Intervention de Victorin Lurel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 30 octobre 2012 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission outre-mer - Audition de M. Victorin Lurel ministre des outre-mer

Victorin Lurel, ministre :

Oui, monsieur Cointat, nous participons à l'effort de redressement national. Sur les emplois aidés, comme sur les effectifs de LADOM, nous avons fait des concessions. Pour le reste, je ne puis que me réjouir de voir que les outre-mer, qui n'étaient pas dans les trois ministères prioritaires dont ont fait état le président de la République et le Premier ministre, soient bien traités dans ce budget.

L'effort budgétaire global de l'État en faveur des outre-mer, de 13 milliards d'euros, se maintient malgré un léger recul. Nous subissons les assauts récurrents de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des finances sur la question des dépenses fiscales. Or, le « Girardin » industriel ne représente plus que 410 millions d'euros. Et le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale a relevé à juste titre qu'il ne serait pas inutile de les comparer aux 3 milliards d'euros que coûtent la défiscalisation sur la restauration. Une seule opération comme l'usine Koniambo, en Nouvelle-Calédonie, ne demande pas moins de 330 millions d'euros en défiscalisation. Or, douze territoires (je compte les TAAF) sont concernés. Pourquoi ce privilège, demande René Dosière ? Le plafonnement reste certes pour les outre-mer à 18 000 euros plus 4 % du revenu imposable, mais nous nous sommes engagés à conduire une évaluation, dont les conclusions seront rendues au plus tard en juin 2013, avant le débat d'orientation budgétaire. Des incitations sont-elles nécessaires ? Il faut, pour répondre à cette question, se demander comment est financée l'économie de ces régions. Or, l'Europe ne finance plus que sur des domaines en concentration thématique, comme les TIC, l'enseignement supérieur, l'innovation, autant dire des sujets qui ne sont pas forcément moteurs du développement outre-mer. L'État ? Depuis dix ans, sa présence a reflué, même s'il reste de grands chantiers de rénovation urbaine, comme cela est le cas en Guadeloupe. On compte les salaires des fonctionnaires : les compte-t-on pour les régions métropolitaines ? Les banques, en léthargie, ne sont plus prêtes à financer que les fonctionnaires. L'épargne drainée est investie en assurance et en obligations assimilables DU Trésor (OAT). S'il est normal de participer à l'effort de financement de la dette, l'on ne finance pas, du même coup, l'économie locale. Et quant aux impôts locaux, toutes les collectivités sont au taquet pour la pression fiscale et les taux. N'oublions pas que les revenus moyen et médian sont, outre-mer, deux fois inférieurs à la moyenne nationale. Une bonne partie des ultramarins n'acquittent pas l'impôt sur le revenu parce que leurs revenus sont insuffisants.

Reste donc la dépense fiscale, indispensable dans une économie sous-financée et sous-capitalisée. Quoique la LBU soit sanctuarisée, il faudra un siècle pour répondre à la demande actuelle. En attendant, les riches financent le logement des pauvres. Quant aux mesures de la Cour des comptes et de l'IGF, elles sont parfois contestables. Il est ainsi question de 1,255 milliard d'euros de différence de TVA. Ne l'oublions pas, la sixième directive TVA ne s'applique pas outre-mer. Et ces territoires sont, sur le plan douanier, considérés comme territoires d'exportation, ce qui signifie que lorsque la métropole y envoie ses produits, cela est considéré comme une exportation. Cela gonfle notre balance commerciale. Les produits sont taxés à l'arrivée, mais la Cour des comptes demande la suppression de cette... niche.

Même problème pour les carburants. La Cour compte pour 104 millions d'euros l'absence de TIPP. Elle oublie la taxe spéciale de consommation sur les carburants, soit 72 millions d'euros pour la seule Guadeloupe. Le dispositif « Girardin » représente 410 millions d'euros en 2012, contre 700 en 2011, 875 millions d'euros en 2010 et 1,4 milliard d'euros en 2009. Oui, il faut évaluer le dispositif, mais il conviendrait de s'interroger, dans le même temps, sur la doctrine de l'administration de Bercy. Pourquoi tant de retard dans les agréments ? Un retard tel qu'il n'est pas sûr que les 410 millions d'euros soient utilisés. Sans compter que l'essentiel va à la Nouvelle Calédonie, parce que son sous-sol est riche... Et l'on vient, ensuite, nous dire qu'il faut diminuer des crédits que nous n'utilisons pas.

L'opinion publique enfin. On m'invite sur la chaîne parlementaire : le journaliste dénonce un scandale sans me laisser le temps de présenter une réponse argumentée. Depuis dix-sept ans, on vit sur une idée préconçue, celle du fameux Merci Béré, le yacht de M. Séguéla, dont l'image cache les milliers d'emplois créés.

Ensuite, il y a les 265 millions d'euros consacrés au logement libre et intermédiaire, enveloppe résiduelle d'un dispositif supprimé par le précédent gouvernement qui cessera complètement en 2013.

Restent 11 millions d'euros des dispositifs « Scellier », outre-mer et intermédiaire, qui ont très mal fonctionné et que la loi Duflot remplacera peut-être par un mécanisme spécifique.

410 millions, 265 millions d'euros et 11 millions d'euros : voilà les trois lignes utiles. Les yachts ? Il est vrai que par le passé, on pouvait financer du yacht patrimonial dès lors que l'on y habitait, comme on le fait pour sa maison. Ce n'est plus possible. Les bateaux de plaisance ne représentent plus 70% de défiscalisation mais 50%, et, pour en bénéficier, il faut que les biens soient donnés en location, ce qui crée de l'emploi. Sans cette aide, il n'y aurait pas la marina du Marin en Martinique, ni celle de Pointe-à-Pitre : face à la concurrence de Saint-Kitts, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent, très fréquentés par les Américains, cette activité serait morte.

Membre pendant dix ans de la commission des finances de l'Assemblée nationale, j'ai vu mes collègues cérébraliser sur ce sujet sans connaître les réalités. Ce n'était pas évident, surtout avec mes amis socialistes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion