Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 16 octobre 2012 à 9h30
Avenant à une convention fiscale avec les philippines — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons aujourd'hui approuver un avenant à la convention fiscale entre la France et les Philippines, car cette convention, signée en 1976 et amendée une première fois en 1995, n'est plus conforme aux standards internationaux en matière d'échange de renseignements. L'avenant sur lequel nous avons à nous prononcer vise donc à remédier à cette situation, qui constitue une entrave tant à la coopération entre les deux pays qu'à la lutte contre l'évasion fiscale.

Certes, on peut s'interroger sur le calendrier choisi pour la ratification de cet instrument qui a été signé, je le rappelle, en novembre 2011 par le précédent gouvernement.

Pourquoi donc devons-nous nous intéresser aujourd'hui aux Philippines ? Peut-être n'est-ce pas sans rapport avec la visite imminente de notre Premier ministre dans cet archipel comptant près de 95 millions d'habitants ? Si cette visite permet d'achever le processus de ratification et d'avancer vers plus de transparence en matière fiscale, alors elle sera très positive.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Faut-il le rappeler, bien que le G20, lors de son sommet de Londres d'avril 2009, ait « déclaré la guerre » aux paradis fiscaux, ce combat est encore loin d'être gagné, comme le montrent très bien les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.

L'OCDE reconnaît que, sur plus de 700 accords d'échange d'informations fiscales conclus depuis 2009, seul un sur trois est entré en vigueur, un sur cinq seulement étant conforme aux standards internationaux.

Outre les clauses des conventions elles-mêmes, un second obstacle à l'échange d'informations peut résider dans l'incapacité normative et administrative du pays concerné à fournir les renseignements demandés.

En décembre 2011, le Sénat, appelé à se prononcer sur la ratification de la convention fiscale avec Panama, s'y était opposé en raison de la faiblesse avérée du système juridique et fiscal de cet État. En effet, selon le Sénat, qui avait exprimé sur cette question un avis différent de celui de l'Assemblée nationale, Panama n'était pas en mesure de garantir un échange d'informations efficace et transparent, comme le montraient les observations du Forum mondial.

Les Philippines, au contraire, ont mis en œuvre des réformes permettant d'espérer une coopération et un échange de renseignements fiscaux effectifs et efficaces. Ainsi, ce pays a supprimé, depuis 2010, les restrictions d'accès aux informations bancaires. Je rappelle que c'était sa législation particulièrement restrictive sur le secret bancaire qui lui avait valu d'être inscrit en 2009, par l'OCDE, sur la « liste noire » des juridictions non coopératives.

Aujourd'hui, ses progrès lui ont permis de sortir des différentes listes établies par cette organisation. Les Philippines ont également passé avec succès la première phase de la revue par les pairs du Forum mondial, ce qui signifie qu'elles disposent d'un cadre juridique suffisant pour échanger des informations. Cependant, des obstacles juridiques à l'échange de renseignements subsistent, et c'est seulement à l'issue de la seconde phase de cet examen par les pairs, qui devrait débuter en 2013, que l'effectivité de la coopération et la capacité du pays à se conformer à ses engagements en matière de transparence seront vérifiées.

L'avenant à la convention fiscale avec les Philippines sur lequel nous sommes amenés aujourd'hui à nous prononcer est conforme aux standards les plus récents de l'OCDE. Il devrait donc constituer une avancée importante en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, comme l'affirme l'étude d'impact.

Je note que le Gouvernement français, lors de la négociation de cet avenant, avait pris des précautions supplémentaires, en complétant l'article relatif à l'échange d'informations par une clause prévoyant que chaque État contractant doit prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ceux-ci et à les transmettre.

Il faudra cependant rester très vigilants sur l'application effective d'un tel accord et réintégrer immédiatement les Philippines sur la liste française des États et territoires non coopératifs en cas de non-respect des clauses de cet avenant.

Soyons d'autant plus vigilants que, comme l'a très bien rappelé notre collègue Michèle André dans son rapport, « le contexte géopolitique constitue un facteur déterminant dans la mise en œuvre effective de la coopération fiscale ». Or, vous avez également précisé, madame la rapporteure, que le « contexte politico-social » des Philippines « semble, à bien des égards, complexe et fragile ». C'est bien le moins que l'on puisse dire, malgré des avancées récentes en matière de lutte anticorruption et la signature, le 7 octobre dernier, d'un accord de paix entre le Gouvernement philippin et les rebelles sécessionnistes musulmans de la région de Mindanao, mettant fin à plus de quarante ans de conflit.

Madame la ministre, mes chers collègues, malgré les réserves que je viens d'exprimer, le RDSE, convaincu de la vigilance du Gouvernement quant au respect des obligations conventionnelles et à l'effectivité de l'échange de renseignements fiscaux, approuvera la ratification de cet avenant à la convention avec la République des Philippines, qui constitue un pas de plus dans la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, lutte que nous soutenons.

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