Intervention de Michèle André

Réunion du 16 octobre 2012 à 14h30
Avenant à une convention fiscale avec les philippines — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michèle AndréMichèle André, rapporteur :

Certains de nos collègues émettront sans doute des réserves quant à l’approbation de l’avenant franco-philippin.

Cependant, la meilleure façon de prédire l’avenir de la coopération fiscale franco-philippine, c’est encore de le créer, en prévoyant les conditions nécessaires à la mise en œuvre de celle-ci. Tel est l’objet du présent projet de loi.

En effet, une chose est certaine : si nous n’approuvions pas l’avenant à la convention fiscale franco-philippine, la coopération entre les deux pays demeurerait lettre morte, car cela reviendrait à permettre aux Philippines de ne pas pratiquer l’échange de renseignements, en invoquant le secret bancaire.

Tel est l’enjeu de ce texte. Les Philippines n’ont aujourd’hui aucune obligation de répondre à une demande française de communication de renseignements détenus par un établissement financier.

Les stipulations de la convention fiscale de 1995 sont obsolètes. Le secrétariat de la commission des finances a interrogé le bureau du contrôle fiscal de la direction de la législation fiscale du ministère de l’économie et des finances, qui a confirmé que, en l’état actuel des choses, aucune coopération fiscale n’était possible. Seule la modification de la convention permettra d’imposer aux autorités philippines de transmettre de telles informations.

C’est pourquoi l’avenant actualise la convention en y intégrant les dernières normes de l’OCDE de 2005 en matière de transparence, c’est-à-dire la levée du secret bancaire et l’obligation de coopérer, même en l’absence d’intérêt fiscal domestique.

Cette approbation est donc nécessaire. Sera-t-elle suffisante ? Je comprends les réserves qu’Éric Bocquet a émises lors de l’examen du texte en commission : l’approbation de l’avenant intervient dans un difficile contexte de crise, alors que l’évasion fiscale a été dénoncée par la commission d’enquête sénatoriale dont il a été le rapporteur.

C’est pourquoi, face au constat dressé par cette commission, j’ai examiné le cadre financier et juridique philippin.

Disposant d’une supervision prudentielle jugée satisfaisante par les agences de notation, le système bancaire est toutefois caractérisé par la présence des conglomérats, souvent contrôlés par les « grandes familles » sino-philippines ou hispano-philippines. Le poids des oligarchies n’est donc pas négligeable.

Néanmoins, aucune banque française n’a de licence aux Philippines, ni n’est actionnaire de banques philippines. Sur les quatre unités bancaires offshore installées dans le pays, deux sont françaises : BNP Paribas et Crédit Agricole. Ce chiffre est à apprécier au regard des vingt-quatre établissements bancaires français présents aux Îles Caïmans et des douze banques françaises implantées aux Bermudes.

Quant aux entreprises françaises présentes aux Philippines, sur les 180 recensées, on ne compte qu’une trentaine de sociétés importantes, dont Total, Essilor, L’Oréal. Au final, c’est assez modeste.

S’agissant des aspects juridiques, je me suis référée aux travaux du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. Cette instance a considéré, en juin 2011, que les Philippines disposaient du cadre normatif nécessaire pour coopérer. Elle a, certes, proposé des voies d’amélioration. Deux d’entre elles ne concernent pas la coopération avec la France, puisqu’elles traitent de la mise à jour du réseau conventionnel. Le présent avenant répond donc aux recommandations du Forum mondial.

Quant aux deux autres recommandations, relatives aux mandataires ainsi qu’aux sociétés immatriculées à l’étranger, le Forum mondial a confirmé auprès de notre secrétariat que, en pratique, la législation en vigueur les concernant ne constitue pas un obstacle à l’échange d’informations.

En résumé, il existe donc deux éléments sur dix pouvant être améliorés, et aucune carence grave n’a été observée.

Or vous avez tous en mémoire, mes chers collègues, l’examen devant le Sénat du projet de loi tendant à approuver la ratification de la convention franco-panaméenne, rapporté par notre ancienne collègue Nicole Bricq, qui s’était achevé par un rejet du texte.

Le Forum mondial avait alors constaté cinq carences graves en matière de disponibilité de l’information panaméenne et d’accès à celle-ci, sur les dix critères de référence.

Le Panama ne disposait donc pas du cadre normatif nécessaire à la coopération fiscale. Tel n’est pas le cas des Philippines.

Parmi les progrès constatés – j’y insiste, car c’est certainement l’avancée la plus importante –, les Philippines ont adopté, en 2009, des dispositions législatives dérogeant au secret bancaire dans le domaine de l’assistance internationale.

La rédaction de l’avenant est également plus stricte que celle du modèle OCDE. Elle prévoit que les Philippines doivent « prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements ».

Rappelons aussi qu’aucune contrepartie à la mise à jour de la convention n’a été accordée par la France.

La signature de l’avenant est intervenue sept mois après son paraphe, afin de vérifier la mise en œuvre réglementaire de la dérogation législative au secret bancaire. Les textes d’application ont été étudiés par le secrétariat de la commission des finances et sont annexés au rapport.

Enfin, toujours au titre des éléments en faveur de l’approbation, il convient de souligner la volonté politique exprimée par le Président Benigno Aquino de procéder à une « chasse contre l’évasion fiscale ».

Si l’approbation de l’avenant apparaît donc comme nécessaire, elle n’est cependant pas neutre, et emportera un certain nombre de conséquences. La transparence fiscale s’en trouvera, certes, renforcée. Toutefois, les Philippines seront retirées de la liste française des États et territoires non coopératifs établie en 2010, alors que ce pays figurait sur la « liste grise » de l’OCDE, qu’il a quittée depuis.

Nous devons donc faire preuve d’une vigilance particulière. Il ne s’agit pas ici d’accorder un blanc-seing.

Nous savons à quel point les aspects politiques et culturels, notamment liés à l’influence des oligarchies, peuvent peser sur la coopération fiscale. Ceux-ci ne doivent pas être sous-estimés. Nous verrons, en 2013, dans quelle mesure ce pays pourra les surmonter.

Les Philippines seront à nouveau évaluées au cours du premier semestre 2013 par le Forum mondial, afin d’apprécier concrètement l’état d’avancement de la coopération, et pas uniquement son environnement juridique. L’absence de coopération, si elle devait être constatée, serait sanctionnée par la réintégration sur la liste française.

En conclusion, mes chers collègues, sous réserve des observations précédentes, la commission des finances vous propose d’adopter le présent projet de loi visant à approuver l’avenant à la convention fiscale conclue avec les Philippines en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu. §

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