Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 1er décembre 2010 à 22h30
Loi de finances pour 2011 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, la mission « Enseignement supérieur et recherche » verra, en 2011, ses crédits de paiement progresser de plus de 25 milliards d’euros, soit une hausse de 431 millions d’euros par rapport à 2010.

Si l’on admet une augmentation hors inflation de 1, 7 %, l’évolution des crédits est bien inférieure au montant défini par la programmation budgétaire pluriannuelle, qui prévoyait des hausses successives de 3 % en 2010 et de 3, 6 % en 2011.

Madame la ministre, je profiterai de ce débat budgétaire pour insister sur l’avenir de l’immobilier des universités, nerf de la guerre de l’autonomie que vous avez voulu mettre en place et élément essentiel pour l’avenir de l’enseignement supérieur en France. Avec 1, 204 milliard d’euros en 2011, l’immobilier enregistre une baisse de crédits de 12, 2 % en euros courants.

Madame la ministre, alors que vous venez d’annoncer une dévolution du patrimoine à cinq universités, alors que le Parlement est en train de discuter, au pas de charge, d’une proposition de loi visant à accélérer le transfert des biens immobiliers de l’État, les crédits que vous consacrez au patrimoine universitaire sont en net recul, affichant une baisse de 166, 3 millions d’euros pour la sécurité et la maintenance des bâtiments.

De nombreux interlocuteurs ont pourtant souligné la nécessité que l’autonomie s’accompagne d’une aide importante pour réhabiliter les bâtiments. C’est le cas, par exemple, de la Cour des comptes, qui pose comme condition préalable à la dévolution immobilière la remise à niveau du patrimoine avant transfert ! La Cour réclame « un pilotage central » par le ministère et « des moyens d’expertise à la hauteur des enjeux ». Rien de tout cela ne nous a été proposé jusqu’à maintenant.

Le plan Universités du troisième millénaire, U3M, n’a pas été honoré. L’État n’a pas tenu les engagements qu’il avait pris dans les contrats de plan État-régions pour la période 2000-2006, qui prévoyaient 40 milliards d’euros sur la période pour tous les partenaires. Seuls 17, 6 milliards d’euros ont été versés au titre des lois de finances de 2000 à 2006. Et encore ce chiffre doit-il être revu à la baisse en raison des annulations de crédits en 2002 et 2003.

Ce manque de crédits ne date certes pas d’hier. L’immobilier universitaire a très longtemps pâti du non-respect des engagements de l’État. Toujours est-il que, aujourd’hui, la situation est grave puisque 35 % du patrimoine universitaire est considéré comme vétuste.

Cette nécessité de financement était également l’une des conclusions du rapport de MM. Dupont et Adnot sur l’autonomie immobilière des universités.

Pour pallier la carence publique, et conformément à la loi du 7 août 2007, le Gouvernement a lancé, en janvier 2008, le plan Campus à hauteur de 5 milliards d’euros, financés par les recettes sur les cessions des titres d’EDF pour 3, 7 milliards d’euros et par des partenariats public-privé. En 2010, 421 millions d’euros seront versés au titre de ces partenariats. Pour 2011, nous devrions nous situer autour de 250 millions d’euros.

Comme je l’avais dénoncé lors de l’examen de la proposition de loi relative à la dévolution du patrimoine de l’État aux universités, ces partenariats ne semblent pas sans conséquences à terme sur l’université française. Il s’agit non de caricaturer, mais bien de s’interroger sur la réalité de la situation. Ces contrats de partenariat, qui impliquent certains grands groupes de BTP, ressemblent fort à une privatisation rampante du patrimoine immobilier universitaire.

Par ailleurs, la mise en place de pôles universitaires d’excellence ne peut pas se faire au détriment des autres universités Cela pose la question des inégalités entre les universités, donc entre les territoires. Ajoutées à des partenariats public-privé qui iront forcément vers les universités les plus attractives, pour ne pas dire les plus rentables, et à un budget de l’État qui ne permet pas de contrebalancer le déséquilibre de ce plan, les inégalités ne pourront qu’être plus fortes.

Ce déséquilibre est d’autant plus prégnant pour les petites structures, IUT ou universités, implantées sur des territoires ruraux. Ce manque de financements de la part de l’État risque de remettre en cause la démocratisation de l’université et la politique d’aménagement du territoire de notre pays.

Permettez-moi de m’arrêter un instant sur la question de la démocratisation de l’université. En France, l’enseignement supérieur est de qualité. Sa diversité permet à des étudiants de plus en plus nombreux d’acquérir une formation professionnelle universitaire. Les IUT, les BTS sont des diplômes importants qui ouvrent sur des débouchés professionnels et qui sont essentiels au dynamisme et à l’attractivité de nombreux territoires.

Or, aujourd’hui, le risque est grand de voir les collectivités territoriales contraintes de soutenir financièrement les établissements universitaires. C’est déjà le cas dans certains départements. Si une collectivité veut qu’un nouvel établissement soit implanté sur son territoire, elle doit s’engager à financer une partie de ses dépenses d’investissement, mais aussi de fonctionnement. C’est ce qui s’est passé lors de l’installation d’un département de génie civil à l’IUT de Morlaix.

Le présent projet de budget, en ne donnant pas aux universités les moyens qu’elles attendent pour réaliser les travaux de réfection de leurs bâtiments, ne fera qu’accélérer le processus de sélection entre les territoires, selon que les collectivités locales auront, ou non, les moyens financiers d’attirer des étudiants.

Accompagnée par un projet de budget en berne, la logique du partenariat public-privé me semble être une machine à broyer les plus faibles. Nous sommes face à la mise en place d’une université française à plusieurs vitesses.

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