Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 1er décembre 2010 à 22h30
Loi de finances pour 2011 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les enquêtes publiques et les rapports parlementaires ou administratifs confirment tous que le crédit d’impôt recherche est un dispositif efficace et vertueux.

Ainsi, l’Inspection générale des finances, dans un rapport réalisé en juillet 2010, souligne la pertinence du crédit d’impôt recherche et en préconise la stabilité au moins jusqu’en 2013, car à cette date une évaluation économétrique portant sur plusieurs années consécutives permettra de valider définitivement son efficacité.

Les excellents rapporteurs spéciaux Philippe Adnot et Philippe Dominati eux-mêmes ont qualifié le crédit d’impôt recherche d’outil fiscal précieux à conforter dans le temps. Ils indiquent dans leur rapport que son économie générale ne doit pas être modifiée.

Je voudrais pouvoir m’en tenir là, mais je sens malheureusement la nécessité de souligner deux évidences : d’abord, le dispositif du crédit d’impôt recherche a fait la preuve de son efficacité ; ensuite, les aides à la recherche et au développement doivent être stables et s’inscrire dans la durée pour être efficaces.

S’agissant de l’efficacité du dispositif, j’en suis tellement convaincue que j’ai l’impression d’enfoncer des portes ouvertes en rappelant notamment que le crédit d'impôt recherche est une aide simple, ne nécessitant pas de démarches longues et complexes ni de négociations interminables. Il est devenu, pour les start-up, un levier essentiel pour transformer la haute technologie en main-d’œuvre et en chiffre d’affaires, notamment dans les secteurs des biotechnologies et des nanotechnologies.

L’apport du crédit d'impôt recherche dans l’évolution de l’emploi qualifié est indéniable. Il se traduit par l’embauche de jeunes docteurs, permettant à ces derniers de valoriser leur formation supérieure. Ce dispositif engendre des économies indirectes, par une réduction du chômage, et des gains indirects, en termes de cotisations de sécurité sociale ou pour la retraite, d’impôt sur les sociétés, etc.

Le crédit d'impôt recherche permet de retenir nos élites. Il encourage en outre les collaborations de recherche et amorce un cercle vertueux. C’est un facteur clé de succès pour l’innovation.

Le crédit d'impôt recherche accélère les partenariats public-privé et la sous-traitance au bénéfice des PME. Il attire les entreprises internationales ; à cet égard, quarante nouveaux centres de recherche se sont implantés en France en 2009.

Ce dispositif constitue vraiment le catalyseur de la confiance entre tous les partenaires publics et privés de l’innovation. Il est un véritable instrument de politique économique.

Que l’on me permette de citer quelques chiffres clés : 12 949 entreprises ont bénéficié du crédit d’impôt recherche au titre de 2008, dont 8 000 PME indépendantes ; les quarante nouveaux centres de recherche créés en 2009 que je viens de mentionner ont généré 2 115 emplois nouveaux, selon les chiffres indiqués par Mme Lagarde ; les secteurs industriels sont les bénéficiaires du dispositif, à concurrence de près des deux tiers de la dépense fiscale ; les dépenses relatives à la coopération avec la recherche publique prises en compte dans l’assiette du crédit d'impôt recherche ont augmenté de près de 20 % et celles qui sont liées à l’embauche de jeunes docteurs ont plus que doublé ; le crédit d'impôt recherche pourrait engendrer une hausse du PIB de 0, 3 point, c’est-à-dire que, pour un euro de dépense fiscale, le PIB augmenterait d’au moins deux euros au bout de quinze ans.

J’en viens maintenant à la nécessaire stabilité du dispositif : il y va de l’efficacité même du crédit d’impôt recherche, qui ne peut en effet stimuler la dépense de recherche et développement des entreprises, programmée à moyen et long termes, que s’il est perçu comme suffisamment stable.

Parce qu’il facilite la budgétisation pluriannuelle des projets de recherche, le crédit d'impôt recherche est devenu, au sein même des directions de recherche et des laboratoires, un véritable instrument stratégique de gestion.

En modifiant sensiblement les règles, le législateur décourage les investisseurs et détruit leur confiance dans les dispositifs de l’État. Amputer le crédit d’impôt recherche, ce serait renoncer à faire de la France une terre d’accueil de l’innovation.

D’une manière pragmatique, il faut bien comprendre que les budgets des entreprises sont établis au mois d’octobre pour l’année suivante. Ainsi, les budgets pour l’année 2010 ont été validés en octobre 2009, et ils incluent forcément les avantages fiscaux utilisés pour investir dans de nouvelles forces productives, avec notamment la perspective de bénéficier du crédit d'impôt recherche au premier trimestre de l’année suivante. Modifier le système, c’est donc faire peser un risque de trésorerie sur les entreprises, dans un contexte de crise toujours prégnant.

Par conséquent, le maintien en l’état du crédit d'impôt recherche est une nécessité qui doit faire loi pour au moins toute la durée de la législature. C’est une question stratégique : l’effet de levier qu’il permet est considérable pour la croissance de demain. Ce dispositif n’est pas une niche fiscale, je l’affirme, c’est un investissement collectif en faveur de l’avenir de la croissance et de l’emploi dans notre pays. Il ne doit pas y avoir de coup de rabot aveugle et systématique : la recherche n’est pas une dépense comme les autres, elle est la promesse de recettes à venir. Les pouvoirs publics ne doivent pas donner l’impression d’hésiter ou de regretter d’avoir fait un tel choix stratégique.

Enfin, madame, monsieur les ministres, je voudrais appeler votre attention sur la nécessité d’une plus grande formalisation des méthodes de contrôle mises en œuvre par les experts du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. En effet, lorsqu’ils interviennent sur saisine de l’administration fiscale dans le cadre d’une vérification au titre du crédit d’impôt recherche, on observe aujourd’hui un certain nombre de disparités dans les pratiques et une application imparfaite du principe du contradictoire. Par conséquent, je souhaiterais que vous nous indiquiez quelles mesures vous entendez prendre pour remédier à cette situation.

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