Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 1er décembre 2010 à 22h30
Loi de finances pour 2011 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Madame la ministre, comme chaque année, vous nous parlez avec virtuosité d’un « effort exceptionnel ». Pas d’application de la RGPP, dites-vous. Fort bien, mais la baisse des moyens des organismes rogne les possibilités de postes.

Comme chaque année, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis ont travaillé à la loupe, mais ils n’ont pas fait toute la lumière sur quelques points obscurs.

Comme chaque année, vous avez recours à un subterfuge. Aujourd'hui, les revenus des intérêts du capital du grand emprunt servent de prétexte à la réduction des moyens de l’ANR ; hier, c’était le milliard d’euros du Grenelle de l’environnement. Le rapporteur pour avis de la commission de la culture Jean-Léonce Dupont se contente habilement de vous citer, madame la ministre : « S’agissant du milliard d’euros promis à l’occasion du Grenelle de l’environnement, la ministre a précisé à votre commission qu’il “est plus que dépensé, dépassé, puisque nous y serons dès 2011. Les organismes ont réorienté leur programmation vers les priorités du Grenelle”. » Ce fut donc une « grenellisation » des dépenses, et pas du tout pas 1 milliard d'euros supplémentaire.

Pas moins de 40 % de ce que vous appelez l’« effort budgétaire » est englouti dans le crédit d’impôt recherche, soit 3, 5 milliards d'euros de plus pour cette niche fiscale ! Est-ce là le rôle de votre ministère ? Le crédit d’impôt recherche est une aide aux entreprises, un mécanisme de renforcement de l’attractivité, mais, dans ces proportions, cela devient un renoncement de la sphère publique à faire des choix stratégiques. Alors que nos chercheurs sont sommés de justifier le moindre centime dépensé pour avoir le droit de poursuivre leurs travaux, abus et effets d’aubaine que pointait la Cour des comptes vont revenir.

Je tiens à saluer l’axe « développement durable » du grand emprunt, même si le concept recouvre trop de projets. Cependant, la priorité donnée à la seule valorisation scientifique à court terme et à la production de bénéfices empêche une véritable vision d’avenir. La société ne pourra se satisfaire de la consommation de sommes astronomiques qui n’enrichit que certains et ne permet d’anticiper les crises que par un « toilettage » des technologies d’hier.

Madame la ministre, je tiens également à vous faire part de mon inquiétude concernant la restructuration de la diffusion de la culture scientifique. Même la commission des finances se dit « perplexe sur les modalités de mise en œuvre de cette réorganisation ». Vous savez que le Palais de la découverte a des besoins importants et qu’Universcience ne dispose pas du personnel permettant d’instruire les demandes de subventions. Quant aux collectivités, autres financeurs importants de la culture scientifique, elles ont été mises au pain sec.

La délégation de moyens, revue à la baisse, qui interviendra risque de faire de nombreuses victimes dans les régions. Je suis convaincue qu’un opérateur comme Universcience peut difficilement, en temps de pénurie, être une bonne agence de moyens pour les centres de culture scientifique, technique et industrielle, les CCSTI, sauf à vouloir faire peser sur lui le courroux des autres opérateurs.

Le développement de l’intéressement et des primes au mérite constitue un autre point important. Outre le problème de fond, je pense que la compétition peut décourager les coopérations. Nous devons faire face à un effet imprévu, discriminatoire pour les femmes. Ces primes ne concernent que la recherche et il n’est effectivement pas opportun de les appliquer à l’enseignement, mais les femmes étant moins présentes dans la recherche que dans l’enseignement, elles se trouvent défavorisées. À l’université de Lille, sur quatre-vingt-seize primes d’excellence, cinq seulement sont allées à des femmes. Madame la ministre, il faudrait veiller à ne pas pénaliser les carrières des femmes universitaires.

Enfin, je tiens à rappeler l’importance de l’expertise, qui doit être mieux soutenue et revue. Les instances publiques, comme les citoyens, doivent pouvoir faire appel à des chercheurs compétents, mais aussi indépendants. Nous en sommes encore très loin, malgré les dispositions votées lors du Grenelle de la recherche, et, contrairement à ce que vous avez répondu à M. de Rugy le 22 juin 2010, il n’y a pas de statut juridique du lanceur d’alerte.

Pour les écologistes, la recherche doit produire de la connaissance. Elle doit s’appuyer sur un secteur public solide, disposant de personnels possédant des contrats stables et doté d’un financement pérenne. Les demandes, les observations, les alertes, les besoins non marchands de la société civile doivent trouver une réponse.

Quant aux efforts du privé, ils sont bienvenus, seuls ou en partenariat, autonomes ou soutenus, mais ils ne sauraient devenir un prétexte inconditionnel de consommation de l’argent public !

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