Intervention de Didier Migaud

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 octobre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes

Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes :

Je suis très heureux de répondre à votre invitation. Je suis accompagné de MM. Gérard Terrien, secrétaire général et Thierry Vught, secrétaire général adjoint.

Vous avez évoqué des réformes auxquelles je sais que vous êtes sensibles. Il ne m'appartient pas d'exprimer un avis sur la procédure législative suivie pour les faire adopter, même si ces dispositions nous concernent de très près.

Nous réorganisons notre réseau de chambres régionales. L'objectif n'est pas de diminuer leur capacité de contrôle, mais de la conforter, pour quelles jouent pleinement le rôle qui leur est reconnu par la loi. Les chambres régionales ont des effectifs extrêmement faibles. Certaines d'entre elles ne comptaient que trois ou quatre magistrats dont le président, alors que les collectivités ont considérablement renforcé leurs moyens administratifs et techniques. Les sujets qu'elles ont à traiter sont de plus en plus complexes, pour un champ de compétences très large. Il est nécessaire de spécialiser les équipes, pour faire vivre la collégialité. A quatre ou cinq, il est parfois difficile de faire face !

De deux choses l'une : soit nous obtenions une augmentation sensible des effectifs, soit nous nous réorganisions. Dans le contexte budgétaire actuel, il convenait d'être le plus raisonnable possible en matière de créations d'emplois. Aussi ai-je plaidé pour la réorganisation, afin que chaque CRC atteigne une taille critique, en magistrats et en personnel de contrôle, pour être le plus efficace et le plus opérationnel possible.

Le relèvement du seuil de l'apurement administratif devrait permettre aux chambres régionales de se concentrer sur les enjeux les plus lourds. Cela n'enlèvera rien à la capacité des chambres régionales d'appeler les comptes d'une collectivité : aucune ne doit se sentir à l'abri d'un contrôle. L'apurement des comptes n'a rien à voir avec cette faculté de contrôle, qui s'exerce quelle que soit la taille de la collectivité ou de l'établissement public.

Le but de la réforme, je le répète, est d'organiser les chambres régionales de la façon la plus efficace possible. Il est légitime que nous nous appliquions les recommandations que nous adressons aux autres. Je suis conscient que ce type de réforme soulève des problèmes de gestion des hommes et des femmes, qui ne sont pas tous mobiles. Les magistrats, cadres A, le sont, les catégories B et C pas toujours : soit que les conjoints travaillent sur place, soit qu'ils s'enracinent dans leur territoire, il n'est pas facile de changer de région.

La refonte de la carte judiciaire n'était pas allée aussi loin. Il est vrai que nous avons mis en oeuvre l'ensemble des dispositions, notamment indemnitaires, applicables en pareil cas. Pour les magistrats, le mouvement, dans sa plus grande partie, est réalisé, même s'il reste quelques situations non réglées. Un peu de temps est nécessaire pour réussir. Ma préoccupation a trait à la gestion des ressources humaines : cette réforme ne doit pas avoir d'effets négatifs sur la situation des hommes et des femmes qui composent les juridictions financières. Nous avons passé une convention avec la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour que tous les cas soient traités.

Nous ne pouvons pas encore apprécier l'efficacité de la réforme du régime de responsabilité des comptables publics, qui vient seulement d'entrer en application. Pourquoi cette réforme ? Ce régime était jugé non satisfaisant par beaucoup, dès lors que certaines décisions des juridictions financières pouvaient être vidées de leur substance par les remises gracieuses accordées par le ministre du budget. La réforme que vous avez adoptée, au sein d'un collectif budgétaire, consiste à supprimer cette remise dans certaines hypothèses, notamment en l'absence de préjudice financier. Le barème des sanctions financières encourues, par le comptable lorsqu'il est pris en défaut, n'est pas encore en application. Nous sommes en attente du décret qui doit le fixer. S'il y a un préjudice, un recours gracieux encadré demeure possible. C'est un dispositif plus juste, obtenu grâce au bon travail des parlementaires, du ministère des finances et de la Cour.

J'en viens à la réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics. Il est difficile de se satisfaire de la liste actuelle des justiciables et des incriminations. Je préside la cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), vice-présidée par un président de section au Conseil d'Etat. J'ai proposé d'élargir ces listes. Tout ne doit pas relever du pénal, et une responsabilité financière doit être mise en place dès lors que les fautes sont commises, en toute connaissance de cause.

J'en viens à la responsabilité des élus ou des ministres, qui sont ordonnateurs principaux dans leurs ministères. La question relève du pouvoir législatif. En Allemagne, au Royaume-Uni, au Canada, la séparation est plus grande entre les responsabilités politiques et la gestion administrative. Un volet du projet de réforme n'a pas été retenu dans le texte adopté par le Parlement, qui intégrait la CDBF au sein même de la Cour. Je sais que cela ne fait pas consensus. Je suis ouvert à des échanges à ce sujet. J'estime que la réunion au sein de la CDBF de magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'Etat est utile.

Nous sommes prêts à expérimenter la certification des comptes des collectivités territoriales. Certifier les comptes de toutes les collectivités n'est pas nécessairement pertinent. Cela peut avoir du sens pour certaines, notamment celles qui font appel à la souscription publique, moyennant quelques préalables qui ne sont pas insurmontables. Il faut notamment contribuer à rendre la comptabilité des collectivités territoriales plus fiable et plus transparente, même si des gros progrès ont déjà été faits dans ce sens. Nous sommes à la disposition des décisions du Parlement.

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