Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, c’est la première fois qu’il me revient de rapporter la mission « Recherche et enseignement supérieur » au nom de la commission des finances, aux côtés de Philippe Adnot. J’ai plus particulièrement la charge d’exposer l’évolution des crédits de cinq programmes davantage orientés vers la recherche que vers l’enseignement supérieur.
Parmi ceux-ci, le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est le plus important par la taille. Il finance les plus importants organismes publics de recherche, parmi lesquels le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, ou encore l’Institut national de la recherche en informatique et en automatique, l’INRIA.
Ce programme regroupe 5, 132 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, soit 20, 4 % des crédits de paiement de la mission. Il affiche une diminution de 1, 5 % de ses crédits de paiement à périmètre constant par rapport à 2010, essentiellement en raison d’une baisse de 68 millions d’euros des crédits budgétaires de l’Agence nationale de la recherche. Cette contraction peut surprendre, après plusieurs années de montée en puissance de cette agence, traduction d’un choix politique clair : faire émerger et développer une « culture de projets » au sein du monde français de la recherche.
Madame la ministre, vos services nous ont indiqué que cette évolution des crédits visait essentiellement à éviter des « doublons » entre la mission « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, et l’emprunt national. Je prends acte de ces explications, mais je souhaiterais obtenir quelques précisions à cet égard, l’emprunt national n’ayant pas vocation, normalement, à se substituer aux crédits budgétaires.
Par ailleurs, l’ANR ayant été désignée comme le principal opérateur des actions du programme d’investissements d’avenir, elle gérera, à ce titre, 17, 9 milliards d’euros de crédits, pour l’essentiel non consomptibles. Ses effectifs croîtront de 65 équivalents temps plein travaillé, pour atteindre 156 équivalents temps plein travaillé. Pouvez-vous nous expliquer, madame la ministre, comment l’ANR entend assurer ses nouvelles missions ?
Les autres opérateurs du programme, bien que leurs crédits soient orientés à la hausse, devront néanmoins faire preuve de rigueur dans leur gestion, afin d’assumer, d’une part, les conséquences financières de la poursuite du plan Carrières, dont bénéficieront les chercheurs, et, d’autre part, pour certains d’entre eux, l’évolution de la part de leurs crédits qui devront être mis en réserve.
En ce qui concerne le programme « Recherche spatiale », j’évoquerai tout d’abord l’évolution de la dette de la France à l’égard de l’Agence spatiale européenne, l’ESA, au sujet de laquelle la commission des finances, sur l’initiative de Christian Gaudin, avait demandé une enquête de la Cour des comptes.
Comme la promesse en avait été faite l’an dernier, les crédits budgétaires de cette agence vont augmenter, mais pas autant qu’on l’avait annoncé devant la commission des finances du Sénat : ils seront de 755 millions d’euros en 2011, au lieu des 770 millions d’euros attendus ; ce chiffre est à comparer aux 685 millions d’euros par an qui étaient prévus jusqu’en 2010.
Surtout, et c’est inquiétant, cette ligne ne suffira pas à commencer à combler le « trou » de la dette à l’égard de l’ESA. Au contraire, cette dette devrait passer à 450 millions d’euros à la fin de 2010, puis à 500 millions d’euros à la fin de 2011. Les documents budgétaires font toujours apparaître une dette ramenée à zéro fin 2015, mais au prix d’un nouvel effort financier – plus de 800 millions d’euros par an dès 2012 – et, bizarrement, d’une diminution des sommes que l’ESA réclamera à la France à compter de 2012.
Madame la ministre, j’avoue être sceptique devant cette dernière hypothèse. Pouvez-vous nous confirmer que les appels de fonds de l’ESA diminueront réellement de manière significative à compter de 2012, même en tenant compte de la prochaine conférence ministérielle de cette agence ?
Pour ce qui concerne les actions purement nationales, ce projet de budget, qui est le premier du nouveau contrat État-Centre national d’études spatiales pour la période 2011-2015, offre une illustration concrète du caractère prioritaire de la recherche spatiale aux yeux de l’État. En effet, pour ses programmes en propre, le CNES enregistre une augmentation de 15 millions d’euros, soit de 2, 6 %, de sa dotation, ce qui le place parmi les opérateurs de la MIRES les plus favorisés par l’État.
En revanche, plusieurs opérateurs du programme « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables » ne connaissent pas la même évolution de leurs crédits.
C’est le cas, dans une certaine mesure, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, dont les crédits diminueront de 30 millions d’euros, baisse qui devrait être compensée par l’instauration d’une nouvelle redevance. Le caractère régulier et incontestable de cette redevance devra être particulièrement garanti, l’IRSN ne pouvant se passer des crédits budgétaires supprimés sans compensation à due concurrence.
C’est aussi le cas du CEA, dont l’augmentation des crédits ne fait que traduire la budgétisation du dividende, de l’ordre de 104 millions d’euros, qu’il tirait jusqu’à présent de sa participation dans AREVA.
C’est enfin, et surtout, le cas de l’IFP Énergies nouvelles, dont la dotation affiche une diminution de 20 millions d’euros, c’est-à-dire de 12 %. Je note qu’un rapport d’étape de la révision générale des politiques publiques recommande à cet institut de développer ses ressources extérieures. Je relève toutefois que l’IFP Énergies nouvelles sera, en 2011, l’un des très rares opérateurs de recherche dont plus de la moitié du financement n’aura pas pour origine une subvention étatique. Il n’est donc pas prouvé que cette réduction de crédits n’affectera pas cet établissement performant ; à mon sens, les prochains budgets devraient en tenir compte…
J’évoquerai brièvement les avances remboursables de la filière aéronautique. Leur diminution de plus de moitié résulte là aussi, au moins en partie, d’un transfert de charges vers le grand emprunt, en particulier pour le programme de l’Airbus A350.
S’agissant du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », le mode de financement d’OSEO Innovation est grandement simplifié dans le présent projet de loi de finances. En effet, tout passe désormais par ce programme, du fait de l’épuisement de la réserve qu’OSEO tirait de sa fusion avec l’ancienne Agence de l’innovation industrielle, l’AII, en 2008. Cette budgétisation entraîne une importante augmentation apparente de crédits dans ce projet de budget, de 170 millions à 285 millions d’euros. Toutefois, si l’on tient compte de l’effet de périmètre dont j’ai parlé, cette augmentation correspond en réalité à une diminution de 26 millions d’euros des crédits d’intervention de l’agence. Il s’agit là d’une évolution particulièrement dommageable, et je ne souhaite pas que le soutien aux PME innovantes subisse, l’année prochaine, de nouvelles coupes claires.
Enfin, le programme « Recherche duale » n’appelle pas de remarques particulières.
Sous le bénéfice de ces observations, je rejoins mon collègue Philippe Adnot pour recommander l’adoption sans modification des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».