Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 22 février 2006 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, mes chers collègues, c'est avec beaucoup de plaisir et d'attention, comme il se doit, que nous venons d'entendre M. le Premier président nous présenter le rapport public annuel de la Cour des comptes.

Je ne reviendrai pas sur le contenu de ce rapport, que nous ne manquerons pas, spécialement à la commission des finances, d'analyser comme toujours avec le plus grand soin. Je me réjouis cependant de découvrir que vous vous êtes, cette année encore plus que d'habitude, préoccupé des suites données à vos rapports précédents. Voilà en effet une préoccupation qui nous est commune.

La commission des finances ne considère pas non plus que son oeuvre s'achève avec la publication d'un rapport. Ainsi, les enquêtes que vous réalisez à notre demande donnent lieu à des auditions « pour suite à donner » réunissant, autour des commissaires des finances et de ceux des autres commissions concernées, les magistrats de la Cour des comptes ayant conduit les enquêtes ainsi que les représentants des organismes contrôlés et, le cas échéant, le ou les ministères de tutelle. Ainsi, ce matin, nous entendions, avec la commission des lois, le garde des sceaux, les services de la Chancellerie et de Bercy à propos de votre enquête sur les frais de justice. Je crois pouvoir dire que cette audition a été particulièrement constructive.

Dans le même esprit, quatre rapports d'information de la commission des finances ont débouché, à notre demande et dans le cadre des séances mensuelles réservées à l'initiative parlementaire, sur un débat en séance publique, afin d'interroger le ministre compétent sur les suites données à nos observations ou préconisations.

Précisément, je voudrais vous remercier de l'attention que vous portez personnellement, et avec votre détermination bien connue, à l'approfondissement des relations entre la Cour des comptes et le Parlement, singulièrement le Sénat.

Les cinq enquêtes que nous vous avions demandées en 2004, en application de l'article 58, alinéas 1° et 2, de la LOLF, nous ont été présentées ou vont l'être dans les prochaines semaines. Il s'agit donc d'un dialogue constructif qui permet de conférer au contrôle budgétaire un caractère positif. Il s'agit moins de dénoncer et d'accuser que de favoriser et d'encourager des évolutions positives qui contribuent au pilotage de l'action publique.

Comme vous le savez, notre commission a souhaité donner encore plus de publicité à ses travaux en ouvrant ses auditions le plus largement possible aux médias. C'est ainsi, me semble-t-il, que nous contribuerons à donner la plus grande transparence et donc la plus grande diffusion à nos travaux communs. Ceux-ci gagnent par là même une plus grande autorité.

Monsieur le Premier président, je crois que nous avons un vrai défi, c'est celui de populariser les travaux de contrôle. Si nous parvenons à les rendre populaires, à susciter l'attention de nos concitoyens et de l'opinion publique, alors pourra s'engager la réforme de l'État.

Pour l'année 2006, la commission des finances vous saisit de cinq enquêtes issues des demandes des rapporteurs spéciaux compétents.

La première porte sur l'Association française d'action artistique.

La deuxième porte sur le fonctionnement de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, acteur important de soutien à l'innovation dans les PME et sa transformation en OSEO-ANVAR.

La troisième porte sur le recouvrement des créances de contrôle fiscal et le recouvrement contentieux des amendes et condamnations judiciaires.

La quatrième porte sur l'impact des aides à l'emploi sur la baisse du chômage, si tant est que cette enquête soit praticable. Mais il n'est pas indifférent, monsieur le Premier président, de savoir si elle est ou non praticable. Nous demanderons alors au ministre responsable de l'emploi de s'en expliquer.

Enfin, la cinquième porte sur les commissions et les instances consultatives placées directement auprès du Premier ministre.

Merci encore, monsieur le Premier président, de continuer à remplir votre mission constitutionnelle d'assistance au Parlement dans le développement de la mission de contrôle budgétaire du Parlement, qui devient chaque jour davantage notre « seconde nature », selon la célèbre et heureuse formule du président Christian Poncelet.

Nous le savons tous, avec la LOLF, la mission de la Cour des comptes se trouve considérablement renforcée au travers de la certification des comptes de l'Etat - c'est presque une mission révolutionnaire ! - à laquelle celle-ci doit désormais procéder et aussi de par le renforcement de la loi de règlement, point sur lequel je reviendrai dans un instant. C'est une révolution que de demander une certification. Est-ce aussi une révolution que d'exiger la sincérité des comptes publics ?

C'est pour cette raison, monsieur le Premier président, que je rejoins votre préoccupation de garantir, y compris par son autonomie financière, l'indépendance de la Cour des comptes, en particulier à travers la nomenclature budgétaire et de mission « Conseil et contrôle de l'État », au sein de laquelle les juridictions financières constituent un programme, désormais indépendant de Bercy.

Les arbitrages ont en effet été rendus en ce sens par le Gouvernement, selon sa compétence pour définir le périmètre des différentes missions, compétence prévue par la LOLF et confirmée par la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2006.

Pour autant, le Parlement reste autorisé à exprimer un avis sur la nomenclature budgétaire et, comme vous le savez, le Sénat, par ses commissions des finances et des lois, ne s'en est pas privé en émettant des réserves importantes sur le rattachement des juridictions administratives à la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Ces réserves, que je confirme aujourd'hui, ne concernent évidemment pas la Cour des comptes, puisque le Sénat a été le premier à réclamer la sortie de la Cour du « giron de Bercy ».

Le premier examen parlementaire des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » s'est excellemment passé. Notre rapporteur spécial, M. Jean-Claude Frécon, a d'ailleurs tenu à se féliciter de la qualité des réponses de la Cour des comptes faites à son questionnaire budgétaire.

Je ne cesserai de le dire, l'indépendance ne tient pas seulement à la lettre des textes ; elle tient aussi à l'esprit dont font preuve les titulaires de responsabilités.

La déontologie doit être le meilleur garant de l'objectivité et prévenir je ne sais quelle suspicion que pourraient susciter les aller-retour, sans doute rythmés par les alternances politiques, de certains magistrats entre la Cour des comptes et les cabinets ministériels. Cette observation vaut également pour le Conseil d'État.

Permettez-moi également d'insister sur le nécessaire renforcement de la loi de règlement. Il résultera naturellement de la logique de performance et de résultat induite par la LOLF.

En effet, le projet de loi de finances initiale présente, pour chaque programme de chaque mission, des objectifs et des indicateurs de performance. La réalisation de ces objectifs sera mesurée dans les rapports annuels de performance, les fameux RAP, annexés au projet de loi de règlement. La loi de règlement, de simple, mais indispensable, quitus comptable, se transformera progressivement en un instrument d'évaluation de l'accomplissement par l'État de ses missions ; d'où sont importance accrue, tant pour la Cour des comptes que pour le Parlement.

Je confirme le souhait, monsieur le président du Sénat, que nous puissions modifier l'organisation de nos travaux parlementaires.

Ainsi, désormais, au printemps, avant le débat d'orientation budgétaire, le DOB, nous devrons, monsieur le président, mes chers collègues, consacrer non plus une heure ou deux heures, mais au moins une semaine - je dis bien une semaine - en séance publique à l'examen du projet de loi de règlement. À cette occasion, nous inviterons en séance des ministres pour leur permettre de commenter devant le Sénat les résultats de leur politique, à l'image de ce que nous avons déjà fait en octobre dernier pour le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004. Nous sommes bien conscients que la LOLF est appelée à devenir un puissant instrument de réforme de l'État, et donc aussi de réforme du Parlement.

Pour ce qui concerne le Sénat, nous avons défini l'an dernier le nouveau périmètre des rapports budgétaires, en les ajustant rigoureusement à celui des missions. Nous avons aussi reformaté les questionnaires budgétaires, revu de manière consensuelle certaines règles relatives à la discussion budgétaire et à l'examen des amendements. Le droit d'amendement a évolué, devenant, ce qui est vraiment nouveau, un véritable arbitrage parlementaire en matière budgétaire. La commission des finances fera le bilan de la première discussion budgétaire en mode LOLF au Sénat, dans le cadre de son séminaire annuel, au début du mois d'avril prochain. Nous consignerons ensuite nos principales conclusions dans un rapport d'information.

Pour sa part, la Cour des comptes a aussi été appelée à faire évoluer certaines de ses méthodes pour répondre aux exigences de la LOLF, concernant en particulier la certification de sincérité et de régularité des comptes de l'État. Les moyens nécessaires à celle-ci devront être accordés à la Cour et vous pourrez, si nécessaire, compter sur le soutien de notre commission des finances et de son rapporteur spécial.

Il nous reste, comme je l'ai dit voilà un instant, à populariser nos travaux de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, mais je ne doute pas que la Cour des comptes soit elle-même engagée dans cette exigence.

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