Jacques Delors affirmait avec justesse que « la crédibilité de l’Union européenne reste liée à la réussite de l’union économique et monétaire ». C’est le cœur de notre discussion.
Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance renforce l’union monétaire, sans pour autant réaliser encore l’union économique tant souhaitée. Le pacte de 1997 a révélé ses lacunes et ses limites ; le traité budgétaire vient renforcer les différentes mesures adoptées depuis lors.
La crise des dettes souveraines, en l’absence d’une gouvernance de la zone euro digne de ce nom, a révélé l’ampleur des faiblesses de l’union économique et monétaire ainsi que l’étendue des dégâts déficitaires nationaux. Elle est aussi à l’origine d’une crise existentielle de l’Union et d’une crise de confiance des citoyens.
L’Union perd de sa force et de sa cohésion. L’Union s’essouffle, l’Union chancelle, l’Union trébuche. Mais cette idée, à l’origine utopique, peut et doit se concrétiser. Cette union généreuse et accueillante ne mérite pas de se démembrer, car les pays qui la constituent, et le nôtre en particulier, partiraient à la dérive.
La gouvernance doit mettre fin à ces « sommets de la dernière chance » qui menaçaient de délitement ou permettaient la survie de l’Union et qui, le plus souvent, se révélaient inachevés, mais permettaient aux chefs d’État ou de gouvernement de brandir des trophées à seule vocation de politique intérieure.
L’Europe évolue aujourd’hui parmi de nouveaux acteurs internationaux avides de conquérir, dans le grand jeu mondial, la place qu’ils estiment devoir leur revenir de par leur poids démographique, leur puissance économique et leur dynamisme.
Ne soyons pas hésitants, affirmons notre confiance en l’Europe, cette organisation qui, selon les mots de Robert Schuman, « dépasse la nation non pour la diminuer et l’absorber, mais pour lui conférer un champ d’action plus large et plus élevé ».
Ce n’est que par elle que nous pourrons encore peser sur la scène internationale. Imaginons le poids de la France si elle restait en marge de la construction européenne, dont elle a toujours été une inspiratrice et une actrice majeure !
Les conséquences de la non-ratification de ce traité ont été dressées de façon quasi apocalyptique, mais réaliste, par Mme le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et par le ministre des affaires étrangères. La perte de confiance et de crédibilité, la fragilisation de notre pays, l’effondrement de notre notation auraient une incidence très forte sur les taux d’intérêts, donc sur les déficits, et provoqueraient une spéculation contre notre pays dont nous ne pourrions nous défendre sans les mécanismes de solidarité européenne.
On n’est pas souverain quand on a 90 % de dette publique, équivalant à sept à huit ans de recettes fiscales.
On n’est pas non plus souverain lorsque plus de 65 % de sa dette sont détenus par des créanciers étrangers.
Dès lors, le fait que la Commission juge les budgets nationaux, loin de consacrer un abandon de souveraineté, est au contraire un moyen de convergence des politiques budgétaires, de renforcement des finances de chaque pays, et donc de leur indépendance.
Rappelons-nous ce qui s’est passé en Europe ces douze derniers mois. Alors que les marchés financiers étaient pris dans une tourmente alimentée par le jeu dangereux des dégradations des notes souveraines des États membres, la confiance a été rétablie, à la fois grâce aux engagements pris par les États et à l’action quotidienne des institutions les plus fédérales de l’Union : la Banque centrale européenne et la Commission.
Beaucoup d’espoirs restent fondés sur l’Europe, en dépit de l’éloignement toujours trop grand des citoyens de cet idéal que nous défendons. La seule voie possible pour sortir de la crise, ce n’est pas le retour à une conception passéiste, et donc dépassée, de la souveraineté nationale. Il n’y aura pas de sortie de crise sans une redéfinition fédérale de la souveraineté nationale !
Moody’s attribue la note maximale au Mécanisme européen de stabilité. C’est un signe très important.
La Chancelière allemande et le président de la Commission se sont prononcés eux-mêmes, ces dernières semaines, en faveur d’une initiative fédérale ferme. La Commission européenne a appelé, en mai dernier, à une meilleure intégration des politiques de l’emploi au sein du marché unique, comme en écho aux appels lancés par David Cameron et Mario Monti.
Il y a une issue politique à cette crise, c’est le fédéralisme d’États-nations. Un vrai travail d’information et de pédagogie doit être réalisé en ce sens auprès de nos concitoyens. Nous devons, car c’est votre responsabilité comme la nôtre, monsieur le ministre délégué, restaurer le lien de confiance entre le citoyen et l’Europe, ce lien qui a été rompu le 29 mai 2005.
Le cap est tracé, ce traité est une étape.
La grande majorité des orateurs s’accordent à dire que ce traité fait preuve de sérieux budgétaire et de solidarité, et qu’il innove peu. Le Conseil constitutionnel a statué : il ne porte pas atteinte à la souveraineté nationale.
Certes, ce traité n’est peut-être pas idéal. Que stipule-t-il ?
Il met en œuvre une discipline budgétaire renforcée pour réduire l’accroissement des déficits, tout cela sous la surveillance de la Commission européenne et sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union.
L’article 3 énonce la fameuse « règle d’or », objet, hier, des fantasmes les plus délirants, revendiquant le meilleur comme accusée du pire. Elle sera inscrite demain dans notre droit positif, au niveau organique.
Sommes-nous suffisamment responsables, vertueux et courageux pour réduire seuls nos déficits ? L’état de nos finances publiques et leur évolution depuis plus de trente ans prouvent le contraire. Les programmes nationaux, non contraignants, présentés à la Commission n’étaient pas toujours sincères non plus.
Le président Arthuis a dénoncé un « pacte de menteurs et de tricheurs ». Les termes peuvent paraître outranciers, ils sont hélas ! justes ; mais ce n’est que de la connivence entre dirigeants trop heureux de ne pas avoir à annoncer à leurs concitoyens la réalité des problèmes. Est-ce là une posture que nous pouvons accepter et perpétuer ? Non !
Faisons enfin preuve de responsabilité et de courage ! Enfants gâtés et insouciants de l’Europe, nous devons être lucides et prendre exemple aujourd’hui sur nos voisins italiens et espagnols, qui mettent en œuvre des réformes douloureuses mais indispensables. Ils sont en voie de guérison, alors que nous n’acceptons pas le diagnostic de notre mal profond, généré par notre manque de courage.
Ce traité ne résoudra donc pas tous nos problèmes, mais il nous incitera fortement, sinon nous contraindra, à nous soigner de notre addiction à la dépense publique.
Monsieur le ministre délégué, vous avez dit à juste titre qu’il ne fallait jamais renoncer aux combats à mener. La supervision des banques par la BCE, le rassemblement des États membres sur des positions communes, la création d’une taxe carbone, la mise en œuvre d’échanges justes, une harmonisation sociale et fiscale, et la liste n’est pas exhaustive, sont autant de combats sur lesquels vous aurez notre soutien, car le souci de l’intérêt de la France doit dépasser les médiocres querelles politiciennes.