Je vous remercie de votre accueil. Je suis plaisamment surpris de savoir que Thierry Alet, dont le talent fait rayonner l'art caribéen jusqu'à New York, est également chez lui dans cette salle.
Ce premier budget est un budget de changement, qui s'inscrit pleinement dans les orientations voulues par Jean-Marc Ayrault pour ce projet de loi de finances pour 2013 : c'est un budget de combat pour le redressement et la reconstruction du pays. Dans un contexte difficile, le gouvernement a voulu adresser un message fort aux outre-mer, territoires en souffrance qui attendent de vrais changements. Au cours des dix dernières années, les changements de périmètre et les présentations en trompe-l'oeil ont mal dissimulé le désengagement de l'État. La politique de rattrapage qui, en dépit des ambigüités de l'appellation, faisait l'objet d'un consensus, a été remplacée par une politique de développement endogène, euphémisme qui masque mal le reflux.
C'est une autre politique qui s'engage aujourd'hui, de développement solidaire ; conforme aux engagements de campagne du président de la République. Traduction concrète du volontarisme du gouvernement, elle crée les instruments indispensables au changement.
En ces temps difficiles, tous les territoires souffrent, certes, mais les outre-mer, qui partent de plus loin, payent un plus lourd tribut : un taux de chômage deux fois plus élevé qu'en métropole et qui, parmi les jeunes, atteint 60 % des 15-24 ans en Martinique, 53 % en Guadeloupe, 48 % en Guyane au lieu des 22,9 % de l'Hexagone ; le PIB par habitant y est inférieur de moitié, avec des PME fragilisées, en temps de crise, par l'insuffisance des fonds propres et des taux d'investissements largement inférieurs à ce qu'ils sont en métropole tandis que l'éloignement, l'insularité, l'étroitesse du marché freinent le développement économique : le taux de couverture des importations - à peine 14 % - illustre une situation de dépendance qui appelle des changements structurels, engagés par le projet de loi de régulation économique voté sans opposition il y a quelques semaines - et je remercie le Sénat pour son engagement sur ce texte.
Les crédits de la mission « Outre-mer » sont, à périmètre constant, en progression de 4,5 % pour les autorisations d'engagement (2,2 milliards) et de 5 % pour les crédits de paiement (2 milliards). La progression monte à 7 % en autorisations d'engagement et à 4% en crédits de paiement pour le programme « Emploi outre-mer » (1,4 milliard d'euros), à 0,6 % en autorisations d'engagement et à 7 % en crédits de paiement pour le programme « Conditions de vie outre-mer ».
Ce budget s'articule autour de quatre priorités. Le logement social, d'abord. Les besoins sont immenses : 100 000 logements à construire ! Le président de la République et le Premier ministre se sont engagés à faire à nouveau de la ligne budgétaire unique le socle du financement de cette politique : après des années de recul, elle sera remise à niveau pour atteindre 227 millions en crédits de paiement.
Deuxième priorité, le redressement de la production et de la croissance outre-mer. L'investissement public constitue pour nous le levier essentiel pour préparer l'avenir en assurant une croissance durable. Une nouvelle enveloppe de 50 millions d'euros sera ainsi consacrée, en 2013, aux projets destinés à améliorer les conditions de vie dans les domaines sanitaire, social, routier, environnemental. Voilà une première concrétisation de la promesse qui a été faite de dégager 500 millions d'euros sur le quinquennat pour l'investissement. Le soutien aux contrats de projet et de développement de chaque territoire se traduira par une croissance de 14 % en crédits de paiement tandis que la bonification des prêts de l'Agence française de développement aidera à octroyer 350 millions d'euros en nouveaux crédits d'investissement. La Banque publique d'investissement aura sa déclinaison spécifique dans chaque département et territoire d'outre-mer, qui bénéficiera tout à la fois de l'ensemble des prestations offertes dans l'Hexagone et de réponses adaptées.
Troisième priorité, la jeunesse et l'insertion socioprofessionnelle, déterminante pour assurer la cohésion sociale et accompagner les évolutions démographiques. Outre-mer, 42 % des jeunes ultramarins arrivent sur le marché du travail sans diplôme, soit deux fois plus qu'en métropole. Cela est inacceptable. Mon ministère mobilisera deux instruments pour l'insertion socioprofessionnelle. Le service militaire adapté, tout d'abord, dont les formations ont fait la preuve de leur efficacité, puisqu'elles débouchent sur un taux d'insertion de plus de 60 %. Plus de 5 000 stagiaires seront formés en 2013, et l'objectif est d'atteindre les 6 000 fin 2015 - on a dû décaler d'une année. Les moyens, ensuite, de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, désormais opérateur unique pour la formation professionnelle et l'accès à l'emploi, seront sanctuarisés, afin d'engager 4 600 mesures nouvelles. L'Agence aidera ainsi plus de 100 000 personnes pour leur trajet familial, professionnel ou pour leurs études vers l'Hexagone. Il est vrai que nous avons dû concéder trois emplois et une dizaine sur le triennal.
Quatrième priorité, enfin, la bataille pour l'emploi, au travers d'une politique d'allègement et d'exonération de charges au bénéfice des PME, pour plus de 1,157 milliard d'euros, qui viendra renforcer la compétitivité de 70 000 établissements grâce à une réduction du coût du travail. Pour soutenir l'emploi, qui est une priorité outre-mer, ainsi que l'a souligné le Premier ministre dans son discours de politique générale, nous devons mobiliser tous les leviers, y compris celui de la défiscalisation, pour inciter à l'investissement. Les outre-mer ne seront pas concernés par le plafonnement à 10 000 euros des avantages liés aux niches fiscales, conformément à l'engagement du président de la République de maintenir des plafonds spécifiques. Il ne s'agit pas là d'un traitement de faveur, mais bien d'un choix politique justifié par la situation économique et sociale très difficile des outre-mer. J'espère que nous aurons ce débat. Alors que les banques ne jouent pas le jeu, que les fonds européens deviennent difficiles à mobiliser, que l'épargne locale est investie ailleurs et que l'État réduit ses concours, la dépense fiscale offre un levier pour favoriser l'investissement productif et développer le logement social. Un plafonnement indifférencié, en détournant des outre-mer des flux d'investissement indispensables à son développement, aurait déstabilisé ces économies fragiles. Le plafonnement spécifique n'est pas cependant immuable ; il faut entendre les critiques. Les articles 15 et 17 de la loi de programmation des finances publiques traduisent l'engagement du gouvernement à améliorer ce dispositif : les niches, dont la durée est limitée, feront l'objet d'une évaluation annuelle. Ce travail sera mené en 2013 dans un esprit d'ouverture, de pragmatisme et de concertation, pour parvenir à un usage plus sage de la dépense publique. Nous comptons sur le Sénat pour nous épauler.
Voilà donc un budget ambitieux, responsable et dont les arbitrages ont été soigneusement pesés. Il est marqué du sceau d'un double effort : en faveur des territoires, mais aussi pour participer au redressement national.
Je suis sûr que vous partagez notre volonté de soutenir le retour de l'État outre-mer et suis à votre disposition pour répondre à vos interrogations.