Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où nous abordons la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, à la suite des échanges que nous avons eus avant le dîner sur la réorientation de la politique de l’Union européenne, je tenterai, dans ce bref propos introductif, de répondre à trois questions.
Première question : quelle place occupe ce traité dans la politique de l’Union européenne, dont nous souhaitons, je le répète, la réorientation ?
Deuxième question : ce traité empêche-t-il le gouvernement français d’aller au terme de la réorientation de la politique de l’Union européenne, qui constitue l’objectif auquel le Gouvernement concourt, sous l’autorité du Président de la République ?
Troisième question : que souhaitons-nous faire, par-delà la ratification de ce texte, pour conforter l’Union européenne dans la solidarité et dans l’unité politique de ses institutions ?
S'agissant de la première question, tout d’abord, nous souhaitons tenir le plus scrupuleusement possible les engagements que nous avons pris pendant la campagne présidentielle. Ceux-ci reposent sur un équilibre entre la nécessité de procéder au rétablissement des comptes publics, dans un contexte économique et financier difficile pour l’ensemble des pays de l’Union européenne, et la volonté de faire en sorte que la croissance soit, autant que faire se peut, au rendez-vous.
Nous voulons atteindre ces deux objectifs à la fois. En effet, il n’y aura pas de croissance sans rétablissement des comptes publics, car les déficits qui se creusent, les dettes qui augmentent, les comptes publics qui se dégradent, ce sont des pans de souveraineté qui s’abandonnent, ce sont surtout des conditions de financement qui deviennent dissuasives, pour les investisseurs privés comme pour la puissance publique lorsqu’elle veut procéder à des investissements publics sur les territoires – n’oublions pas que les collectivités locales sont à l’origine de 75 % de l’investissement public en France, vous l’avez rappelé cet après-midi, monsieur Laurent. Par conséquent, si la dégradation des comptes publics conduit, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays européens, à une augmentation des taux d’intérêt, les fameux spreads qui minent la croissance en Espagne et en Italie, nous ne pourrons pas créer les conditions de la croissance. Les taux d’intérêt élevés viendront en effet dissuader les investisseurs de procéder aux investissements durables, structurants ou d’innovation dans les entreprises dont l’Europe a besoin pour créer les conditions d’une dynamique économique durable.
Pour autant, il n’y aura pas de rétablissement des comptes publics sans croissance : compte tenu de l’ampleur des dettes et des déficits, si nous ne créons pas les conditions d’une reprise de l’activité économique, le rétablissement des comptes publics condamnera les peuples à l’austérité à perte de vue, ce que nous ne voulons pas.
Notre objectif est donc d’aboutir à la fois à la croissance et au rétablissement des comptes publics.
Nous allons intégrer dans la loi organique, au terme de l’introduction du traité en droit français, des règles de prudence budgétaire, de rétablissement de l’équilibre des comptes publics. Celles-ci témoigneront de la volonté du gouvernement français de s’engager dans le respect des règles budgétaires qui s’imposeront à l’ensemble des États membres de l’Union européenne. C’est la condition du maintien de la monnaie unique. En effet, comme l’ont dit de nombreux orateurs de toutes tendances politiques, le maintien de la monnaie unique n’est possible que par la convergence, à terme, des politiques économiques et budgétaires.
La loi de finances pluriannuelle ainsi que la loi de finances transcriront, dans les documents budgétaires, notre ambition. Le rétablissement de ces comptes sera réalisé par un effort d’économies de 10 milliards d’euros. Il sera fait appel à la contribution des plus riches des contribuables français à hauteur de 10 milliards d’euros. Il sera fait également appel à la contribution des entreprises. Toutes les entreprises ne seront pas concernées : il s’agira des entreprises qui ont été épargnées au cours des dernières années, notamment les grandes entreprises qui ont une situation confortable, qui, par l’effet de niches fiscales ou de dispositifs fiscaux, se sont trouvées exonérées du paiement de l’impôt sur les sociétés, alors que de petites sociétés qui innovaient étaient taxées dans des conditions qui étaient de nature à obérer leur capacité d’innovation et, par conséquent, de croissance.
C’est donc cet équilibre que nous voulons atteindre en essayant de faire en sorte qu’il y ait à la fois la croissance et le rétablissement des comptes publics.
Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c’est l’importance des initiatives en faveur de la croissance pour que le système fonctionne. Celles-ci relèvent de l’échelon européen, je les rappelle pour mémoire : le pacte de croissance, les perspectives budgétaires de l’Union européenne pour la période 2014-2020 – perspectives budgétaires pour lesquelles nous n’aurons pas le même positionnement, en termes de volume budgétaire consacré par la France au budget de l’Union européenne, que le précédent gouvernement.
Nous souhaitons par ailleurs que la taxe sur les transactions financières adoptée en coopération renforcée, qui va pouvoir faire l’objet d’une saisine de la Commission par onze États membres, puisse servir de ressource propre au budget de l’Union européenne, de telle sorte que celui-ci, essentiellement alimenté par la contribution « RNB », bénéficie du dynamisme d’une ressource propre.