Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 15 octobre 2012 à 14h30
Haute autorité de l'expertise scientifique — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi déposée par notre collègue Marie-Christine Blandin, qui vise à inscrire dans la loi la protection des « lanceurs d’alerte », l’assurance d’un suivi de cette alerte et le traitement honnête du message.

Nous avions été un certain nombre, lors des débats de la loi Grenelle 1, à soulever la question spécifique des lanceurs d’alerte, convaincus que nous sommes de son importance. Le ministère de l’époque avait simplement consenti à prévoir, à l’article 52 du texte, la remise d’un rapport au Parlement sur ce sujet. Aujourd’hui, le scandale du Mediator nous éclaire assez sur la capacité de firmes sans scrupules à nuire à ceux qui tentent d’alerter l’opinion publique !

Nous partageons donc les objectifs de cette proposition de loi, qui offre un cadre légal sécurisé à une pratique citoyenne et organise parallèlement la procédure d’instruction des alertes.

Cependant, sa rédaction initiale suscitait un certain nombre d’interrogations, auxquelles M. le rapporteur a tenté d’apporter des réponses en commission. Il a proposé notamment de redéfinir l’architecture globale de la procédure d’alerte, en précisant les rôles de chacun des acteurs, pour la rendre plus efficace et plus respectueuse de l’existant.

C’est pourquoi nous regrettons vivement que cette proposition de loi, ainsi amendée, n’ait finalement pas été adoptée par la commission. Les amendements déposés ont pour objet de repenser le rôle de la Haute Autorité ici envisagée, en la considérant comme un trait d’union entre les agences existantes, le ministère, les entreprises et les lanceurs d’alerte, afin qu’elle soit garante, tout au long de la procédure de l’alerte, que celle-ci sera bien menée à son terme. Un tel dispositif nous semble bien plus pertinent et nous voterons les amendements allant dans ce sens.

Pourtant, nous avons encore des remarques à formuler.

Si le rapporteur a proposé à juste raison de donner un pouvoir de saisine aux organisations syndicales, nous estimons que cette saisine devrait être élargie aux CHSCT, au regard des nouvelles missions qui leur sont confiées.

Plus globalement, considérant ses faibles moyens d’investigation et une absence de pouvoirs de contrainte, nous craignons que cette Haute Autorité ne puisse remplir ses missions de manière efficace.

De plus, au regard des financements prévus, son action dépendra très concrètement de la volonté de l’État d’accorder, ou non, les subsides nécessaires à son fonctionnement.

Plus largement, sur le fond, nous pensons que le vrai problème réside dans une conjonction d’intérêts des acteurs politiques, industriels et de la recherche, intérêts qui ne correspondent pas toujours à l’intérêt général. Le législateur devra s’atteler à ce problème et fixer, à l’instar de ce qui a été fait pour le médicament, des règles strictes.

Parallèlement, l’ouverture de plus en plus importante de la recherche au financement privé et la force des lobbies conduisent à faire prévaloir, y compris au niveau de l’expertise, les considérations commerciales sur les conséquences en matière de santé ou d’environnement. Nous maintenons donc notre exigence d’un renforcement des moyens de la recherche publique et d’une redéfinition du champ et du périmètre du secret industriel, véritable frein à la réalisation d’expertises fiables et transparentes.

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