Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 — Examen du rapport

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy, rapporteur pour la branche AT-MP :

Avec un objectif de dépenses pour 2013 de 13,3 milliards pour l'ensemble des régimes de base et de 11,9 milliards pour le régime général, la branche AT MP devrait renouer avec les excédents après quatre années de déficit. Les prévisions qui figurent à l'annexe B laissent espérer que la capacité de la branche à dégager un solde financier positif va non seulement se maintenir mais même s'accroître sur les cinq prochaines années.

On peut se réjouir de ces perspectives. Mais elles apparaissent surtout comme un retour à la normale pour une branche dont la vocation assurantielle est établie depuis 1898, qui est, à ce titre, tenue à l'équilibre, et dont les charges doivent être assumées par les cotisations patronales à l'exclusion de toute autre forme de financement, ainsi que l'a rappelé le Premier président de la Cour des comptes que nous avons entendu.

Le cumul de déficits entre 2009 et 2012 a entraîné un besoin de financement de 2,2 milliards de la branche dans les comptes de l'Acoss, qui n'a pas été traité de manière satisfaisante par la majorité précédente. Le premier objectif est donc d'apurer ce déficit. Le Gouvernement et les partenaires sociaux se sont ainsi engagés à affecter les excédents de la branche à la réduction du déficit cumulé, et une augmentation modérée de 0,05 point de cotisation est prévue pour 2013. D'après les prévisions de l'annexe B, la branche aura couvert ses déficits en 2016. Cette perspective est néanmoins lointaine et j'ai tendance à penser qu'une augmentation légèrement supérieure des cotisations aurait été préférable afin d'accélérer le processus. Le Gouvernement a préféré faire un choix acceptable pour l'ensemble des partenaires sociaux, conformément au paritarisme qui caractérise la branche.

Plusieurs sujets d'inquiétude demeurent néanmoins. Le premier est que les excédents modestes de 2013 - 400 millions reposent, pour une large part sur la baisse de deux des transferts à la charge de la branche, celui à la Cnav et celui au Fiva. Le transfert à la branche vieillesse lié à la pénibilité est nul cette année et, même s'il doit augmenter, a sans doute vocation à rester modeste étant donné le caractère assez restrictif du dispositif. Mais tel n'est pas le cas du transfert au Fiva dont la dotation est réduite de 200 millions pour 2013, en raison de l'importance de son fonds de roulement, mais qui a vocation à retrouver dès 2014 son niveau de 2012, à 315 millions, sans compter que le budget de la santé pour lequel notre collègue Dominique Watrin est rapporteur, prévoit que l'Etat ne dotera pas le fonds au cours des trois prochaines années, ce qui n'est guère conforme aux souhaits de la mission amiante. D'autres transferts supportés par la branche sont susceptibles d'augmenter au cours des années à venir. La commission Diricq, chargée d'évaluer le montant de la sous-déclaration des accidents de travail et des maladies professionnelles, doit se réunir en 2014 et chacun de ses rapports a conduit jusqu'à présent à une augmentation du transfert vers la Cnam.

Enfin, les recettes sur les prochaines années sont particulièrement sensibles à l'évolution de la masse salariale.

Dans ce contexte, comme Catherine Deroche et moi-même l'avions souligné dans notre rapport devant la Mecss, il est crucial de ne pas grever la branche de dépenses excessives ou qui ne lui incombent pas. Or, une dotation de 10 millions en faveur du fonds national de soutien relatif à la pénibilité lui a été demandée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, alors même que ce fonds, créé par la loi portant réforme des retraites, ne distribue d'aides aux entreprises que depuis le mois d'avril 2012 et que les résultats de son premier semestre paraissent particulièrement décevants moins de 15 000 euros ont été distribués.

En dehors du régime général, la tentation d'affecter les excédents des régimes AT-MP aux régimes déficitaires perdure, comme le montre cette année la ponction de 450 millions sur le fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (Atiacl) au profit de la CNRACL.

Les régimes AT-MP ont besoin de marges financières pour faire face aux questions essentielles qui se posent à eux. Qu'on ne se fasse pas d'illusions, c'est l'existence même de ces régimes qui est en cause s'ils ne parviennent pas à transformer leur approche de la prévention et de la réparation, qui constituent leur raison d'être.

Dix ans après les critiques sévères faites par la Cour des comptes dans son rapport sur la gestion du risque AT-MP, les dépenses de prévention ne représentent que 3 % des dépenses de la branche et les crédits alloués restent sous-utilisés par les entreprises. Parallèlement, le taux de reconnaissance des maladies professionnelles continue à varier en fonction des caisses, et le caractère forfaitaire de la réparation est l'objet de critiques constantes. Les partenaires sociaux, conscients de ces limites, ont déjà engagé des réformes, notamment celle de la tarification qui entre en application à partir de cette année. Dans le cadre de l'élaboration de la prochaine convention d'objectifs et de gestion, la prévention et la meilleure prise en charge des victimes du travail figurent aux premiers rangs des orientations approuvées par le patronat et les syndicats de salariés.

Soulignons combien ce régime, mis en place en 1898 et si décrié par la doctrine juridique, suscite pourtant l'adhésion des partenaires sociaux qui souhaitent le faire vivre et évoluer, en s'engageant dans une démarche d'innovation qui prend en compte les meilleures pratiques européennes. L'évolution de la branche AT-MP sera l'un des sujets importants des prochaines années. Si ce sont les partenaires sociaux qui font vivre la branche AT MP, il ne leur en faut pas moins des moyens.

J'en viens aux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale concernés, au nombre de sept après le passage à l'Assemblée nationale. Au-delà de ceux dont j'ai déjà abordé les enjeux, quatre articles méritent un examen plus particulier.

L'article 65 met en place une réforme de la prise en charge de la tierce personne pour les victimes du travail ayant besoin d'une aide dans les actes de la vie quotidienne. L'ancien système, fondé sur une majoration de la rente, aboutissait à calculer le montant alloué à la victime sur la base de ses revenus antérieurs. Le Gouvernement propose de mettre en place un système de prestation fondé sur les besoins de la personne handicapée. Sous réserve d'une précision que la ministre pourra apporter en séance pour nous assurer que les aidants familiaux sont bien inclus dans le périmètre de la mesure, cet article ne me paraît pas nécessiter d'amendement.

L'article 66 tend à résoudre une difficulté pratique et procédurale et à garantir que la branche, qui avance à la victime d'une faute inexcusable de l'employeur le montant total de son indemnisation, pourra obtenir le remboursement de cette somme par l'employeur fautif. Les sommes dues seront ainsi perçues en capital et non plus sous la forme d'une majoration de cotisation, ce qui limitera le risque lié à la disparition de l'entreprise. En outre, l'employeur ne pourra plus se prévaloir des carences de la caisse, dans le cadre de la procédure administrative, pour faire échec au recouvrement des sommes avancées en application d'une décision du juge judiciaire. Cette pratique, essentiellement celle de grands groupes industriels, coûte plusieurs millions chaque année à la branche et il est heureux qu'il y soit mis fin. Dans le cadre de la discussion en séance, j'aborderai la question plus large de l'indemnisation des victimes d'une faute inexcusable, qui n'est pas pleinement tranchée depuis la décision du Conseil constitutionnel de 2010, qui a élargi le nombre des préjudices indemnisables.

L'article 67 prévoit pour sa part les mesures techniques qui permettront à l'ensemble des polypensionnés titulaires d'une allocation de cessation anticipée au titre de leur exposition à l'amiante de liquider leur pension de retraite à l'âge de soixante ans. C'est là l'aboutissement de la mesure que le Sénat avait adoptée à l'unanimité dans le cadre de la réforme des retraites de 2010.

Enfin l'article 69 bis, inséré par les députés, repose pour sa part la question d'une voie d'accès individuelle au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), qui n'est toujours accessible qu'aux employés ayant travaillé sur certains sites limitativement énumérés. Il est regrettable que nous en soyons encore à la demande de rapport, puisque l'étude publiée par l'Anses en mai 2011 a clairement établi la faisabilité technique de cet accès. Nous aurons encore une fois ce débat en séance avec la ministre. Espérons que nous aboutirons un jour...

Je vous proposerai trois amendements techniques tendant à étudier la possibilité pour les ayants droit d'une personne bénéficiaire de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante de bénéficier de l'assurance décès ; à reconnaître que le lien entre le décès d'une victime de l'amiante et sa maladie une fois établi par la caisse n'a pas à être réexaminé par le Fiva ; à garantir la possibilité pour les représentants des salariés au sein des comités techniques de la branche d'exercer leur mandat.

Puisse l'examen en séance nous aider à approfondir plusieurs points avec la ministre et à poser des jalons pour l'avenir.

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