équilibré et plus juste.

Vous vous êtes naturellement assurés que les communes qui ne participent pas à l’effort de solidarité soient lourdement sanctionnées, mais vous avez aussi fait en sorte que celles qui, au contraire, se mobilisent pour agir ne soient pas injustement pénalisées et qu’il soit tenu compte des contraintes qui s’imposent à elles.

Ainsi, vous avez souhaité exonérer de l’obligation les communes dont le territoire est grevé par des inconstructibilités liées à des plans de prévention des risques, technologiques, naturels ou miniers. Cela est juste : notre but n’est pas d’exiger l’impossible, mais de fixer des objectifs qui, bien que très ambitieux, restent atteignables par l’ensemble des collectivités concernées.

Vous avez également veillé à ce que les efforts des communes actives pour combler leur retard soient pris en compte. Les possibilités de déduction du prélèvement annuel de dépenses engagées pour la construction de logements sociaux ont été élargies. La dépollution ou les fouilles archéologiques y sont désormais éligibles et les déductions pourront être étalées sur trois années.

Tel est bien l’esprit de ce projet de loi : inciter à faire, en limitant les prélèvements supportés par les communes qui s’engagent dans un effort accru de production ; obliger à faire, en sanctionnant celles qui choisissent délibérément de ne pas respecter la loi.

Je me félicite enfin de ce que vous ayez approuvé le titre III du projet de loi. Il permet de remettre en cohérence et en compatibilité les contrats de développement territorial et le schéma directeur de la région d’Île-de-France, de prendre le temps que peut demander la signature des contrats et d’associer à la démarche, quand ils le souhaitent, le conseil régional d’Île-de-France et les conseils généraux concernés.

Je me réjouis de l’apport parlementaire, unanime, sur la sécurisation juridique de cette mise en cohérence, rendue nécessaire entre le moment où le conseil régional adoptera son nouveau SDRIF et celui où ce dernier sera mis en œuvre à l’issue de l’enquête publique.

Je profite de cette occasion pour réaffirmer, au nom du Gouvernement, mon attachement au projet de métro automatique Grand Paris Express.

Pour être mis en œuvre, ce projet de nouveau réseau de transport, indispensable aux déplacements des Franciliens, doit être érigé en priorité et financé. Je redis que l’État sera au rendez-vous des financements et que son engagement de doter le capital de la Société du Grand Paris d’un montant – de 1 milliard d’euros s’il le faut – permettant de lever les premiers emprunts nécessaires aux travaux sera tenu.

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