Intervention de Guillaume Pepy

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 10 octobre 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Guillaume Pepy président de la sncf

Guillaume Pepy, président de la SNCF :

Je suis très honoré de cette audition devant votre commission. Je concentrerai mon propos sur quelques points. En premier lieu, il faut noter que, dans une conjoncture difficile, la SNCF se porte plutôt bien. La fréquentation des trains est en hausse, de 2 à 3 % pour les TGV, de 7 % pour les TER - le renchérissement des carburants rabat les voyageurs vers les transports collectifs - et 5 à 7 % pour les transports urbains. Je salue les efforts considérables des élus pour améliorer les TER : nouveaux trains, rénovation de voies, des gares, instauration de tarifs sociaux, etc. Aucun doute, ce sont les transports de proximité qui font la vitalité de la SNCF.

En revanche, le retour de la crise a de fortes conséquences sur le trafic de marchandises. Notre situation est analogue à celle de la CMA-CGM ou d'Air France Cargo : le volume de marchandises transportées dans le monde est en baisse de 5 %. La situation des entreprises de logistique devient plus difficile et requiert des efforts d'adaptation.

La stratégie de la SNCF est d'être aussi exemplaire que possible en période de crise. Notre objectif est d'aider les Français à voyager moins cher afin de préserver leur mobilité : des cartes tarifaires, des tarifs sociaux, les billets Prem's, des TGV économiques, ont été mis en place.

Nous serons exemplaires également en matière d'emplois : j'ai annoncé qu'il n'y aurait pas de suppressions de postes en 2012, pour la première fois en dix ans, tandis que nous recruterons 500 emplois d'avenir. Nous profiterons de notre bonne santé économique pour développer l'apprentissage, l'emploi dans les zones urbaines sensibles, l'emploi en alternance, l'embauche de personnes handicapées. Nous ferons notre devoir d'entreprise publique.

La qualité de service est une préoccupation constante et légitime de tous nos clients. Après un point bas en 2010 en raison de grèves, de travaux mal maîtrisés, de problèmes sur le réseau, la régularité s'améliore -de l'ordre d'un point de régularité- mais je ne me satisfais pas de la situation actuelle, nous n'avons pas atteint notre objectif . Sur au moins trois lignes sensibles: Paris-Clermont, Paris-Limoges-Brive-Toulouse, Paris-Amiens- Boulogne. L'ampleur des travaux rend l'exploitation ferroviaire fragile.

Nous souhaitons continuer à mettre l'accent sur la régularité, en particulier en Île-de-France, où elle est la moins bonne. Les cinq lignes de RER transportent 3 millions de voyageurs par jour ; or elles sont totalement saturées et la fréquentation continue d'augmenter de l'ordre de 4 à 5 % par an. Ces chiffres donnent la mesure de l'enjeu.

Sur le fret, nous prônons la création d'une fiscalité écologique susceptible de rétablir l'équité entre le rail et la route. Nous souhaitons également trouver un compromis avec la profession routière. Si, sur les courtes distances, le transport routier est souvent le plus pertinent du fait des doubles ruptures de charge, pour le fret longue distance, les autoroutes ferroviaires doivent être privilégiées, comme en Allemagne, en Autriche, en Suisse, pays plutôt libéraux mais où se manifeste une forte pression pour faire monter les camions sur les trains. Enfin, nous tiendrons l'Engagement national pour le fret ferroviaire, signé par Jean-Louis Borloo il y a quatre ans : il faut réserver des voies au fret, je songe au contournement de Lyon, à la liaison avec l'Espagne, ou encore à la liaison entre le Havre et la région parisienne. Ces orientations très lourdes à moyen terme ont reçu l'appui du ministre Frédéric Cuvillier.

L'aménagement du territoire est une priorité. La SNCF a un ADN ferroviaire, mais son ambition est d'offrir aux élus et à ses clients toutes les solutions de mobilité au meilleur prix. Nous investissons beaucoup pour améliorer la complémentarité entre les réseaux TGV et TER et les réseaux urbains, métros, tram-trains. Si le train est bien la « colonne vertébrale », nous investissons également dans les autres modes de transports, en particulier dans les territoires ruraux, y compris dans les formules de transport à la demande.

Nous soutenons les centrales de mobilité, qui valorisent la complémentarité des modes de transport plutôt que leur concurrence. L'objectif, c'est bien d'améliorer la couverture du territoire à un coût acceptable pour la collectivité. Les expériences menées avec les élus dans certaines régions s'avèrent prometteuses : nous parvenons à faire mieux avec moins !

Le dialogue avec les régions se poursuit. Avec l'Association des régions de France nous avons pris six engagements précis. Dès 2013, les comptes de ligne seront généralisés, afin que les élus puissent mieux mesurer le rapport coût-efficacité de chaque liaison dont leur collectivité est autorité organisatrice. De même, l'organisation de la SNCF évoluera dans le sens d'une plus grande décentralisation : les responsables régionaux disposeront de tous les leviers pour répondre à leurs clients. La SNCF, c'est l'armée plus la discipline », avait-on coutume de dire ; mais aujourd'hui il s'agit d'être plus proche du terrain, capable de tenir les engagements locaux.

Les trains Intercités, dits d'équilibre du territoire, ont été sauvés par le contrat de service public passé en 2010 avec l'État, à la suite notamment de nombreuses interventions d'élus. Il faut revoir la répartition du financement, qui est aujourd'hui assuré à hauteur de 15 %, soit 35 millions d'euros, par une contribution sur les péages autoroutiers, et, pour 85 % par une taxe sur les activités ferroviaires, dont le montant augmente avec les années. En outre, le matériel est en fin de vie. Le Gouvernement s'est emparé de ce dossier très lourd : il faut compter 2 à 3 milliards d'euros d'investissements sur dix ans, pour moderniser ces trains transversaux indispensables au service public, par exemple dans le grand Bassin parisien.

Autre sujet sur lequel la SNCF souhaite être exemplaire : la transition énergétique et écologique. Notre ambition est de baisser de 20 %, d'ici à 2025, notre consommation pour l'énergie de traction, et de doubler la part des énergies renouvelables, aujourd'hui à 12 %. Nous n'avons pas à rougir de notre compromis énergétique, puisque 55 % de notre énergie de traction provient du nucléaire, quand, en Allemagne, 45 % provient du charbon.

Un mot sur la dimension européenne. Il faut plus d'Europe pour construire l'Europe du rail. L'Union européenne doit être plus ambitieuse, pour avancer sur des sujets comme l'interopérabilité des matériels, les connexions des réseaux, l'harmonisation des procédures, la normalisation, la politique industrielle. Il est inconcevable de penser qu'il faut aujourd'hui recueillir 27 autorisations nationales pour lancer une locomotive produite selon les normes européennes ! Le 4e paquet doit viser une véritable interopérabilité des matériels roulants, faute de quoi il n'y aura pas de marché européen. Les corridors de fret, que la France a soutenus, se mettent en place. Mais nous devons encore avancer sur les interconnexions de réseaux.

La réforme ferroviaire a été confiée au ministre Frédéric Cuvillier, elle porte sur les aspects financiers, institutionnels, sociaux, de gouvernance. La réflexion a déjà été bien nourrie, en particulier par les Assises du ferroviaire organisées par Nathalie Kosciusko-Morizet et les États généraux du transport ferroviaire, sous la présidence de Jacques Auxiette. D'après mes informations, le ministre devrait pouvoir présenter à la concertation un premier document d'ici quelques semaines.

Pour nous, il y a trois objectifs. La qualité du service, d'abord, car le sujet numéro un, ce sont les trains de la vie quotidienne. La compétitivité du rail, ensuite - en quoi la réforme peut-elle faciliter des transferts modaux un coût raisonnable, pour faire plus de service public moins cher. Il y a aussi l'enjeu industriel. L'industrie ferroviaire française jouit d'une position très enviée de co-leader mondial, avec le Japon et l'Allemagne. Elle exporte matériels, ingénierie et services. La SNCF est ainsi la 17e entreprise de France, avant Michelin, L'Oréal ou Air France, avec un chiffre d'affaires de 34 milliards d'euros. La réforme doit tendre à conforter notre place, notamment dans les pays émergents où le train se développe.

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