Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 1er décembre 2010 à 22h30
Loi de finances pour 2011 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

C’est pourquoi nous sommes toujours inquiets quant aux perspectives de dévolution du patrimoine immobilier, qui sont importantes cette année. L’État joue-t-il son rôle d’accompagnateur en la matière, notamment en ce qui concerne la capacité des établissements à assurer la maîtrise d’ouvrage, point faible des universités candidates ? Où en sommes-nous dans la définition des schémas directeurs immobiliers ?

Il faut en effet conditionner la dévolution à la promotion d’une véritable vision stratégique, indissociable de l’exercice des politiques scientifiques et pédagogiques. Il ne suffit pas de disposer d’un patrimoine immobilier pour créer des campus reconnus internationalement.

Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui encouragent les établissements à mutualiser et à gérer les écoles doctorales en commun, vont dans le bon sens, mais ils donnent lieu pour l’instant à deux dérives : leur nombre ne réduit pas la dispersion de la carte universitaire et aucune ambition scientifique et pédagogique ne semble présider à leur apparition. La Cour des comptes et l’IGAENR ont récemment souligné ces carences, en particulier les insuffisances en matière de valorisation de la recherche.

La mise en œuvre du dispositif licence, master, doctorat, ou LMD, requiert aussi des moyens qui soient à la hauteur des ambitions. Or ces moyens ne sont pas au rendez-vous !

La première ambition est de réussir enfin la massification et la démocratisation de l’enseignement supérieur. Comment y parvenir quand la dépense par étudiant est inférieure en France à ce qu’elle est dans de nombreux autres pays occidentaux ? Certes, l’OCDE reconnaît que cette dépense a progressé en France de 12 % entre 2000 et 2007, mais malgré cela notre pays se situe juste au-dessus de la moyenne de l’OCDE, soit environ 12 700 dollars par étudiant, contre 27 000 dollars aux États-Unis et 21 000 dollars en Suisse.

Quant au taux d’échec massif à l’issue de la première année universitaire – il oscille entre 40 % et 50 % –, il est la marque d’une spécificité française, toujours selon l’OCDE : une proportion considérable d’étudiants abandonnent leurs études longues pour être réorientés avec succès vers un enseignement plus court, de type STS – sections de techniciens supérieurs – ou IUT.

Des taux d’abandon aussi élevés sont le signe que le système éducatif ne répond pas de façon adéquate aux besoins de ses bénéficiaires. Dès lors, on a du mal à comprendre la stagnation des crédits du plan pour la réussite en licence et, de manière générale, des crédits destinés au dispositif LMD, dont la progression ne dépasse pas 1, 8 %.

Enfin, il importe de sanctuariser la politique d’aide aux étudiants et à leurs familles, s’agissant du logement et de la fiscalité, ainsi que du dixième mois de bourse. Vos annonces en ce sens sont contradictoires à plus d’un titre. Vous donnez d’une main ce que vous retirez de l’autre ! Faut-il le rappeler, les loyers ont doublé dans le secteur privé depuis 1994 et l’APL, l’aide personnalisée au logement, comprise entre 150 euros et 250 euros par mois, est souvent la seule allocation perçue par les étudiants.

Quant au dixième mois de bourse, comptez-vous agir pour l’année scolaire 2011-2012 comme pour celle de 2010-2011, c’est-à-dire en procédant à un ajustement en cours d’exécution budgétaire ? La question est importante.

À mes yeux, le système actuel des aides directes – les bourses – et indirectes comporte trop d’injustices. Il semble désormais indispensable de poser la question sensible de l’augmentation des droits d’inscription, qui ne devront en aucun cas servir à pallier l’insuffisance des crédits de l’État.

Si l’État doit s’efforcer d’inciter les universités à développer une bonne formation générale et professionnelle des étudiants, soutenue par une bonne orientation, il doit aussi s’assurer qu’elles stimulent et garantissent une recherche fondamentale de qualité et une recherche appliquée de pointe, à même de rayonner sur l’économie et de favoriser la création d’entreprises innovantes.

C’est un travail de longue durée, exigeant toujours plus de moyens, mais il faut le mener à bien si l’on veut parvenir un jour à atteindre l’objectif de la stratégie de Lisbonne. L’effort du Gouvernement est insuffisant pour réaliser une telle ambition.

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