Madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, tous les ans, depuis la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, des modifications de périmètre des programmes masquent la baisse des moyens pour les actions traditionnelles de cette mission.
Cette année, les programmes et les actions sont complètement bouleversés. La mission même est amputée du programme Conduite et pilotage, qui, l’an passé, représentait la moitié des dépenses. C’est un changement de périmètre considérable ! On nous dit qu’il s’agit d’un redéploiement vers une autre mission budgétaire, mais 420 millions ont disparu et il nous est impossible de vérifier la hauteur des transferts.
Devant tant d’opacité, nous sommes en droit de nous interroger. On nous avait tellement vanté les vertus de la LOLF en nous assurant que les parlementaires auraient une plus grande lisibilité des politiques publiques ! La question de la sincérité du budget est même posée.
Je ne peux que soutenir notre collègue Michel Sergent, qui note, dans le rapport de la commission des finances, que « ce changement aboutit à vider la mission d’une grande partie de sa substance ». Nous sommes donc en droit de nous interroger sur la pertinence et le maintien de cette mission. Une telle structure budgétaire et de si faibles dépenses ne peuvent plus porter de réelles politiques publiques dignes de ce nom.
Nous pouvons d’autant plus nous poser la question qu’en raison de la baisse des ressources du programme Sport il s’agit dorénavant d’un budget uniquement de soutien au sport de haut niveau ; 80 % des dépenses sont en effet consacrées à cette seule politique. Cette structure de dépenses est d’ailleurs à rapprocher des textes de loi adoptés depuis sept ans, qui visent tous à favoriser la professionnalisation et la financiarisation du sport.
Tout va toujours dans le même sens et toujours en faveur des mêmes !
Quant au programme Jeunesse et vie associative, il se spécialise aussi, 60 % des dépenses étant consacrées à deux dispositifs d’action publique seulement. En disant cela, je ne critique pas les sommes dévolues à ces programmes, même si je m’interroge sur la pertinence de certaines actions. En revanche, je constate avec regret, et une certaine colère, la disparition quasi complète des politiques nationales qui ont fondé l’action publique pendant des années dans le domaine de la jeunesse, du sport et de la vie associative.
Ce ministère a disparu ; il a été démantelé, écartelé, et ses missions disparaissent peu à peu. Certes, il reste un ministère des sports, et aujourd’hui de plein exercice et, madame la ministre, sachez que je m’en félicite, mais il est pratiquement sans administration et sans réels moyens d’intervention.
Par-delà votre profession de foi, vous savez, j’en suis persuadé, ne pas disposer des moyens suffisants pour soutenir le sport amateur, les fédérations, les équipements, la préparation olympique et la lutte contre le dopage.
Nous craignons que les secteurs de la jeunesse et de la vie associative, pourtant si essentiels à la vie sociale, ne soient totalement vampirisés par le grand ministère qui en assure la tutelle. Les missions de ce secrétariat d’état, rabougries, se limitent désormais au seul service civique, sans pour autant tenir les engagements dans ce domaine car il ne fonctionne pas, ou à l’organisation d’expérimentations diverses, sans les moyens nécessaires à l’extension de celles qui s’avéreraient utiles. À quoi cela servira-t-il donc ? Quel gâchis !
Mais revenons maintenant au budget, celui des sports pour commencer.
Nous sommes vraiment très loin des promesses du Président de la République, qui annonçait 3 % du budget pour le sport, puisque, pour la première fois depuis sa création, le budget des sports diminue officiellement. En effet, alors que la baisse était d’habitude masquée par des transferts, cette année, par souci de transparence ou par cynisme, le document budgétaire constate une chute de 14 %.
Certes, madame la ministre, vous n’avez pas préparé ce recul, mais, hier, vous étiez solidaire du Gouvernement et, demain, vous porterez le fardeau des conséquences de ce recul. Les dépenses d’interventions de votre ministère chutent lourdement, de 22 % ; c’est considérable !
Pour avoir une réelle vision des dépenses en faveur du sport, il faut intégrer les fonds du Centre national pour le développement du sport. Ils s’élèveront à 247 millions d’euros, au lieu de 239 millions d’euros en 2010, si du moins les jeux et les paris sportifs électroniques ont le rendement attendu, mais ce n’est pas assuré.
Toutefois, cette hausse virtuelle de 8 millions d’euros ne compense ni la perte de 33 millions d’euros sur votre budget, ni l’évolution des charges dévolues au Centre national pour le développement du sport. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, j’ai déposé un amendement visant à augmenter et à déplafonner les prélèvements sur la Française des jeux au profit de ce centre.
À ce propos, je voudrais vous dire mon inquiétude concernant les dérives des dépenses mises à la charge du CNDS. De plus en plus, il est utilisé comme un budget bis, et masque mal, par ailleurs, le désengagement de l’État. Madame la ministre, il est temps d’en revenir aux orientations qui ont présidé à sa création, en lui retirant tout financement de politiques et d’investissements nationaux.
Enfin, je ne saurais taire mon désaccord sur le désengagement total de votre ministère dans le domaine du développement du sport pour tous. Vous ne disposez plus d’un réel budget dans ce domaine. Il a été divisé par quatre en quelques années, et les rares dépenses vont aux fédérations, qui utilisent ces fonds en faveur de la promotion de leur sport.
Ainsi n’existe-t-il plus de politiques publiques nationales pour aider au développement des activités physiques et sportives non seulement des jeunes, mais aussi des femmes, des seniors et des handicapés et, plus généralement, des populations en difficulté.
Seul le haut niveau intéresse dorénavant votre ministère, madame la ministre. Nous le déplorons et dénonçons une telle dérive.
J’aborderai enfin le budget du programme Jeunesse et vie associative.
Tout d’abord, peut-on encore parler de politique publique dans les domaines de la vie associative et de l’éducation populaire, compte tenu de l’extrême modicité des sommes allouées ?
Ces crédits, pourtant essentiels au maintien du lien social dans nos villes et nos campagnes, seront divisés par deux.
Ainsi, dans le domaine de l’action locale, après des années de stagnation et de baisse, le nouveau désengagement massif de l’État étranglera la vie associative et déséquilibrera la situation sociale de territoires déjà fragilisés.
Pour ce qui concerne les actions menées en faveur de la jeunesse, la quasi-totalité des crédits sont destinés à assurer le financement du service civique.
Par conséquent, je voterai contre le projet de budget de cette mission regroupant les programmes Sport et Jeunesse et vie associative. Il scelle en effet la disparition des politiques publiques en faveur du plus grand nombre.