La mission « Sport, jeunesse et vie associative » est de taille modeste : moins de 500 millions d'euros en crédits et aucun emploi depuis le transfert, en 2011, de ses personnels vers la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Il s'agit cependant d'une véritable politique, bien identifiée et qui a retrouvé son unité sous l'actuel Gouvernement, sous la direction de Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.
La nature de ses dépenses prédispose la mission à subir la régulation dans un contexte budgétaire difficile : en effet, elle comporte une forte part de crédits d'intervention, sur lesquels il est possible d'exercer un arbitrage.
Les efforts seront sensibles. Néanmoins les crédits de paiement de la mission augmentent de 1 % à périmètre constant en 2013, pour atteindre 0,46 milliard d'euros. Et le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une progression tant en 2014 qu'en 2015. Mais cette évolution recouvre des contrastes : après plusieurs années de baisse, les crédits du programme « Sport » se stabiliseront de 2013 à 2015, quand ceux du programme « Jeunesse et vie associative », sous l'effet de la progression du service civique, augmentent.
Le programme « Sport » regroupe 225,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 232,2 millions d'euros de crédits de paiement, soit 50,2 % de l'ensemble des crédits de paiement de la mission. A périmètre constant, les crédits de paiement accusent une nouvelle baisse marquée, de 9,1 %. Mais si l'on tient compte des dotations attribuées en loi de finances initiale pour 2012 à la suite d'initiatives parlementaires, la baisse se limite à 5 % par rapport à l'année en cours. Cela reste très significatif et prolonge la tendance engagée depuis deux ans.
A cela s'ajoute un total de fonds de concours de 19,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 20 millions d'euros en crédits de paiement. Il s'agit presque exclusivement du fonds de concours de 19,5 millions d'euros du Centre national pour le développement du sport (CNDS) en faveur de l'action « Promotion du sport pour le plus grand nombre ».
Sans vouloir polémiquer, je me dois de souligner qu'au-delà de la crise, la ministre doit aussi gérer les impasses budgétaires laissées par le précédent gouvernement. Ainsi pour les primes des médaillés olympiques, aucune provision n'avait été effectuée en 2012 - ce que j'avais dénoncé. En 2013, il faudra également trouver 6,1 millions d'euros pour les cotisations de retraite des sportifs de haut niveau, non financées par la précédente équipe. Et la situation est encore pire pour ce qui concerne le CNDS.
Pour parvenir à boucler le budget dans ces conditions, le Gouvernement propose, au sein du programme « Sport », des efforts conventionnels, comme la baisse de 5 % des subventions aux fédérations sportives, ou l'étalement des travaux de rénovation de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep). Mais il prend aussi la décision radicale de n'inscrire aucun crédit au titre de la pénalité à verser au consortium gérant le Stade de France pour absence de club résident, alors que 12 millions d'euros étaient inscrits en loi de finances initiale pour 2012 et que la dépense aurait pu atteindre en 2013 jusqu'à 17 millions d'euros.
En première analyse, ce choix m'a surpris. En effet, une telle absence semble poser un problème de sincérité budgétaire, la pénalité résultant d'une obligation contractuelle de l'Etat qui, bien que dénoncée par de nombreux rapports parlementaires, ne s'en impose pas moins à lui. Or, si la somme en question devait être décaissée, l'exécution de ce budget serait mise à mal. Néanmoins, je partage la conviction de la ministre : la situation présente ne peut plus durer, à la fois parce que le montant de la pénalité connaît une évolution dangereuse et parce que cette pénalité résulte d'un contrat fragile - certains éléments pouvant du reste être qualifiés d'abusifs. Le contrat a été signé par le gouvernement Balladur dans une situation tendue, entre les deux tours de l'élection présidentielle de 1995 et à trois ans d'une Coupe du monde de football que la France avait le devoir d'organiser.
La convention est fragile car le Conseil constitutionnel, par une décision du 11 février 2011, a considéré que la loi du 11 décembre 1996 qui l'avait validée était contraire à la Constitution. Cette censure n'a pas entraîné la nullité du contrat de concession liant l'Etat au consortium Stade de France depuis avril 1995. Mais elle a mis en lumière la fragilité juridique de certaines dispositions du contrat, fragilité qui avait justifié la validation législative de 1996.
Au titre de l'indemnité pour absence de club résident, l'Etat, depuis le début du contrat, a dépensé 115 millions d'euros ; or le consortium aurait été à l'équilibre - au moins - sans cette contribution. Une mission vient d'être confiée conjointement à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale de la jeunesse et des sports pour assister le Gouvernement dans l'examen de la gestion de la concession ainsi que des conséquences financières d'une éventuelle dénonciation du contrat par l'Etat - lesquelles ne seraient pas insurmontables.
Le Gouvernement a su associer aux négociations les fédérations de football et de rugby, qui assurent la rentabilité du stade et qui ont toutes deux des griefs à l'égard du consortium. Tout le monde pourrait s'entendre sur un accord raisonnable.
De fait, si les négociations aboutissent - ce qui semble dans l'intérêt commun et paraît souhaitable - l'Etat n'aurait rien à régler en 2013 au titre de la pénalité. En tout cas, il est clair que ne pas inscrire de crédits en 2013 a contribué à faire réagir tout le monde et dépasser les blocages.
Tout en étant conscient que l'Etat prend un risque dans cette affaire, j'ai fini par approuver l'absence de ligne de crédits proposée pour 2013 et je salue la volonté du Gouvernement de remettre en cause des dispositions contractuelles contestables et très pénalisantes pour les finances publiques.
Par ailleurs, comme l'ont fait ressortir nos travaux menés sur la base d'une enquête de la Cour des comptes, la situation est encore plus grave pour ce qui concerne le CNDS, financé par des crédits non budgétaires. Cet établissement public normalement dévolu au financement du sport amateur et des installations sportives sur le territoire, a été chargé par l'Etat, au fil des ans, de missions sans lien avec cette vocation et incomplètement financées, voire pas financées du tout.
Je pense à la promesse de l'Etat de participer, à hauteur de 160 millions d'euros, à la rénovation des stades de l'Euro de football, à comparer à une recette de 120 millions d'euros. Je pense à la promesse de financer à hauteur de 50 millions d'euros le programme « Arénas » sans la moindre recette correspondante. Et je pense au fonds de concours de 19,5 millions d'euros en faveur du programme « Sport », qui va finir, dans ce contexte, par étrangler la trésorerie du CNDS - et dont la régularité est remise en question par Cour des comptes.
Si rien n'est fait, l'établissement se dirige vers des difficultés financières d'importance. Dès 2012, le déficit s'élèvera à 32 millions d'euros, le fonds de roulement sera quasi nul, et la dette dépassera 480 millions d'euros. En 2013, le déficit sera de près de 40 millions d'euros, et le fonds de roulement sera négatif à hauteur du même montant. Enfin, à l'horizon 2016, le déficit atteindra 50 millions d'euros et le fonds de roulement sera négatif de 175 millions d'euros. Cette impasse, dont le Gouvernement a hérité, appelle des choix. D'une part, un plan d'économies qui ne manquera pas d'avoir des conséquences sur les territoires mais qui semble indispensable. Les dépenses devraient ainsi être réduites de 5 % dès 2013. D'autre part, à titre provisoire, une augmentation des ressources du CNDS - non prévue par le présent projet de loi de finances. Je l'avais souligné l'an dernier, il convient, quand l'Etat charge le CNDS de mettre en oeuvre ses propres engagements, de lui en donner les moyens. Ce n'a été le cas ni pour les travaux des stades de l'Euro 2016, ni pour les Arénas 2015. Ce débat relève néanmoins de la première partie de la loi de finances et ne peut donc être tranché aujourd'hui.
Le programme « Jeunesse et vie associative » regroupe 230,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, soit 49,8 % des crédits de paiement de la mission, en hausse de 7,4 %. Douze dépenses fiscales - essentiellement des niches destinées à encourager les dons - sont en outre rattachées au programme, pour un coût de 2 430 millions d'euros.
Malgré les apparences, de nombreux acteurs consentent des efforts. Ainsi, le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ), créé par Martin Hirsch, ne recevra pas de crédits. Il sera au contraire sollicité, au travers d'un fonds de concours de 15 millions d'euros, pour soutenir la montée en puissance du service civique. Les partenaires privés du fonds devraient, eux, maintenir leur concours. Le FEJ va désormais achever l'évaluation des quatorze appels à projets qui ont été lancés et, si les résultats le justifient, assurer la transition vers le droit commun. L'objectif sera de capitaliser les résultats probants des expérimentations en vue de leur essaimage dans les collectivités ou auprès des promoteurs volontaires.
Le soutien direct aux associations agréées baisse également, tout comme d'autres crédits, notamment pour l'information des jeunes. Le maintien du financement par l'Etat de postes Fonjep, à hauteur de 24,9 millions, montre toutefois la volonté du ministère de soutenir l'emploi associatif.
En réalité, la poursuite de la croissance du service civique absorbe l'intégralité de la hausse des crédits du programme, et même de la mission : les moyens qui lui sont dévolus passeront de 130 à 160 millions d'euros. Cette hausse, de 23 %, doit permettre de porter le nombre de volontaires de 25 000 à 30 000. Si l'on peut évidemment se féliciter du succès du service civique, né d'une initiative d'Yvon Collin, le dispositif devra toutefois évoluer, pour deux raisons. D'une part, l'objectif ambitieux fixé par le Président de la République d'ouvrir le service civique à 15 % d'une classe d'âge, soit environ cent mille jeunes, pèsera lourdement sur le budget ; d'autre part, la création des emplois d'avenir risque d'entrer en concurrence avec le service civique. Il faudra donc faire évoluer le modèle, proposer par exemple des missions plus courtes ou étalées dans le temps. Martin Hirsch, actuel président de l'Agence du service civique (ASC), n'y est pas fermé. En tout état de cause, il faudra à la fois maîtriser le coût du service civique, et bien distinguer les objectifs et missions du service civique et des emplois d'avenir.
À l'issue de cet examen, et sous réserve des initiatives que pourrait prendre l'Assemblée nationale, je vous recommande d'adopter sans modification les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».