Madame la ministre, à l’issue de la première lecture de ce texte au Sénat, le groupe de l’UCR s’était montré dubitatif. Le moins que l’on puisse dire est que le projet de loi a évolué depuis.
Ainsi, nous nous félicitons de la suppression de l’article 3 bis, qui imposait qu’il n’y ait qu’un seul établissement public foncier de l’État par région : si l’on avait voulu renforcer la mainmise de l’État et de la région sur le logement, on ne s’y serait pas pris autrement !
D’autres modifications font de certains articles de moindres maux. Par exemple, la nouvelle rédaction de l’article 11 ter est préférable à celle qu’avait retenue l’Assemblée nationale, qui risquait de fragiliser les schémas de cohérence territoriale en imposant l’introduction dans le document d’orientation et d’objectifs d’un chapitre de synthèse justifiant sa cohérence. Il est maintenant prévu que « le document d'orientation et d'objectifs assure la cohérence d'ensemble des orientations arrêtées dans ces différents domaines », rédaction qui écarte quelque peu le risque de fragilisation des SCOT.
Pour l'article 4 ter, c'est finalement la rédaction de l'Assemblée nationale que la commission mixte paritaire a décidé de retenir, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Cet article, dans la version issue des travaux du Sénat, prévoyait un minimum de 30 % de logements financés par des PLAI pour les communes faisant l'objet d'un arrêté de carence. L'Assemblée nationale a assoupli son dispositif en prévoyant que ce quota de 30 % pourrait recouvrir tant des PLAI que des PLUS. C'est un moindre mal, mais ce n'est pas idéal, parce que, dans certaines communes, les PLS concourent à la mixité sociale. Il est parfois nécessaire de faire de la mixité « par le haut ».
En définitive, madame la ministre, l’article 11 ter illustre la méfiance à l’égard des élus qui irrigue tout ce texte. Quant à l'article 4 ter, c’est l'absence de souplesse qui le caractérise. Si l'on ne peut pas faire confiance aux élus et aux territoires, il faut les contraindre : voilà votre credo. Cela correspond à la philosophie de votre projet de loi, fondé sur la contrainte, la sanction, au détriment de l'accompagnement et du soutien.
Cette logique se retrouve naturellement dans la modification la plus lourde apportée par l’Assemblée nationale et conservée par la commission mixte paritaire, à savoir l’extension des obligations de la loi SRU aux communes comptant de 1 500 à 3 500 habitants, hors Île-de-France. Il s’agit simplement de contraindre et de sanctionner. Certes, la CMP a heureusement restreint le champ de cette extension aux zones tendues, mais cette modification n’en demeure pas moins problématique.
Madame la ministre, on ne résoudra pas le problème du logement en contournant les élus, notamment les parlementaires, consultés à la va-vite. Parce qu'il change l'architecture du texte et concerne les collectivités locales, ce nouvel article introduit à l'Assemblée nationale aurait mérité de faire l’objet d’un réel débat au Sénat. Naturellement, aucune étude d'impact n'a été réalisée, aucun débat en commission n'a eu lieu.
Ce texte est injuste pour les collectivités. C’est en effet sur elles que tout l’effort portera, l’État s’étant en grande partie désengagé, puisqu’il apporte 600 euros en moyenne pour un PLUS, et même 1 euro dans de nombreux départements, alors que, dans un certain nombre de cas, les collectivités apportent de 10 000 à 50 000 euros. En vertu du présent projet de loi, elles devront de surcroît s’acquitter de prélèvements de plus en plus lourds. Est-ce ainsi que l’on s’imagine encourager les collectivités ?
Nous ne résoudrons pas non plus le problème du logement en éludant des questions aussi fondamentales que celles des recours abusifs ou de la complexité de la réglementation. Or, sur ces sujets, le texte est muet. Si elle est abordée, la question du foncier reste entière. La mobilisation du foncier de l’État ne pourra en aucun cas remédier à la rareté du foncier en zone dense. On ne fera pas l’économie d’une réflexion sur la problématique de la densification.
Grave lacune à nos yeux, le texte ignore l'accession sociale à la propriété, qui est pourtant essentielle dans la construction des parcours résidentiels. Il nous paraissait essentiel de la prendre en compte au titre des obligations posées par la loi SRU. Plus globalement, il faut mieux tenir compte des réalités locales. Les objectifs fixés par la loi SRU sont trop rigides ; leur respect devrait être apprécié à l’échelle de l’agglomération, et non pas commune par commune.
De même, ne serait-il pas préférable de fixer des objectifs par unité de logement, et non par nombre de logements, ce qui incite à construire des barres de studettes ?
Madame la ministre, lors de la première lecture, la majorité des sénateurs de l’UCR s'étaient abstenus sur votre projet de loi. Compte tenu de l'évolution qu’a connue le texte à l’occasion de la CMP, en particulier l’extension aux communes de 1 500 habitants à 3 500 habitants, hors Île-de-France, des obligations prévues par la loi SRU, les membres de mon groupe voteront majoritairement contre. §