Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 9 octobre 2012 à 21h30
Création des emplois d'avenir — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, une commission mixte paritaire s’est réunie à l’Assemblée nationale le 2 octobre dernier pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création des emplois d’avenir. Comme vous le savez, cette commission mixte paritaire est parvenue à élaborer un texte qui est aujourd’hui soumis à notre vote.

Avant de vous en présenter les grandes lignes, je tiens à souligner, en quelques mots, la qualité du travail accompli par les deux assemblées, dans des délais, faut-il le rappeler, pourtant très courts.

L’Assemblée nationale a considérablement enrichi le projet de loi : elle a veillé à mieux prendre en compte la situation des personnes handicapées, elle a renforcé les garanties tenant à la durée du contrat et au temps de travail du salarié et elle a amélioré les dispositions relatives à la formation des jeunes en emploi d’avenir.

Le Sénat, à son tour, a adopté des mesures destinées à éviter les « effets d’aubaine » : il a introduit une priorité d’embauche au profit des jeunes recrutés en contrat à durée déterminée, ce qui augmentera leurs chances d’obtenir un emploi stable ; il a également prévu que le suivi personnalisé se déroulerait obligatoirement pendant le temps de travail et que les jeunes employés par une collectivité locale auraient accès aux formations dispensées par le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT.

Au total, les divergences entre le Sénat et l’Assemblée nationale ont été peu nombreuses. Une seule question a concentré l’essentiel de nos débats, celle de la définition précise du public éligible aux emplois d’avenir.

Mes chers collègues, nous sommes tous convaincus que les emplois d’avenir doivent bénéficier, par priorité, aux jeunes les plus en difficulté. Je songe aux « décrocheurs » scolaires, c’est-à-dire à ces jeunes qui quittent l’école sans aucune qualification et dont le nombre peut être estimé à environ 120 000 par an ; je pense également aux nombreux titulaires d’un CAP ou d’un BEP qui ne parviennent pas à trouver un emploi malgré leur diplôme.

Dans les zones urbaines sensibles, dans les zones de revitalisation rurale et dans nos collectivités d’outre-mer, nous avons admis que les jeunes titulaires du baccalauréat pourraient être recrutés au titre des emplois d’avenir, afin de tenir compte des difficultés particulières d’accès à l’emploi qu’ils rencontrent.

L’Assemblée nationale avait souhaité aller plus loin en autorisant, à titre exceptionnel, le recrutement de jeunes d’un niveau de qualification supérieur au baccalauréat.

Le Sénat était revenu sur cet élargissement du public éligible aux emplois d’avenir. En effet, nous avions estimé que, en ouvrant le recrutement à des diplômés de l’enseignement supérieur, on risquait d’affaiblir la portée du dispositif, en l’éloignant de sa cible initiale. On pouvait craindre de susciter, de ce fait, un véritable phénomène d’éviction, les employeurs ayant tout intérêt à privilégier l’embauche de jeunes diplômés au détriment des moins qualifiés. En somme, nous souhaitions éviter de répéter ce qui s’était produit il y a une quinzaine d’années, lors du déploiement des emplois-jeunes, qui avaient massivement bénéficié à de jeunes titulaires du baccalauréat ou d’un diplôme d’un niveau supérieur. Toutefois, le Sénat avait maintenu la dérogation introduite par l’Assemblée nationale pour les jeunes résidant outre-mer, en considérant que la faiblesse du secteur marchand dans ces territoires et l’isolement géographique de ces derniers pouvaient justifier un traitement différencié.

La commission mixte paritaire a trouvé, sur cette question du niveau de qualification, une formule de compromis qui me paraît satisfaisante. En effet, nous avons estimé que les emplois d’avenir pouvaient constituer une solution appropriée pour ceux que l’on pourrait nommer les « décrocheurs » du système d’enseignement supérieur : il s’agit de ces jeunes qui s’engagent dans des études supérieures, après avoir obtenu leur baccalauréat, puis qui les abandonnent, parfois après quelques années, sans avoir obtenu le moindre diplôme.

Dans un rapport remis au Gouvernement en juin 2011, notre ancien collègue Christian Demuynck indique que 70 000 étudiants quittent ainsi, chaque année, l’enseignement supérieur, soit deux étudiants sur dix. Les causes de ce phénomène sont complexes, et il ne nous appartient pas aujourd’hui d’en débattre. Elles tiennent sans doute, pour partie, à des problèmes d’orientation, pour partie également au faible taux d’encadrement des étudiants au sein des universités.

Vous le savez bien, ces jeunes qui n’ont pas achevé leurs études sont confrontés à de grandes difficultés d’insertion professionnelle. Peu d’entreprises sont intéressées par leur profil, car leur niveau de qualification est faible et leur expérience professionnelle est, par définition, réduite. Dans une telle situation, l’emploi d’avenir peut constituer un instrument utile pour les aider à entrer sur le marché du travail et leur permettre d’acquérir des compétences qu’ils pourront ensuite faire valoir chez d’autres employeurs.

J’ajoute que la commission mixte paritaire a précisé que leur recrutement serait possible uniquement sur décision de l’administration, afin de s’assurer que l’embauche de jeunes ayant poursuivi des études supérieures demeure bien l’exception.

Pour être tout à fait complet, j’évoquerai la seconde modification de fond que la commission mixte paritaire a apportée au projet de loi.

Sur proposition du député Jean-Patrick Gille, la CMP a prévu que les opérateurs privés de placement ne pourraient ni prescrire des contrats aidés ni assurer le suivi du titulaire d’un emploi d’avenir. Cette mesure prolonge une initiative prise par le Sénat, qui avait décidé d’exclure les agences d’intérim de la liste des prescripteurs de contrats aidés.

La commission mixte paritaire a souhaité réserver ces fonctions de prescription et de suivi à Pôle emploi, aux missions locales, aux Cap emploi et aux conseils généraux pour les allocataires du RSA, c’est-à-dire exclusivement à des organismes publics. Je rappelle que les recteurs seront par ailleurs compétents pour la prescription des emplois d’avenir professeur.

Avant de conclure, mes chers collègues, je voudrais rappeler que le projet de loi constitue la première étape d’une stratégie plus globale destinée à relancer la création d’emplois dans notre pays. Nous aurons l’occasion de nous retrouver ici même dans quelques mois pour examiner le projet de loi relatif au contrat de génération, qui fait actuellement l’objet d’une concertation entre les partenaires sociaux. Cette idée très intéressante devrait permettre d’inciter les entreprises à recruter des jeunes et à garder des seniors.

Par ailleurs, comme vous le savez également, le ministère de la ville vient d’annoncer son intention d’expérimenter, dans plusieurs quartiers difficiles, des « emplois francs », exonérés de cotisations sociales, destinés à de jeunes diplômés. Si cette expérimentation s’avérait positive, les emplois francs permettraient bien évidemment d’apporter une réponse supplémentaire aux jeunes diplômés qui n’ont pas vocation à être recrutés en emplois d’avenir.

Au-delà de ces dispositifs, qui relèvent de la politique de l’emploi, la lutte contre le chômage passe aussi par des réformes plus structurelles tenant au fonctionnement du marché du travail et à la compétitivité de nos entreprises. Sur le premier point, le Gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de négocier un accord ambitieux sur la sécurisation des parcours professionnels. Sur le second point, des décisions seront annoncées très prochainement sur la base des conclusions du rapport commandé à Louis Gallois ; une attention particulière devra être portée à la situation de nos entreprises industrielles exposées à la concurrence internationale.

La création d’emplois dépend enfin, faut-il le rappeler, de notre capacité à renouer avec la croissance non seulement en France, mais aussi en Europe, ce qui suppose de poursuivre les efforts entrepris par le Président de la République en ce domaine depuis son élection.

Mes chers collègues, je vous invite à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire afin de permettre la mise en œuvre, dans les meilleurs délais, d’un dispositif attendu par des centaines de milliers de jeunes à la recherche d’un emploi. L’urgence et la gravité de la situation l’exigent !

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