Intervention de Jacqueline Gourault

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 octobre 2012 : 1ère réunion
Simplification des normes applicables aux collectivités locales — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault, rapporteur :

La motion de renvoi en commission adoptée le 15 février dernier a été l'occasion d'approfondir le texte de M. Doligé et de procéder à de nouvelles auditions, pour répondre aux mieux à ses préoccupations. Le texte ayant fait l'objet d'une attention particulière, notamment au cours des États généraux de la démocratie territoriale, je me bornerai à de brefs commentaires.

La démarche de simplification des normes est une nécessité absolue. Elle doit toutefois se faire avec prudence, pour des raisons de sécurité juridique. Certains dispositifs de simplification contenus dans la proposition de loi présentent en effet des risques ou des lacunes qui auraient des conséquences importantes si l'on n'y remédiait pas.

L'article 1er propose d'adapter les normes à la taille des collectivités. A cette fin, le préfet dispose de la faculté d'adapter les mesures réglementaires d'application des lois, soit que leur mise en oeuvre se heurte à des impossibilités techniques avérées, soit qu'elle entraîne des conséquences manifestement disproportionnées au regard des objectifs recherchés et des capacités financières des collectivités territoriales. L'intervention du préfet est encadrée. Ce même article identifie trois secteurs pour mettre en oeuvre ce principe : l'accessibilité des établissements recevant du public, la restauration collective et l'agrément des assistants maternels et familiaux. Je vous suggèrerai d'insérer, au sein des principes généraux de la décentralisation, un tempérament à l'article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Nous reviendrons sur ce principe général d'adaptation, sous conditions, des normes législatives et réglementaires, mis en oeuvre par le pouvoir prescripteur.

La proposition de loi invite à renforcer les structures destinées à contrôler les normes et leurs poids dans l'activité des collectivités. L'article 2 élargit la composition et les compétences de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN). Elle comprendrait, en plus des membres actuels, des personnalités qualifiées, qui ne disposeraient pas d'une voix délibérative. Quant à ses missions, la commission serait chargée d'établir, chaque année, un rapport recensant l'ensemble des évolutions législatives et réglementaires s'appliquant aux collectivités territoriales dans un domaine particulier, au cours des cinq dernières années. Il serait ensuite transmis au Parlement et au Gouvernement, ce dernier disposant d'un délai de six mois pour faire connaître les préconisations qu'il souhaite reprendre. Il nous faudra examiner une disposition qui n'est pas sans évoquer une injonction... Ce rapport élargirait la compétence de la CCEN au stock de normes - 400 000 selon l'Association des Maires de France ! Enfin, les règlements des fédérations sportives lui seraient soumis pour avis. Pour mémoire, ils sont déjà soumis à la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES), qui ne présente pas ses propositions à la CCEN. Ces dispositions soulèvent cependant un certain nombre d'observations que j'aborderai lors de la présentation de mes amendements. Je pense notamment qu'il faut renforcer la CERFRES, ce dont l'audition de M. de Saint-Pulgent m'a convaincue.

La proposition de loi créerait des commissions consultatives départementales d'application des normes. Il s'agirait d'une déclinaison locale de la CCEN, présidée par le représentant de l'Etat, composée de deux maires honoraires et de deux personnalités qualifiées choisies en fonction de leur expérience professionnelle. L'article 4 crée en outre la commission consultative des études locales. Cette nouvelle formation restreinte du comité des finances locales favoriserait la mise en place d'une base de données partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales, l'absence de connaissances partagées étant souvent considérée comme responsable de l'inflation normative. On peut s'interroger sur l'opportunité de créer de nouvelles structures quand il est difficile de participer à toutes celles qui existent déjà au niveau local.

La proposition de loi prévoit également des dispositions d'importance inégale, destinées à simplifier le fonctionnement des collectivités territoriales. Les articles 5 et 6 déterminent les conditions de dématérialisation du recueil de leurs actes administratifs et de la publication de ceux-ci. L'article 14 assouplit les règles de fonctionnement des commissions d'ouverture des plis en modifiant les règles de quorum. Les articles 8, 10 et 11 procèdent à de nouveaux élargissements du champ de la délégation de pouvoir du conseil municipal au maire. Nous devons veiller à tempérer les contraintes tout en préservant le libre accès aux actes administratifs.

L'article 18 a pour objectif de rationaliser les moyens des collectivités, notamment en rendant facultative la création des centres communaux d'action sociale (CCAS) : d'une part, beaucoup de ces structures sont des coquilles vides ; d'autre part, beaucoup de communes, surtout les plus petites, n'en créent pas. Il convient peut-être de fixer un seuil. Je vous inviterai également à clarifier la répartition des compétences entre CCAS, centre intercommunaux d'action sociale (CIAS), communes et intercommunalités, ainsi que les conditions de transfert des compétences et leur répartition entre structures communales et intercommunales.

En matière d'urbanisme, les articles 19 à 26 soulèvent plusieurs observations, parfois d'ordre constitutionnel. L'article 20, qui crée les secteurs de projets, n'est pas assorti de solides garanties. En effet, que penser de la possibilité pour les préfets d'accorder des dérogations aux règles fixées « lorsque les caractéristiques de l'opération projetée le nécessitent » ? La formulation est imprécise. En outre, cela incombe-t-il au représentant de l'Etat ? L'article 24 soulève d'autres difficultés : il autorise les maires à signer des promesses de vente avant la délivrance du permis d'aménager un lotissement. Je suis très réservée, la pratique démontrant l'importance d'être bordé juridiquement en la matière. Réflexion identique pour l'article 23, qui rendrait caduc le cahier des charges d'un lotissement non publié au bureau des hypothèques dans les cinq ans. Je vous soumettrai un certain nombre d'amendements sur ces articles, dont M. Bourquin partage l'esprit.

Prévue à l'article 33, la fusion des consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et des centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST), remet en cause le principe de l'anonymat de plein droit lors de la prise en charge des patients.

Enfin, l'article 32 autorise toutes les collectivités, qu'elles soient ou non affiliées au centre de gestion, à organiser les concours sur titre dans les filières sociale, médico-sociale et médico-technique qui présentent des difficultés avérées de recrutement. On peut s'interroger sur l'utilité d'une telle disposition, dès lors que les départements, qui sont les principaux recruteurs, peuvent déjà organiser leurs propres concours. Cette disposition est en outre coûteuse pour les collectivités territoriales, notamment les plus petites.

Celles-ci attendent une réponse précise aux difficultés nombreuses qui entravent et alourdissent leur fonctionnement. Les administrés espèrent un service efficace et adapté. Plusieurs dispositions de cette proposition de loi méritent par conséquent d'être amendées dans le respect de la sécurité juridique. Il ne faut pas décevoir les attentes des élus, soulignées par les États généraux : le président de la République n'a-t-il pas largement abordé la question des normes ?

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